Démuni face au phénomène, le délégué général belge aux droits de l’enfant (DGDE), Bernard De Vos, avait sollicité l’avis de l’Académie royale belge de médecine, espérant sans doute trouver là une alliée. Il n’a pas été déçu : la réponse de l’institution belge, rendue publique le 16 mai, fut sans équivoque. « Le régime végétalien est inadapté et donc non recommandé médicalement pour les enfants à naître, les enfants et les adolescents, de même que les femmes enceintes et allaitantes ».
Retards de croissance irréversibles
Depuis plusieurs années, le véganisme qui exclut, selon la définition de l’Académie, « tous les aliments issus du règne animal (viande, volaille, poisson, crustacé, mollusque, œufs, lait et produits dérivés, parfois miel) et produits dérivés » serait en expansion chez les adultes mais aussi chez les enfants. Près de 3 % des enfants belges seraient en effet concernés aujourd’hui par un régime végétalien (ou végan). Or, chez les plus jeunes, le véganisme fait courir des risques sanitaires sérieux. Il induit « de graves carences », prévient l’Académie : « les quantités de protéines de haute valeur biologique, de vitamine B12 et D, de calcium, de fer, de zinc, d’iode et de DHA sont particulièrement visées dans les carences observées lors de régimes végétaliens purs non substitués réalisés sans un suivi rigoureux ». Résultat, les enfants sont exposés à « des retards de croissance souvent irréversibles ».
Un « refus délibéré de nourriture »
« Si le régime végétarien est tout à fait faisable avec un bon suivi médical et un apport extérieur de vitamine B12, nous sommes très vigilants face au régime végétalien, confirme le Dr Lucia Capone, médecin nutritionniste à la Clinique du Poids Idéal du CHU Saint-Pierre, à Bruxelles. Nous considérons qu’il n’est pas bon, même sous surveillance, pour toutes une série de cas : les enfants, bien sûr, mais aussi les femmes enceintes ou allaitantes, les personnes âgées ou encore les immunodéprimés ».
Ces conclusions, validées et partagées par l’ensemble des professionnels (pédiatres, nutritionnistes, etc.), sont donc a priori sans appel. Problème : il n’est pas toujours évident de convaincre les parents, pour qui le régime alimentaire, a fortiori végan, est souvent un choix philosophique et politique (bien-être animal, environnement…). En 2017, le procès de parents sourds aux injonctions des médecins avait fait grand bruit en Belgique. Le couple, convaincu que leur bébé était intolérant au gluten et au lactose, l’avait soumis de ses 3 à 7 mois à un régime exclusivement végétal, alternant dans les biberons du lait de maïs, de riz, d’avoine, de quinoa et de sarrasin. Le tout sans avis médical. L’enfant était mort de malnutrition et de déshydratation. Le procureur en charge du dossier avait qualifié l’acte parental de « refus délibéré de nourriture » et requis 18 mois de prison. Deux ans plus tard, l’avis de l’Académie va dans le même sens. « Ce concept d’alimentation s’apparente à une forme de traitement qu’il n’est pas éthique d’imposer à des enfants », explique-t-elle.
Alimentation trafiquée
Les parents concernés s’accrochent cependant à un contre-argument : les suppléments alimentaires, aujourd’hui facilement accessibles, rendraient inoffensif le régime végétalien. « Les supplémentations obligatoires, les déséquilibres métaboliques et l’obligation d’un suivi médicalisé, y compris par prélèvements sanguins, ne sont pas admissibles. Le fait de les administrer à des enfants soulève d’importants problèmes bioéthiques », répond l’Académie.
« L’argument des parents végan s’appuie en réalité sur les études américaines, qui montrent que les enfants trouveraient les vitamines manquantes dans d’autres produits alimentaires, artificiellement enrichis », souligne Vassiliki Zafiropoulos, diététicienne pédiatrique à la clinique universitaire St Luc, à Bruxelles. « Ces produits ne sont pas courants en Europe. On peut d’ailleurs se poser la question de cette alimentation industrielle et trafiquée… ». Confrontée plusieurs fois par an à des enfants hospitalisés d’urgence pour dénutrition majeure liée à un régime végan, Vassiliki Zafiropoulos plaide plutôt pour le dialogue. « Le sujet est sensible car lié à des convictions parfois profondes. Il faut discuter avec les parents, leur expliquer les risques, sans les blâmer pour ne pas les braquer ».
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