L’UTILISATION des antibiotiques a fait l’objet de diverses recommandations visant à restreindre leur prescription, chez l’adulte et l’enfant, mais jamais encore en raison d’un risque associé d’obésité. Les résultats observés par l’équipe dirigée par Patricia DeRusso dans une cohorte de 64 580 enfants américains suivis jusqu’à l’âge de 5 ans pourraient venir charger d’un poids particulier l’argumentaire en faveur de l’usage raisonné des antibiotiques.
Seule une étude britannique plus petite (n=11 532) publiée en 2003 dans «Int J Obes» avait rapporté un risque d’obésité dans la petite enfance associé à la prise précoce d’antibiotique. Beaucoup plus grande et plus longue, l’étude américaine menée sur la période 2001-2013 vient renforcer les preuves. L’exposition aux antibiotiques rapportée était forte, c’était le médicament sur ordonnance le plus prescrit chez les nourrissons, les médicaments en vente libre n’ayant pas été évalués. Près de 69 % des bébés de moins de 24 mois, avaient été traités au moins une fois, avec un nombre médian de 2,3 épisodes par enfant. Le risque d’obésité un peu plus tard dans l’enfance, c’est-à-dire d’avoir un poids ≥95e percentile, était un peu plus élevé, de l’ordre de 11 %, en cas d’exposition cumulée aux antibiotiques, soit ≥4 épisodes dans l’étude.
Le microbiome intestinal menacé dans sa diversité.
L’effet des antibiotiques sur le poids pourrait être médié par la modification de la flore intestinale, très en vogue depuis quelques années dans la théorie de l’obésité. Le microbiome intestinal joue un rôle important dans le métabolisme énergétique. Alors que la colonisation bactérienne intestinale commence à la naissance et est soumise à de nombreux facteurs environnementaux et diététiques. L’exposition précoce aux antibiotiques pourrait en faire partie en influençant la diversité et la composition microbienne.
Les chercheurs ont construit leur analyse d’après les données issues des dossiers médicaux informatisés du secteur de soins primaires dépendant de l’hôpital pédiatrique de Philadelphie, le Children’s Hospital of Philadelphia (Pennsylvanie). Pour être inclus dans la cohorte, les nourrissons devaient avoir été vus en consultation au moins une fois par an avant 23 mois et au moins une fois entre 24 et 59 mois. La prise médicamenteuse était mesurée sur les prescriptions enregistrées et les médications rapportées par les parents en consultation. Les médicaments sans ordonnance ont été volontairement ignorés en raison du risque de saisie incomplète.
L’étendue du spectre fait toute la différence.
Un traitement antibiotique était considéré comme unique quelle que soit la durée d’exposition et avec un intervalle libre d’au moins 14 jours. En accord avec les recommandations de première ligne pour les affections pédiatriques courantes, la pénicilline et l’amoxicilline étaient considérées comme des antibiotiques à spectre étroit ; les antibiotiques de seconde intention, généralement à spectre plus large, et tous les autres antibactériens systémiques rentraient dans la case spectre large.
Alors que 62 % des enfants ont été exposés au moins une fois aux antibiotiques à spectre étroit et 41 % à ceux à spectre large, l’équipe de Philadelphie a observé que le risque d’obésité était plus marqué pour les antibiotiques à large spectre, à hauteur de 16 %. Et plus les enfants étaient exposés étant petits aux antibiotiques à spectre large, plus le risque de gain pondéral excessif était élevé, puisque le risque d’obésité augmenté de 11 % entre 0 et 5 mois ne l’était plus que de 9 % entre 6 et 11 mois. À l’inverse, ce qui est très intéressant, les médicaments à spectre étroit n’ont pas du tout augmenté le risque d’obésité, quels que soient l’âge et la fréquence d’administration.
Malgré leurs différences en terme de taille, de localisation géographique et d’époque, les cohortes américaine et britannique ont mis en évidence toutes les deux un risque d’obésité dans la petite enfance associée à la prise antibiotique avant l’âge de 2 ans. Pour l’instant, la question reste posée quant à la persistance du risque au-delà. Compte tenu de l’ampleur de l’épidémie d’obésité chez l’enfant et du caractère modifiable, les résultats méritent d’être retenus. Pour les auteurs, leur étude « renforce l’adoption de recommandations thérapeutiques pour les affections pédiatriques courantes qui prônent l’utilisation limitée des antibiotiques aux situations où l’efficacité est bien démontrée et qui préfèrent les médicaments à spectre étroit en l’absence d’indications spécifiques pour une couverture plus large ».
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