SI LA CONSOMMATION d’antibiotiques a régulièrement baissé de 2000 à 2010 (-10,7 %), ce n’est désormais plus le cas. Selon une étude menée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), la hausse est continue entre 2000 et 2013 (+5,9 %). En cause : la prescription de ville puisque la consommation à l’hôpital semble se stabiliser. Le niveau de consommation en 2013 est légèrement supérieur à celui de 2003. Une décennie d’efforts réduite à néant… « C’est un problème car cela peut entraîner des résistances aux antibiotiques et donc augmenter les situations d’impasses thérapeutiques », explique Philippe Cavalié, auteur du rapport et membre de la direction de la surveillance de l’ANSM. Il note en particulier un usage très important des pénicillines et une forte progression de l’association amoxicilline/acide clavulanique qui représente 25 % des prescriptions de ville. Or cette association est particulièrement génératrice de résistances.
Pire encore : la consommation française reste parmi les plus importantes, avec un taux 30 % plus élevé que la moyenne européenne et 25 % supérieur à celui des États-Unis. Pour Philippe Cavalié, cette hausse de la consommation d’antibiotiques en ville repose principalement sur la pression des patients à laquelle les médecins ont du mal à échapper. « Les patients français veulent sortir du cabinet médical avec une prescription, et cela vaut évidemment pour les antibiotiques. D’autres études ont déjà montré ce phénomène lié à des raisons socio-économiques et culturelles. Les femmes élevant seules leur(s) enfant(s), par exemple, sont très en demande. »
Impasse thérapeutique.
De plus, l’ANSM note qu’il y a bien peu d’enregistrements de nouvelles molécules dans la famille des antibiotiques, ce qui ne permet pas d’alternatives thérapeutiques si des résistances se développent. Or, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 25 000 personnes meurent chaque année dans l’Union européenne du fait de cette résistance aux antibiotiques qui les conduit à une impasse thérapeutique. C’est dans ce cadre que l’OMS a lancé au printemps dernier un appel aux laboratoires pharmaceutiques pour qu’ils s’investissent dans la recherche de nouveaux traitements antibiotiques afin de lutter, notamment, contre les bactéries super-résistantes. En France, en 2013, 82,5 % des antibiotiques consommés étaient des génériques.
Le Plan Antibiotiques 2011-2016 fixant un objectif de réduction de 25 % de la consommation française est pour le moins « mal engagé », reconnaît Philippe Cavalié. L’ANSM se dit très préoccupée et veut faire des actions « pour une juste utilisation des antibiotiques, pour prévenir le développement des résistances bactériennes et pour promouvoir le développement de nouvelles substances » des priorités de santé publique. Le directeur de l’ANSM, Dominique Martin, conclut : « Il y aura des mesures publiques à prendre. »
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