LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Pourquoi les autorités de santé ont-elles pris cette décision d’accord préalable pour les initiations de traitement de rosuvastatine et d’ézétimibe ?
MATHILDE LIGNOT-LELOUP.- L’objectif de cette mesure est de s’assurer du bon usage du médicament et de sa prescription efficiente, c’est-à-dire la plus efficace au moindre coût. Il s’avère que, en France, on remarque depuis plusieurs années que le coût de traitement de l’hyperlipidémie est plus élevé que dans les autres pays européens, ceci en lien avec de fortes prescriptions de rosuvastatine. Ainsi, dans l’Hexagone, la rosuvastatine représente 30 % des prescriptions de statines, alors que ce taux est seulement de 0,5 % en Allemagne et moins de 4 % au Royaume-Uni.
Quels sont les coûts engendrés par ces deux molécules en France ?
En 2013, Crestor (rosuvastatine) était le troisième médicament de ville le plus remboursé, avec plus de 342 millions d’euros dépensés pour cette seule molécule. Inegy (ézétimibe/simvastatine) se place à la 9e place des médicaments de ville les plus coûteux pour l’assurance-maladie en 2013, avec 179 millions d’euros de dépenses. Or si les médecins respectaient les recommandations françaises de bon usage du médicament, ces coûts seraient bien moindres.
Parce que les médecins ne respectent pas les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) ?
Selon les recommandations de la HAS, en cas d’hypolipémie, le choix de la statine la mieux adaptée dépend de son efficacité et de son efficience : le médecin doit donc prescrire d’abord d’autres statines que la rosuvastatine, sauf cas particulier. Elles sont aussi efficaces, et moins chères : d’une part, car toutes sont génériquées, et d’autre part, car depuis mars 2014, un prix unique pour les génériques de statines a été instauré. Quant aux princeps, ils sont plus chers, mais légèrement. Aujourd’hui, la seule statine non génériquée, et donc la plus coûteuse, est la rosuvastatine. Son brevet tombera en 2017.
De même pour l’ézétimibe, les recommandations de la HAS précisent que cette molécule doit être prescrite seule, en cas d’intolérance aux statines, ou en association avec une statine si les objectifs thérapeutiques avec une statine seule ne sont pas atteints. Or on remarque qu’en France, les médecins prescrivent souvent l’ézétimibe en première intention, sans même avoir essayé une statine. Ce qui n’est pas en conformité avec les recommandations françaises.
Pourquoi ce décalage entre les prescriptions et les recommandations ?
Peut être que les recommandations de la HAS ne sont pas suffisamment connues des médecins, ou que ces derniers n’ont pas, lorsqu’ils agissent en colloque singulier, la vision que l’ensemble de leurs prescriptions est en décalage par rapport aux recommandations françaises. C’est pourquoi, en instaurant une demande d’accord préalable, on ne fait que rappeler les règles de juste prescription et obliger le prescripteur à se reposer les questions fondamentales sur la prescription de statines.
Est-ce la première fois qu’un accord préalable est instauré ?
Cette procédure existe déjà pour certains actes et traitements médicaux (kinésithérapie, traitements bucco-dentaires, transports sanitaires, par exemple) ou certains produits appartenant à la LPP (liste de produits et prestations remboursables par l’assurance-maladie : orthèses, fauteuils roulants, etc., N.D.L.R.), ou encore pour des médicaments d’exception. C’est la première fois que cet outil juridique a été instauré pour un médicament estimé coûteux.
D’autres accords préalables pourraient-ils être envisagés pour d’autres médicaments ?
Pour le moment, l’assurance-maladie met en œuvre le dispositif pour ces deux molécules et va s’assurer de son bon fonctionnement. Toutefois, l’article L 315-2 qui autorise cet accord préalable ne vise pas spécifiquement ces deux molécules. Il pourrait servir de cadre pour mettre en œuvre un accord préalable concernant d’autres molécules.
La CPAM a porté son choix de demande d’accord préalable uniquement sur les initiations de traitement. Pour quelles raisons ?
L’objectif n’est pas de contraindre le prescripteur ni le patient à modifier un traitement en cours qui fonctionne bien et qui est bien toléré. C’est pourquoi l’assurance-maladie a choisi de ne faire porter l’accord préalable que sur les initiations de traitements.
Pour le pharmacien, les choses ne risquent-elles pas d’être compliquées, notamment si le médecin omet d’apposer la mention non remboursable ?
La mesure concerne le médecin. Le pharmacien ne sera donc pas pénalisé en cas de problème. La seule obligation du pharmacien est de se conformer à ce qu’il y a d’indiqué sur l’ordonnance. Dans le détail, s’il y a une prescription de rosuvastatine ou d’ézétimibe suivie de l’inscription NR, le pharmacien devra facturer le médicament au patient. Si aucune mention NR ne figure sur l’ordonnance, quoi qu’il advienne, le pharmacien sera remboursé par l’assurance-maladie s’il a fait un tiers payant au patient. Néanmoins, le pharmacien peut se renseigner auprès de son client pour savoir si la demande d’accord préalable a été effectuée par son médecin, en ligne ou par formulaire (un volet de ce formulaire étant remis au patient). Et si le client pense que la demande a été acceptée ou non. Si le pharmacien conclut que la demande a dû être acceptée, il pourra plus sereinement faire le tiers payant. Il peut aussi appeler le médecin pour avoir plus de précisions s’il le souhaite. Même si ce n’est pas au pharmacien de vérifier auprès du prescripteur que la demande d’accord préalable a bel et bien été effectuée. En cas de problème, c’est la CPAM qui se retournera vers le prescripteur qui n’a pas respecté le refus d’accord préalable ou qui ne l’a pas demandé. Et, comme elle le fait en général, l’assurance-maladie contrôlera que les médecins respectent bien la nouvelle procédure de demande d’accord préalable, et que les éléments qu’ils ont déclarés correspondent à la réalité de la situation de leurs patients.
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