L’arrivée des trithérapies contre le VIH et des antiviraux à action directe contre le VHC ont fait reculer les comorbidités associées à la réplication de ces 2 virus, sans pour autant annuler la surmortalité des patients coïnfectés.
« Notre équipe a mis en évidence que l’éradication du VHC réduit leur taux de mortalité globale de 80 %, explique Patrizia Carrieri, membre du SESSTIM (Sciences économiques et sociales de la santé et traitement de l’information médicale). Cependant un risque résiduel persiste, suivant l’état de la fonction hépatique, l’immunodépression ou encore les styles de vie ».
Effet protecteur du cannabis
Avec son équipe, la chercheuse a évalué, dans un article paru dans « AIDS and Behavior », les liens entre comportements et risque de mortalité chez les patients coïnfectés. Ils constatent un effet délétère du syndrome métabolique, de l’alcool et du tabagisme, et… un effet protecteur des consommations régulières de café (3 tasses par jour) et de cannabis (1).
Les chercheurs ont réalisé une étude de cohorte de 1 028 patients coïnfectés de la cohorte HEPAVIH. Ces derniers fument plus que la population générale (71,8 % de fumeurs réguliers) et consomment davantage de cannabis (24,8 % contre 7,2 % en population générale selon les chiffres de l'OFDT).
Au cours d’un suivi median de 5 ans (entre 2005 et 2014), 77 décès ont été dénombrés, dont 42,8 % liés à l’infection par le VHC (cirrhose décompensée ou cancer du foie), 10,4 % liés au VIH (lymphome de Hodgkin, encéphalites ou hypertension artérielle liées au VIH), 10,4 % causés par un cancer non lié au VHC ou au VIH et 35,1 % ont une autre cause (maladie cardiovasculaire, overdose, suicide, etc.).
En analyse multivariée, les participants qui boivent 3 tasses de café, ne fument pas et consomment régulièrement, voire quotidiennement du cannabis, avaient un risque de mortalité au cours de cette période significativement diminué de respectivement 62, 72 et 72 %. Les facteurs comportementaux associés à un surrisque de mortalité étaient l’obésité ou au contraire l’extrême minceur (risque relatif de décès de 2,4 et 7,3) ainsi que les épisodes d’alcoolisation massive ou « binge drinking » (risque relatif 2,2).
Des facteurs indépendants de l'état hépatique
Plus de la moitié des patients décédés, et 82 % des membres de la cohorte, ne présentaient pas de fibrose sévère (score FIB-4 supérieur à 3,25). « Nous avons pris en compte les antécédents de greffe hépatique ou cancer du foie et des signes cliniques de cirrhose, détaille Patrizia Carrieri. Même en prenant en compte l’effet de la maladie hépatique avancée, les facteurs comportementaux restaient associés à une réduction ou à une augmentation du taux de mortalité », insiste-t-elle.
Concernant le rôle de la consommation de cannabis, des publications plus anciennes du SESSTIM, mais aussi d’autres équipes, indiquent une association entre consommation quotidienne et risque d’insulinorésistance et de stéatose hépatique, en lien avec les propriétés anti-oxydantes et anti-inflammatoires du cannabidiol.
Patrizia Carrieri rappelle que « l’utilisation du cannabis est souvent un acte d’automédication destiné à contrôler des symptômes douloureux, agir sur l’anxiété, l’insomnie mais aussi de lutter contre l’inflammation chronique et le dérèglement du système endocannabinoïde. »
(1) M. Santos et al., AIDS and Behavior, doi : 10.1007/s10461-019-02585-7,2019.
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