Principaux médicaments
On a coutume de distinguer les antalgiques périphériques des antalgiques centraux.
Antalgiques périphériques :
Paracétamol-Efferalgan, Dafalgan, Doliprane…, aspirine-Aspirine UPSA, Aspégic…, ibuprofène-Advil, Nurofen…, diclofénac-Voltarène, kétoprofène-Profénid.
Antalgiques centraux :
Codéine-Efféralgan Codéine (+ paracétamol), dihydrocodéine-Dicodin LP, morphine-Actiskénan, Skénan LP, poudre d’opium-Lamaline (+ paracétamol + caféine),
Fentanyl-Abstral, Actiq, Effentora, Instanyl et Pecfent, oxycodone-Oxynorm et Oxynormoro, hydromorphone-Sophidone LP, tramadol-topalgic et contramal, tramadol + paracétamol-Ixprim et Zaldiar, néfopam-Acupam, buprénorphine-Temgésic.
Mécanismes d’action
L’aspirine présente un double mécanisme d’action, incluant une activité anti-inflammatoire par inhibition irréversible de la cyclo-oxygénase (radical acétyl) et une composante centrale (radical salicylate).
Le paracétamol posséderait lui aussi un mode en partie périphérique (impact au niveau de la formation ou de l’action des médiateurs chimiques de la douleur) et en partie central (action sur les systèmes cannabinoïdes, sérotoninergiques, et peut-être aussi opioïdes) sur les voies nociceptives du système nerveux central.
Les opioïdes exercent leurs effets en agissant sur des récepteurs spécifiques : mu (analgésie, sédation, bradycardie, dépression respiratoire, dysphorie, dépendance physique), delta (analgésie, dépression respiratoire) et kappa (analgésie, sédation, dépression respiratoire), situés au niveau des nocicepteurs périphériques, de la moelle épinière et du cerveau.
La morphine demeure la molécule de référence.
L’effet antalgique de la codéine est dû à sa conversion en morphine (à hauteur d’environ 10 %) par désacétylation hépatique. Il faut savoir que 10 à 15 % des patients sont résistants à l’effet antalgique de la codéine en raison d’une déficience en enzyme permettant son activation métabolique. L’activité de la dihydrocodéine est proche de celle de la codéine.
Le tramadol est un analgésique morphinique, actif par voie buccale, dont l’efficacité se rapproche de celle de la codéine. Transformé dans l’organisme en un métabolite actif, l’O-desméthyltramadol, il agit sur les récepteurs opioïdes de type mu, inhibe la libération de substance P, ainsi que la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine.
Le fentanyl est un très puissant agoniste des récepteurs opioïdes mu.
L’oxycodone correspond à la codéine dans laquelle un atome d’hydrogène a été remplacé par un groupe hydroxyle OH.
La buprénorphine est un agoniste partiel (expliquant son « effet plafond ») des récepteurs mu.
Dans quelles situations cliniques ?
Le choix du médicament et la posologie sont guidés par :
- Le mécanisme algogène en cause ;
- L’intensité de la douleur évaluée par le patient ;
- Les contre-indications de chaque antalgique.
Focus sur les opioïdes.
- Le tramadol (palier II) est efficace sur les douleurs modérées à intenses. Son association au paracétamol (Ixprim, Zaldiar), un antalgique de palier I, est intéressante car elle permet de diminuer les posologies à efficacité similaire et ainsi de réduire les effets indésirables.
- Effentora, Instanyl, Abstral, Actiq et Pecfent sont indiqués dans le traitement des accès douloureux paroxystiques (ADP) des patients cancéreux recevant déjà un traitement de fond opioïde.
Il s’agit de formes transmuqueuses (passage direct dans la circulation sanguine, sans effet de premier passage hépatique, avec une cinétique proche de celle d’une injection intraveineuse) de fentanyl (palier III) agissant rapidement (moins d’un quart d’heure) et durant un temps limité (entre 1 et 2 heures).
- Oxynormoro est indiqué dans les douleurs intenses ou rebelles aux antalgiques de niveau plus faible.
Posologies recommandées et plans de prise
Antalgiques périphériques.
Paracétamol : 500 mg à 1 g par prise, à renouveler après un intervalle d’au moins 4 heures. En principe, la posologie maximale recommandée est de 3 g par jour, mais peut être exceptionnellement augmentée à 4 g par jour (chez les adultes, sauf les sujets âgés, de plus de 50 kg, sans atteinte hépatique, ni alcoolisme chronique, malnutrition, déshydratation ou insuffisance rénale sévère).
Ibuprofène : 200 à 400 mg par prise, avec une posologie maximale de 1 200 mg/j.
Opioïdes de palier II.
Codéine : 20 à 30 mg par prise, renouvelable toutes les 4 à 6 heures.
Dihydrocodéine : 60 mg toutes les 12 heures.
Tramadol (Ixprim et Zaldiar) : il est conseillé de commencer par une dose de 2 cp (tramadol 37,5 mg + paracétamol 375 mg par comprimé), la posologie maximale étant de 8 cp par jour (soit 300 mg de tramadol et 2,6 g de paracétamol), en espaçant les prises d’au moins 6 heures.
Opioïdes de palier III.
Morphine : la posologie varie en fonction de la voie d’administration, de l’intensité de la douleur et de la réceptivité du sujet. Par voie orale, la posologie initiale peut être de 30 mg 2 fois par jour, posologie qui devra être réévaluée toutes les 48 heures jusqu’à l’obtention de l’antalgie désirée.
Comprimé sublingual.
Abstral : il est recommandé de commencer la titration en utilisant les comprimés dosés à 100 microgrammes. Les comprimés doivent être placés directement sous la langue, le plus loin possible et y fondre entièrement, sans être ni sucés ni mâchés. Les patients ne doivent pas manger ni boire avant la dissolution complète. Si une analgésie adéquate n’est pas obtenue dans les 15 à 30 minutes, un second comprimé peut être administré.
Comprimé gingival.
Actiq : le comprimé doit être placé contre la face interne de la joue et celui-ci doit être déplacé, grâce à l’applicateur, contre la muqueuse afin d’améliorer l’absorption du principe actif. Il faut laisser fondre le comprimé (environ 15 minutes) sans le sucer, le mâcher ou le croquer, car l’absorption est plus rapide à travers la muqueuse buccale que par voie digestive. La titration commence avec la dose de 200 microgrammes. Si une analgésie satisfaisante n’est pas obtenue dans le quart d’heure qui suit la dissolution complète, une seconde unité d’Actiq de même dosage peut être utilisée.
Effentora : les comprimés doivent être retirés de l’emballage juste avant d’être placés entre la gencive et la joue ou sous la langue et se dissolvent en général entre 14 et 25 minutes. Après 30 minutes, tous les morceaux de comprimés restants peuvent être avalés avec un verre d’eau.
Les comprimés ne doivent être ni brisés, écrasés, avalés, sucés ou mâchés. Il ne faut rien boire ni manger tant que le comprimé demeure dans la bouche. La dose initiale doit être de 100 microgrammes, avec une augmentation progressive de la posologie.
Sprays nasals.
Instanyl : cette forme présente notamment l’avantage d’être aussi utilisable chez les patients souffrant de nausées et/ou de vomissements, de syndrome de la bouche sèche ou de mucite.
Lors de l’administration, il est recommandé au patient de se mettre en position assise ou debout. L’embout du flacon pulvérisateur doit être nettoyé après chaque utilisation. Comme tous les morphiniques, Instanyl doit faire l’objet d’une titration soigneuse et progressive, chez des patients ne présentant pas plus de 4 accès douloureux paroxystiques par jour, en commençant par une dose de 50 microgrammes dans une narine. Si une analgésie satisfaisante n’est pas obtenue, la même dose peut être réadministrée après un délai d’au moins 10 minutes.
Pecfent : il s’agit de la seconde présentation de fentanyl sous cette forme galénique. La dose initiale recommandée est de 100 microgrammes. L’efficacité d’une dose donnée doit être évaluée durant les 30 minutes qui suivent son administration. Un délai de 4 heures doit être respecté avant de traiter un autre accès douloureux par ce médicament.
Dispositifs transdermiques.
Durogesic : le choix de la posologie initiale dépend des antécédents d’utilisation de morphiniques. L’activité de chaque patch dure en moyenne 72 heures, mais, il peut être nécessaire de le changer après seulement 48 heures lors de la phase initiale d’ajustement, en cas de diminution rapide de l’effet antalgique. L’évaluation de l’effet antalgique maximal doit être réalisée 24 heures après la pose.
Quelques cas particuliers
Grossesse et allaitement.
Sauf nécessité absolue, les opioïdes ne doivent pas être utilisés durant la grossesse et l’allaitement. Ils sont contre-indiqués au-delà du 5e mois.
La poudre d’opium est contre-indiquée au cours de la grossesse et de l’allaitement.
Il est déconseillé d’utiliser des AINS durant l’allaitement.
Sujets âgés/insuffisance rénale ou hépatique.
La prudence s’impose chez les patients âgés ou atteints d’insuffisance rénale ou hépatique modérée à sévère.
Chez les sujets âgés, il peut être nécessaire d’allonger l’intervalle des prises.
Contre-indications absolues
- Paracétamol : insuffisance hépatique sévère.
- AINS : antécédents d’hémorragie digestive, d’allergie ou d’asthme déclenchés par un AINS, ulcère gastroduodénal en évolution, insuffisance hépatocellulaire sévère, insuffisance rénale sévère, insuffisance cardiaque sévère non contrôlée.
- Opioïdes : dépression respiratoire sévère ou obstruction sévères de voies aériennes ; l’administration de fentanyl en pulvérisation nasale est déconseillée en cas de radiothérapie antérieure du visage ou d’épisodes récurrents de saignements de nez.
Les effets indésirables qui doivent alerter
- AINS : dyspepsie, nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhées, flatulences, constipation, ulcère peptique, hémorragies gastro-intestinales…
- Opioïdes : dépression respiratoire et de la toux (risque d’encombrement), bronchospasme, somnolence, étourdissements, hypotension, bradycardie, euphorie, céphalées, nausées/vomissements, asthénie, constipation (à prévenir systématiquement), hallucinations, rétention urinaire, prurit. Le tramadol expose surtout à des nausées et à des vertiges.
Les interactions médicamenteuses
- Paracétamol à forte dose (pendant au moins 4 jours) et antivitamines K : augmentation du risque hémorragique.
- AINS et antivitamines K : majoration du risque hémorragique ; et méthotrexate (au-dessus de 20 mg/semaine) : majoration de la toxicité du méthotrexate (notamment hématologique) ; et certains AINS et autres médicaments potentiellement hyperkaliémiants (y compris IEC, ARA II, héparines de bas poids moléculaire) : majoration du risque d’hyperkaliémie.
- Opioïdes : majoration des effets dépresseurs (réciproques) en cas de prise concomitante d’autres dépresseurs du système nerveux central.
Stratégie antalgique : mode d’emploi
L’approche thérapeutique antalgique des douleurs modérées à intenses a fait l’objet d’une récente mise au point de l’AFSSAPS, en partenariat avec l’Association Française d’Étude et de traitement de la douleur et la Société Française de Rhumatologie, à l’occasion du retrait des associations dextropropoxyphène-paracétamol et dextropropoxyphène-paracétamol-caféine.
Douleurs aiguës nociceptives.
Paracétamol à dose optimale en première intention pour les douleurs légères à modérée, un AINS (anti-inflammatoire non stéroïdien) à dose antalgique (par exemple : ibuprofène), ou un traitement de palier II.
Les douleurs intenses peuvent bénéficier d’emblée d’un antalgique de palier II ou III.
Douleurs chroniques avec composante nociceptive.
Le paracétamol peut être proposé à la posologie de 3 à 4 g/j.
En cas d’efficacité insuffisante, un traitement antalgique de palier II (par exemple tramadol, avec ou sans paracétamol ou codéine, poudre d’opium - paracétamol) peut être proposé à dose faible, en augmentant progressivement la posologie sur une semaine à 10 jours afin d’éviter la survenue d’effets indésirables opioïdes immédiats, à type de nausées ou de somnolence.
Il est possible, pour augmenter l’efficacité antalgique, d’associer un complément de paracétamol, en veillant bien entendu à ne pas dépasser une dose totale de 3 ou 4 g (selon le terrain) de paracétamol par jour.
Le traitement doit être réévalué après une semaine. En fonction de l’efficacité et de la tolérance, la dose du traitement antalgique de palier II sera augmentée progressivement et la dose de complément de paracétamol diminuée en conséquence.
D’une manière générale, le traitement des malades douloureux chroniques doit être réévalué périodiquement, selon un rythme dépendant de la pathologie et des objectifs fixés avec le patient.
Le cas de la personne âgée.
Il est conseillé d’utiliser la posologie minimale efficace et d’augmenter progressivement la posologie, d’évaluer fréquemment l’efficacité et la sécurité d’emploi du traitement (d’autant plus s’il s’agit d’un traitement chronique), d’adapter les intervalles de prise en tenant compte de la durée d’efficacité du produit et de l’évolution de la douleur sur 24 heures, d’éviter (de préférence) les présentations à libération prolongée.
Le paracétamol sera utilisé en première intention, sans dépasser 3 g/j.
Les AINS, y compris l’aspirine, ne doivent être utilisés qu’en cure courte, en raison du risque accru d’effets indésirables (attention, notamment, au risque d’induction d’une insuffisance rénale fonctionnelle).
Le cas du patient épileptique.
Des convulsions ayant été rapportées chez des patients recevant du tramadol, cet antalgique est contre-indiqué chez les patients dont l’épilepsie n’est pas pharmacologiquement contrôlée et l’emploi de celui-ci ne sera de toute façon envisagé chez ces patients qu’en cas de nécessité.
Le cas du patient asthmatique et/ou insuffisant respiratoire.
Les opioïdes exerçant une action dépressive sur la fonction respiratoire, la codéine et la dihydrocodéine sont contre-indiquées chez le patient asthmatique et le patient insuffisant respiratoire.
Le cas de la femme enceinte ou qui allaite.
Le paracétamol peut être utilisé au cours de la grossesse de manière ponctuelle ; il en est de même lors de l’allaitement.
Une utilisation ponctuelle de la codéine et du tramadol est envisageable (mais pas de la poudre d’opium) à partir du 2e trimestre ainsi qu’au cours de l’allaitement.
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