Les mots du client
- « Depuis hier mon fils de 2 ans à une forte diarrhée avec de la fièvre.
- Ma mère âgée vomit et me dit qu’elle a mal au ventre.
- Je me demande pourquoi le médecin ne m’a pas donné d’antibiotique pour ma diarrhée. »
Rappel physiopathologique
Une gastro-entérite aiguë correspond à une inflammation du tube digestif, le plus souvent au niveau de l’intestin et d’origine fréquemment infectieuse, le plus souvent virale (dans 70 à 90 % des cas, quel que soit l’âge) et durant moins de deux semaines.
Elle peut survenir à tout âge (on estime à 3 millions le nombre de cas annuels en France). Il existe deux pics de gastro-entérite épidémique, surtout en hiver (février - mars pour le rotavirus), mais aussi en été, de moindre importance. Cela étant, des épidémies localisées peuvent survenir à n’importe quel moment de l’année.
Les gastro-entérites virales ou bactériennes sont transmises par contacts interhumains directs ou indirects (surfaces souillées), par l’alimentation (coquillages, aliments crus ou peu cuits…) ou l’eau de boisson.
Les signes surviennent souvent brutalement et associent des vomissements, des diarrhées devenant rapidement aqueuses (on parle de diarrhées au-delà de 3 selles par jour, molles ou liquides), des douleurs abdominales, des céphalées, de la fièvre et une fatigue.
Plus rares que les gastro-entérites virales, les gastro-entérites bactériennes sont plus sévères, voire très graves.
Dans les formes bénignes (autrement dit d’origine virale), les symptômes disparaissent en 2 à 3 jours et la guérison survient spontanément en 4 à 7 jours (les adénovirus peuvent causer des diarrhées se prolongeant jusqu’à deux semaines), mais les gastro-entérites bactériennes durent plus longtemps. Au-delà de 3 jours ou avant s’il s’agit d’un patient à risque ou encore en cas de signes inquiétants (diarrhées sanglantes, asthénie intense, signes de déshydratation), le recours au médecin s’impose.
Le risque majeur est représenté par le risque de déshydratation aux âges extrêmes de la vie.
Trois mécanismes.
Trois grands types de mécanismes peuvent être à l’origine de la diarrhée, susceptibles d’ailleurs d’être associés, comme dans le cas du rotavirus : les diarrhées sécrétoires par sécrétion intestinale accrue d’eau et d’électrolytes (rotavirus, entérovirus, adénovirus, E coli, Clostridium), les diarrhées invasives liées à une destruction de la muqueuse intestinale par le germe (syndrome dysentérique, avec selles muco-sanguinolentes et ténesme*), comme celles provoquées par les shigelles, les salmonelles et les amibes et les diarrhées toxiniques induites par l’ingestion d’une toxine bactérienne, par exemple celle sécrétée par le staphylocoque doré. Ces dernières présentent, de manière typique, un court délai d’incubation, inférieur à 6 heures, alors que dans les autres cas, la durée d’incubation est souvent de l’ordre de 2 à 3 jours, mais peut aller jusqu’à 7 jours.
Il faut aussi savoir penser à une possible responsabilité parasitaire dans les gastro-entérites survenant au cours ou après le retour d’un voyage (Giardia, Cryptosporodium, E coli entérotoxinogènes responsables de la « Turista »), ainsi qu’à celles qui sont secondaires à une antibiothérapie (Clostridium difficile).
L’agent infectieux le plus souvent responsable de gastro-entérites aiguës chez le nourrisson est représenté par le rotavirus (c’est aussi une infection nosocomiale, également très fréquente au sein des collectivités, comme les crèches et les institutions), qui serait responsable de plus de la moitié (60 % selon l’enquête européenne REVEAL) des hospitalisations pour cette pathologie chez les enfants de moins de 5 ans et qui peut donner des infections systémiques, notamment des méningo-encéphalites ainsi que des manifestations pulmonaires et rénales. Remarquons que le risque d’hospitalisation est inversement proportionnel à l’âge, ainsi qu’en ce qui concerne la durée de l’hospitalisation et que la mortalité n’est pas nulle en France, avec une quinzaine de décès annuels. Le rotavirus peut aussi donner des formes symptomatiques chez les personnes âgées. La durée moyenne de la maladie est de 5 à 7 jours.
Il faut aussi penser au tropisme digestif des virus grippaux (surtout pour le A/H1N1) et tout particulièrement chez les nourrissons.
La « maladie du hamburger » ou « syndrome du barbecue » est due à l’ingestion de bœuf haché insuffisamment cuit contaminé par une souche particulière d’E coli dénommée 0157:H7. Elle peut être à l’origine de formes graves, parfois mortelles, avec un syndrome hémolytique et urémique ainsi qu’un purpura thrombotique thrombocytopénique. Après une incubation pouvant aller jusqu’à 8 jours survient une diarrhée sanglante accompagnée de douleurs abdominales.
Les questions à l’officine
Mon enfant d’un an vient d’avoir encore une gastro-entérite à rotavirus ; va-t-il en faire encore longtemps ?
Si l’incidence maximale de la gastro-entérite à rotavirus est maximale entre 6 et 24 mois, au point que 80 % des enfants possèdent des anticorps à l’âge de 3 ans, les réinfections entraînent rapidement une immunisation, mais qui peut ne pas être totale en raison de l’existence d’un certain nombre de « souches » de types différents.
Que faire pour ne pas risquer d’être contaminé quand un membre de sa famille a une gastro-entérite virale ?
Un ensemble de mesures préventives diminue le risque de contamination. En sachant que le rotavirus est très contagieux, hautement résistant dans le milieu extérieur et qu’il peut survivre plusieurs jours sur des surfaces souillées (jouets…) et plusieurs mois dans les selles (vêtements, linges de toilette souillés) et résiste au lavage des aliments à l’eau et à la plupart des savons et désinfectants. Enfin, que l’excrétion du rotavirus dans les selles commence avant l’apparition de la diarrhée, et qu’une transmission respiratoire est probable.
On conseille de se laver soigneusement et régulièrement les mains (ainsi qu’en ce qui concerne le patient) - surtout avant de préparer les repas et de manger ou après avoir changé les couches s’il s’agit d’un jeune enfant - de ne pas partager de couverts, de nourriture, de serviettes de toilettes et de brosses à dents avec une personne infectée, de nettoyer tout objet ainsi que tous les vêtements souillés par la diarrhée ou les vomissements avec un javellisant.
Pourquoi le médecin ne m’a-t-il pas prescrit une recherche dans les selles ?
Parce que celle-ci n’est pas systématiquement nécessaire. Elle n’est utile que dans certains cas, lorsque le germe à l’origine de la gastro-entérite est probablement une bactérie ou un parasite, par exemple rencontré à l’occasion d’un voyage dans un pays tropical ou bien lorsque le niveau général d’hygiène est problématique.
Ou encore si les symptômes sont particulièrement marqués et/ou se prolongent au-delà de 2 à 3 jours.
Chez le médecin
Un point essentiel est de rechercher en premier lieu les signes de gravité, en ne perdant jamais de vue que les jeunes enfants, les personnes âgées, les personnes fragiles en général (insuffisants cardiaques, insuffisants rénaux, diabétiques…), les immunodéprimés, les patients suivant un traitement par lithium, digitaliques ou diurétiques (rôle possiblement délétère d’une déshydratation) représentent les principaux groupes à risque de complications.
Une diarrhée invasive fait courir le risque d’une perforation intestinale. Signalons que dans notre pays, la diarrhée est accompagnée de fièvre 2 fois sur 5 et de sang 1 fois sur 100. Les diarrhées non sanglantes s’amendant en moins de 3 jours ne nécessitent généralement pas d’explorations particulières.
Une coproculture est recommandée dans un certain nombre de cas : diarrhée hémorragique, diarrhée se prolongeant au-delà de 3 jours, terrain fragile, signes de gravité, suspicion d’une origine bactérienne, toxi-infection collective, retour d’un pays tropical, diarrhée en relation avec une antibiothérapie.
Parmi les autres examens susceptibles d’être prescrits : citons l’ionogramme, l’hémogramme, l’hémoculture, l’examen parasitologique des selles, l’échographie abdominale ou tomodensitométrie, la rectosigmoïdoscopie…
Un suivi médical est nécessaire chez les patients à risque.
Les traitements
La première mesure à mettre en œuvre, systématiquement chez l’enfant et cela sans retard, est de lutter contre le risque de déshydratation, consécutive à la diarrhée et aux vomissements, ou contre un début de déshydratation, en faisant boire régulièrement de petites quantités de liquides riches en sels (sodium, potassium) et en sucre (le glucose facilite l’absorption intestinale des électrolytes).
Dans les situations préoccupantes, la compensation hydroélectrolytique doit être effectuée d’emblée par voie intraveineuse.
Une surveillance attentive est indispensable afin de prévenir ou d’identifier une déshydratation aiguë, d’autant plus que chez le nourrisson de moins de 6 mois l’évolution peut être très rapide.
Réhydrater.
Chez l’enfant, le plus simple est de recourir à des préparations commerciales (les solutés de réhydratation orale sont néanmoins encore très sous-utilisés en France), les quantités recommandées (exprimées en ml/kg) étant fonction de la perte de poids. Il est conseillé de fractionner les prises (plusieurs fois par heure) et de donner la solution bien fraîche (réfrigérateur) pour éviter les vomissements. Une diarrhée survenant au cours des 3 premiers mois de la vie impose sans retard un avis médical. L’objectif de la prise en charge est non seulement de réhydrater, mais aussi de rétablir dès que possible un apport nutritionnel normal (un déficit prolongé d’apport calorique pérennise la diarrhée), grâce à une réalimentation précoce, dans les heures qui suivent le début de la réhydratation, après éventuellement une diète de 12 à 24 heures, avec un régime initial pauvre en fibres et en lactose. Si l’enfant est allaité au sein, on peut alterner tétée et soluté de réhydratation orale.
Chez l’adulte, la réhydratation par voie orale est le plus souvent la règle, associée à une alimentation riche en sels et en sucre : riz, gâteaux salés, jus de fruits (en petite quantité), fruits secs… Tant que persistent les symptômes, mieux vaut éviter les plats épicés, très gras ou riches en fibres.
Les ralentisseurs du transit (lopéramide) ont une activité symptomatique (cela étant, ils n’ont pas d’effet démontré sur la prévention et le traitement de la déshydratation chez l’enfant), mais doivent être utilisés avec prudence, car ils risquent de maintenir les germes à l’intérieur de l’intestin et d’induire une impression trompeuse d’amélioration. Ils sont contre-indiqués chez le nourrisson et en cas de diarrhées glairosanglantes, de syndrome dysentérique et d’une manière générale quand la présence d’un germe invasif est suspectée.
Levures et probiotiques.
En revanche, deux produits sont recommandés (AMM) chez le nourrisson, à savoir la diosmectite (Smecta) - un topique adsorbant - et le racécadotril (Tiorfan) - un antisécrétoire inhibiteur de l’enképhalinase intestinale qui réduit le débit des selles sans modifier la contractilité intestinale (effet très complémentaire de celui des solutés de réhydratation orale). Ils sont également utilisables avec profit chez l’adulte.
Les antiseptiques intestinaux (nifuroxazide) ne sont pas efficaces dans les infections virales, mais sont intéressants en cas d’origine bactérienne, en l’absence de suspicion de phénomène invasif.
Les probiotiques de type bactérien (Bifidobacterium, Lactobacillus) ou levures (Saccharomyces boulardii - Utralevure) représentent une approche intéressante. Ils peuvent également trouver à s’employer utilement au décours de la période proprement infectieuse pour concourir au rétablissement d’une flore intestinale normale. En effet, une altération de cette dernière peut entraîner une intolérance temporaire au lactose se manifestant par des selles molles persistantes.
Les antiémétiques ne sont pas toujours efficaces sur les vomissements. Les antipyrétiques seront utilisés en cas de fièvre. Enfin, les antibiotiques s’adressent aux formes sévères et aux terrains à risque : diarrhée de type invasif, diarrhée se prolongeant au-delà de 3 jours malgré un traitement symptomatique, patients âgés, immunodéprimés, suspicion de fièvre typhoïde ou d’une origine amibienne, colite post-antibiotique à Clostridium difficile.
Les médicaments utilisés sont, notamment, représentés par les quinolones, l’azithromycine, les céphalosporines de 3e génération (par exemple la ceftriaxone) et le métronidazole.
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