Les CAR-T cells, une révolution ? « Les CAR-T cells, c’est vraiment un traitement de rupture », assure le Pr Catherine Thiéblemont, expert lymphomes à l’hôpital Saint-Louis (APHP).
Un enthousiasme partagé par le Pr Nicolas Boissel, expert leucémies dans le même CHU parisien : « Les CAR-T cells ouvrent l’accès à un univers infini. Rien n’est figé. C’est un système évolutif qui permet de développer de nouvelles stratégies ».
Ce nouvel outil de thérapie génique, qualifié de « révolution » et autorisé actuellement en hématologie, consiste à prélever les cellules lymphocytes T autologues, à les transformer génétiquement de façon à ce qu’elles ciblent les cellules à détruire puis à les réinjecter au patient après chimiothérapie.
Un récepteur chimérique sur les cellules T
Les CAR-T cells expriment un récepteur chimérique (CAR pour chimeric antigen receptor) après introduction par vecteur viral. Ce récepteur chimérique cible un antigène spécifique, par exemple le CD19 des lymphocytes B en hématologie.
Cette thérapeutique puissante n’est pas sans toxicité. Le syndrome de relargage des cytokines (SRC), potentiellement grave et pouvant toucher différents organes, est fréquent (50-75 % des cas), le traitement reposant sur l’administration de tocilizumab (Roactemra). Dans les leucémies aiguës lymphoblastiques (LAL), une allogreffe de mœlle après CAR-T cells est parfois nécessaire.
Pour l’instant, l’AMM a été accordée en 3e ligne dans des hémopathies avancées réfractaires : les lymphomes diffus à grandes cellules B (LDGCB) - « y compris les lymphomes du médiastin et les lymphomes indolents transformés », relève Catherine Thiéblemont pour le Kimriah et le Yescarta - et les LAL pour le Kimriah. En France, une cinquantaine de patients ont été traités par CAR-T cells, environ 25 pour lymphomes et 25 pour LAL.
Des résultats inégalés dans des hémopathies avancées
Mais le rythme s’accélère. Les résultats importants amènent à repositionner le traitement innovant plus tôt dans la stratégie thérapeutique. « Des essais sont déjà en cours en 2e ligne dans le lymphome en France, explique Catherine Thiéblemont. Aux États-Unis, un essai ouvre en 1re ligne chez des patients avec des facteurs pronostiques péjoratifs, la France ne devrait pas tarder à suivre ».
Les chiffres d’efficacité sont éloquents chez des patients à l’espérance de vie jusque-là de quelques semaines à quelques mois. Dans les lymphomes, le taux de réponse complète est de 46 % à 6 mois, la survie globale de 56 % avec un suivi médian de 15 mois.
Dans les LAL, les résultats sont encore plus spectaculaires avec un taux de rémission complète en 1 à 3 mois de 60-93 %. Si les rechutes dans la première année sont de l’ordre de 30-45 % à des phases très avancées, « environ 50 % des patients vont survivre, voire peut-être guérir », explique le Pr Nicolas Boissel.
Une genèse dans les tumeurs solides
Les CAR-T cells, évaluées dès les années 2000 dans les tumeurs solides, se sont rapidement imposées dans les hémopathies. « Les CAR-T cells ciblent le CD19 exprimé par les lymphocytes B, explique Nicolas Boissel. Les cellules saines sont aussi complètement détruites, mais il est possible de vivre sans, à la différence de la situation des cancers du foie ou du poumon ».
La LAL est le premier cancer de l’enfant. Or les CAR-T cells ont l’AMM chez les enfants, les adolescents et les jeunes adultes de moins de 25 ans. « Chez les plus âgés, la toxicité importante n’a pas permis de développer de façon sécurisée, explique Nicolas Boissel. Les enfants ont une meilleure constitution, qui leur permettent de mieux la supporter ».
Une infinité de possibilités
La thérapie génique est en train de remonter les lignes de traitement et de multiples extensions se profilent, notamment dans les lymphomes du manteau, les lymphomes folliculaires, les lymphomes à cellules T aujourd’hui incurables ou encore les lymphomes de Hodgkin. Dans le myélome, incurable pour le moment car « tous les patients rechutent », explique Nicolas Boissel, les résultats de phase 2 sont très
encourageants avec une réponse de 80-90 %.
Dans les leucémies aiguës myéloblastiques (LAM), « cette approche est plus compliquée à développer car le tissu sain de la mœlle osseuse est également ciblé, explique Nicolas Boissel. Il y a eu 2 ou 3 cas de rémission avec une allogreffe post-traitement ».
Pour Nicolas Boissel, c’est le tout début d’une grande aventure. L’association des CAR-T cells à des thérapies ciblées commence à être testée, comme les inhibiteurs de tyrosine kinase dans le lymphome LDGCB. À l’institut Curie, le centre d’immunothérapie des cancers étudie de près l’association des CAR-T cells aux inhibiteurs de checkpoint dans certains cancers solides. « Demain, il est possible que les CAR-T cells soient testées dans le rejet de greffe et les maladies inflammatoires pour, non pas tuer les cellules, mais réguler l’activation du système immunitaire », projette Nicolas Boissel.
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