La dartre est une lésion unique ou multiple de type eczéma, mais qui ne passe pas par le stade habituel de vésiculation. La dartre est immédiatement sèche, squameuse, légèrement rosée, mais aussi avec un fond blanc. D’où le nom d’eczématide achromiante qu’on lui donne après la phase de macule érythématosquameuse bien limitée, évoluant vers cette dépigmentation post-inflammatoire. C’est une lésion de 1 à 2 cm de diamètre qui est moins prurigineuse que l’eczéma.
Cette pathologie bénigne survient le plus souvent sur le visage et chez les enfants. Les eczématides sont souvent multiples chez l’enfant, prédominant sur le visage (régions péribuccales, joues, menton).
C’est un mode de réaction de la peau à un antigène à distance, ou bien c’est juste une altération du stratum corneum dans son architecture faite de sphingolipides, et céramides. Ainsi le climat, le froid, l’exposition au vent sont des facteurs contributifs à l’apparition de dartre sur une peau préalablement sèche.
La durée d’évolution est en général longue et dépasse les 6 semaines, temps nécessaire à reconstituer un épiderme.
Signification et pathologies associées
Elle a la même signification que l’eczéma à savoir qu’elle peut être l’expression d’une allergie ou intolérance alimentaire, qui sera questionnée sur l’existence de symptômes digestifs, ou paradigestifs (comme un érythème péribuccal).
Certaines observations ont affirmé la présence d’un parasite intestinal et notamment une oxyurose dans 50 % des cas. Dans ma pratique, je conseille la prise de flubendazole à titre systématique.
Sur le plan histopathologique, on observe, comme dans l’eczéma sec, une hyperacanthose, une discrète spongiose et une hyperkératose parfois parakératosique. La question essentielle repose sur l’affirmation du caractère bénin de la lésion. Car un tel aspect aspécifique peut masquer d’autres affections.
La dartre est parfois une manifestation de dermatite atopique, à côté des placards d’eczéma qui se localisent alors au niveau des plis des coudes, ou des genoux, ou plus globalement sur le visage, ou dans n’importe quel endroit du corps.
Chez l’adulte, les eczématides affectent préférentiellement le tronc, les épaules et les parties supérieures des bras. Des formes extensives de pityriasis alba ont été décrites chez l’adulte, avec une hypopigmentation difficile à différencier de l’apparente hyperpigmentation voisine. La recherche d’un syndrome carentiel doit être guidée par des troubles digestifs.
La crainte est aussi de méconnaître une mycose. Dans ce cas ce serait une dermatophytie. C’est pourquoi il est important de bien chercher une bordure extensive périphérique, plus marquée que le centre, noter une fine desquamation furfuracée au centre, et aussi la présence d’autres localisations fongiques comme un intertrigo trichophytique interorteil (à Trichophyton rubrum).
D’autres formes, quand elles sont multiples, et dans un contexte personnel ou familial, feront évoquer un psoriasis souvent débutant.
L’eczéma nummulaire est caractérisé par des plaques moins bien limitées, avec des microvésicules et un prurit plus marqué. L’eczéma nummulaire est en relation avec une pathologie profonde souvent infectieuse comme parasitaire.
La lèpre tuberculoïde est un piège diagnostique. Le contexte de contamination est important à chercher par l’interrogatoire, et toute plaque hypopigmentée doit conduire à y chercher une hypoesthésie.
Le vitiligo est d’un blanc plus prononcé, avec une délimitation plus nette avec la peau avoisinante iso ou hyperpigmentée. L’examen clinique recherchera des localisations inhabituelles pour les dartres mais fréquentes pour le vitiligo comme les organes génitaux externes.
On a décrit chez l’adulte des eczématides like purpura de Doukas et Kapetanakis, terme usité par le dermatologue pour décrire une eczématique tachetée de pétéchies. Cette eczématide est donc bien purpurique. Que cela signifie-t-il. On peut penser parfois à une fragilité du tissu conjonctif dû par exemple à un déficit en vitamine C, à ne pas méconnaître tant chez l’enfant que chez l’adulte, notamment en cas de malabsorption, pathologie de plus en plus fréquente.
La bénignité, et le diagnostic définitif, faute de pouvoir bénéficier d’un test thérapeutique, doivent s’appuyer sur la normalité de l’examen clinique général ainsi que sur celle des examens paracliniques.
La chronologie de la survenue de lésions chez un adulte avec l’introduction de traitements systémiques doit être faite, pour ne pas méconnaître une forme de toxidermie comme cela a été rapporté avec des anti TNF notamment.
En effet d’authentiques sarcoïdoses prennent l’aspect d’eczématides, tout comme un lupus érythémateux subaigu avec quelques lésions débutantes.
Cet aspect dépigmenté est parfois un élément du diagnostic d’un mycosis fongoïde, lymphome épidermotrope T, tout comme une localisation de leucémides.
La biopsie est parfois nécessaire dans des formes rebelles, inexpliquées, et prurigineuses, dans un contexte clinique et biologique particulier.
Traitement
Le traitement est avant tout de reconstituer la fonction barrière altérée, et donc se base soit sur les émollients, soit sur des pâtes faites d’huiles de paraffine ou de vaseline, telles que les pâtes de zinc, ou pâte Dalibour.
Les émollients apporteront des facteurs naturels d’humidification comme l’urée, l’acide carboxylique, du NaCl.
Il existe de nombreuses crèmes hydratantes de nos jours qui devront corriger cette anomalie en plusieurs semaines. Une des particularités de la dartre est la durée du traitement qui dépasse les 6 semaines.
Il est utile souvent d’utiliser des kératolytiques comme l’acide salicylique à 2 ou 3 %, ou l’urée à 15 %, ou les acides alpha hydroxylés.
À notre grand désarroi, les dermocorticoïdes, ne sont pas très efficaces.
Les formes profuses susceptibles de s’améliorer en été pourront bénéficier de la Puvathérapie.
Conduite pratique à tenir
Avant de rassurer il faut questionner : connaître l’antériorité de telles lésions. Sont-elles habituelles chez cet enfant, y a-t-il eu des poussées par le passé qui ont régressé spontanément ?
Existe-t-il, ou par le passé, des symptômes digestifs à type de régurgitation, ballonnements, douleurs abdominales, gaz, et notamment un prurit anal, élément du diagnostic d’oxyurose ?
Y a-t-il une sensibilité au froid ou au soleil ?
L’évolution d’une lésion se fait-elle sous un mode centrifuge avec blanchiment au centre ? Y a-t-il une bordure plus marquée en périphérie ?
L’examen clinique général indispensable dans ce cas pour ne pas méconnaître un des diagnostics différentiels qui ne peut se baser uniquement sur la description soigneuse de la macule, cherchera un intertrigo interorteil, d’autres lésions identiques ou différentes à distances, des adénopathies notamment dans les territoires épitrochléens.
Si on dispose d’une numération formule on vérifiera l’absence de carences martiale, ou d’autre marqueur indirect de carences, la présence ou l’absence d’une hyperéosinophilie, d’une lymphopénie ou lymphocytose.
Un traitement émollient et surtout hydratant occlusif par des pâtes à l’oxyde de zinc la nuit, et crèmes hydratantes le matin.
Essayer les dermocorticoïdes, mais pas seuls, associés à l’hydratation.
Enfin une consultation de suivi à 6 semaines pour s’assurer de la même forme symptomatique et l’absence d’évolution péjorative.
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques