LE QUOTIDIEN. - Pourquoi cet appel, aujourd’hui, aux professionnels de santé ?
FRANCK FOURÈS. - Plusieurs avis ont déjà été rendus par l’Agence sur les boissons énergisantes (voir encadré). Dans le cadre du dispositif de nutrivigilance confié à l’ANSES en 2009, six cas graves dont deux mortels ont été rapportés à l’Agence. Dans ce type de surveillance, le lien causal est toujours difficile à établir : les consommateurs de boissons énergisantes ont parallèlement d’autres pratiques. Ils peuvent présenter certaines pathologies ou prendre également des médicaments, par exemple. Cela dit, le lien entre les consommations des boissons énergisantes et les effets constatés est souvent jugé vraisemblable, voire parfois très vraisemblable. C’est dans ce contexte que nous faisons appel aux professionnels de santé. Nous devons en effet étayer ce faisceau de présomptions. Nous avons besoin de nous assurer que nous disposons de l’ensemble des effets indésirables déclarés aux professionnels de santé. Par ailleurs, l’ANSES publiera à l’automne les résultats de travaux en cours sur l’évolution des consommations de boissons énergisantes.
Pouvez-vous nous indiquer les premiers résultats de cette enquête ?
Ce sont des résultats encore préliminaires mais on observe une augmentation de la consommation de ces boissons énergisantes en lien avec une activité sportive, quelquefois avec une activité sportive intense. Nous avons également pu constater que 27 % des consommateurs de moins de 35 ans, ce qui est quand même assez élevé, les associent au moins de temps en temps avec de l’alcool. Ces premiers résultats montrent que les pratiques de consommation pourraient être en train d’évoluer, ce qui serait préoccupant.
Quels sont les symptômes les plus fréquents?
Depuis 2008, une trentaine de cas ont été déclarés. C’est peu et beaucoup à la fois au regard de la consommation de ces produits et de la nature des effets indésirables constatés. Parmi les derniers signalements, il y a eu des cas rénaux, avec une insuffisance rénale aiguë. Mais les cas les plus fréquents sont plutôt associés à des troubles neurologiques : tremblements, vertiges, désorientation spatio-temporelle avec aussi des cas plus graves de type épilepsie. Les troubles de nature cardio-vasculaire vont des tachycardies aux accidents vasculaires cérébraux et aux arrêts cardiaques comme dans le cas des deux décès d’individus jeunes. Nous avons donc besoin que les professionnels de santé pensent bien à interroger les patients sur leur éventuelle consommation de boissons énergisantes et sur leur pratique en la matière.
Comment les professionnels de santé peuvent-ils faire remonter les effets indésirables ?
Notre dispositif de nutrivigilance permet de remonter les cas par Internet mais nous traitons également les fiches de nutrivigilance qui sont envoyés à l’ANSES sous forme d’imprimé (formulaire disponible sur www.ansespro.fr/nutrivigilance/). Pour nous, ce qui est important, c’est de disposer des signalements de tout effet indésirable. Mais plus largement, l’ANSES souhaite, grâce à cet appel spécifique, mettre l’accent sur le dispositif de nutrivigilance qui concerne également les compléments alimentaires et les aliments enrichis.
Pouvez-vous rappeler les précautions d’emploi qui avaient déjà été diffusées ?
Nous rappelons que ces boissons doivent être consommées avec modération et qu’elles sont déconseillées aux femmes enceintes, aux enfants et en cas d’activité physique intense. Contrairement aux boissons énergétiques qui sont spécialement formulées pour être adaptées à un effort intense, les boissons dites énergisantes répondent à un concept marketing, avec l’idée qu’elles stimulent l’énergie. L’ANSES rappelle qu’elles ne sont pas formulées pour accompagner une activité physique intense et qu’elles sont susceptibles d’augmenter de manière artificielle le rythme cardiaque, d’entraîner une fatigue musculaire et une déshydratation. Il faut également noter que sur les six cas graves récents, cinq sont liés à une consommation concomitante d’alcool, dans un cadre festif.
Les boissons énergisantes ne sont pas encadrées réglementairement. Vos conclusions peuvent-elles changer la donne?
Je ne peux pas dire à l’avance ce qui va ressortir des travaux qui seront publiés à l’automne prochain. Mais nous ferons un état des lieux des données disponibles et des nouveaux cas que l’on nous remontera ainsi que de l’évolution des pratiques de consommation.
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