Le prurit peut être un signe d’accompagnement de nombreuses maladies dermatologiques (eczéma, psoriasis, lichen plan), mais peut aussi exister en l’absence de signes visibles sur la peau. On l’appelle alors le prurit sine materia. Les facteurs qui le favorisent peuvent être le froid, l’eau calcaire, la sécheresse cutanée.
Dans tous les cas, un prurit qui persiste plus de trois semaines, alors même que la peau apparaît normale, doit conduire à rechercher une cause sous-jacente. Parmi ces causes, et notamment chez un sujet jeune, il faut penser à un lymphome ou à une maladie de Hodgkin. L’examen clinique recherchera des ganglions et la radiographie pulmonaire sera prescrite systématiquement.
Dans d’autres cas, il peut s’agir des effets d’un médicament, et notamment chez la personne âgée, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine.
Il peut s’agir aussi d'une manifestation liée à la présence d’un parasite interne, soit qui circule sous forme de larves dans le sang (toxocarose), soit qui est présent sous forme de vers dans le tube digestif (ascaris, anguillulose…).
Les mécanismes du prurit
Le prurit, cette sensation particulière et désagréable, passe par le biais de deux récepteurs qui se trouvent au niveau des terminaisons nerveuses de l’épiderme et du derme, les PAR-2 et les TRPV-1 (Transient receptor potential vanilloid type 1). Ces récepteurs reçoivent des messages par le biais des neurotransmetteurs, qui provoquent les démangeaisons.
Il est intéressant de noter que les récepteurs TRPV-1 sont plus nombreux et plus activés dans la peau des personnes âgées, population au sein de laquelle 30 % des plus de 65 ans connaissent ce type de démangeaisons.
Les récepteurs TRPV-1 appartiennent à la famille des canaux cationiques non sélectifs et leur activation induit un flux de cations divalents (CA++ et MG++). Ces récepteurs peuvent être indirectement activés par l’exposition à la chaleur et ils peuvent être responsables de l’augmentation de la dégradation du collagène sous l’effet des ultraviolets en stimulant notamment les enzymes de dégradation que sont les métalloprotéinases.
Quelle approche diagnostique devant un prurit ?
L’interrogatoire et l’examen clinique à eux seuls peuvent suffire à en trouver l’origine. Dans d’autres cas, l’aide d’examens complémentaires est nécessaire. Cependant, il faut se garder d’accorder une valeur étiologique à une anomalie biologique observée, sans rapport avec la cause réelle du prurit.
L’interrogatoire permet de préciser :
- les prises médicamenteuses qui ont précédé les symptômes. Certains médicaments sont responsables de prurits sine materia sans éruption cutanée (tableau II)
- l’environnement du patient et la notion de voyages pour dépister d’éventuelles parasitoses (toxocarose, anguillulose, ankylostomiase…).
- l'âge de survenue du prurit : il peut orienter vers une origine particulière. Le diagnostic de prurit sénile ne doit être retenu qu’avec beaucoup de circonspection, celui-ci pouvant dissimuler une affection plus grave, comme une pemphigoïde au stade prébulleux, ou encore un lymphome.
- la durée des règles chez les patients de sexe féminin. Les ménométrorragies sont responsables d’une carence en fer.
- Il faut rapidement savoir évoquer la possibilité d’une maladie grave comme un lymphome ou un cancer devant un prurit sine materia persistant. L’interrogatoire - la recherche d’amaigrissement, de sueurs, de fébricule, d’anorexie - est complété par un examen clinique soigneux de toutes les aires ganglionnaires et de tous les organes accessibles.
- la notion d’un ulcère gastrique associé ou non à un syndrome dépressif et à des antécédents de lithiase rénale fait envisager une hypercalcémie par hyperparathyroïdisme.
- des antécédents familiaux ou personnels de pathologies dysimmunitaires, de maladies métaboliques, rénales ou hépatiques… orienteront volontiers l’enquête étiologique vers une dysthyroïdie, une insuffisance rénale, une cholestase…
- l’existence de résultats biologiques antérieurs : certains signes biologiques, habituellement considérés comme banals peuvent orienter le diagnostic (Tableau III)
- le diagnostic de prurit psychogène est un diagnostic d’élimination qui s’appuie sur l’existence d’autres signes d’ordre neuropsychique (syndrome dépressif, trouble du sommeil…).
En l’absence de lésions dermatologiques, il ne sert à rien d’incriminer les savons, les lessives, les vêtements dans leur rôle irritant. Ces explications à elles seules ne suffisent pas à fournir une étiologie au prurit sine materia.
Au terme d’un interrogatoire et d’un examen clinique rigoureux, si le diagnostic de prurit sine materia se confirme, un certain nombre d’examens sera demandé (Tableau III).
Le prurit des maladies dermatologiques
Lorsqu’il s’accompagne d’une affection cutanée, le prurit appartient alors aux symptômes de la dermatose. Sa valeur sémiologique s’ajoute à celle des autres signes cliniques.
Les dermatoses prurigineuses sont nombreuses. Le prurit est un symptôme d’appoint qui, en fonction de son intensité, permet parfois de différencier deux maladies dermatologiques différentes.
Le prurit est particulièrement intense et quasiment obligatoire au cours des dermatoses suivantes : urticaire, eczéma allergique de contact ou eczéma d’une autre origine, lichen plan, prurigo, mastocytose, pemphigoïde bulleuse, lymphome cutané ou état prélymphomateux, enfin, érythrodermie.
Le prurit est le plus souvent d’intensité modérée au cours des dermatophytoses ou du psoriasis.
Les ectoparasites sont parfois le diagnostic différentiel d’un prurit sine materia. Chez certaines personnes, la gale peut en effet ne se manifester que par un prurit isolé diffus sans que les signes évocateurs, voire pathognomoniques que sont les sillons interdigitaux des aisselles, des seins et de l’ombilic, ne soient présents. Cependant, la notion d’un développement de prurit dans l’entourage familial est un appoint diagnostique précieux.
Le prurit de la phtiriase du corps laisse des lésions dermatologiques pigmentées et d’importantes stries de grattage au niveau du dos, des épaules et de la ceinture. Le parasite devra être recherché dans les coutures des vêtements.
En conclusion, le prurit est un symptôme qui accompagne un grand nombre de maladies. Lorsqu’il n’est pas associé à une dermatose, il représente la manifestation d’un trouble extra-cutané, parmi lesquels se rencontrent certaines maladies graves.
Le prurit est le symptôme par excellence qui invite à une prise en charge étiologique en se basant principalement sur l’interrogatoire, l’examen clinique et quelques examens complémentaires simples.
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