Comment moduler le microbiote pour améliorer la santé métabolique et diminuer le risque cardio-vasculaire ? Une étude franco-suédoise publiée dans « Cell metabolism », menée en France par l’ICAN à Paris, montre chez 45 sujets obèses à l’aide d’un modèle prédictif simplifié, qu’il est possible de faire des recommandations alimentaires individualisées en fonction de la composition du microbiote. « C’est un premier pas vers une nutrition personnalisée, explique le Pr Karine Clément, coordonnateur de l’étude et directrice de l’ICAN. L’idée serait de le complexifier et d’affiner les conseils alimentaires. Ce serait une vraie plus-value aux grandes recommandations existantes sur la consommation de fruits, de légumes et de fibres. »
Les interactions entre le microbiote, l’alimentation et le métabolisme sont complexes. L’alimentation agit sur la composition du microbiote. Comme l’avait montré l’équipe du Pr Clément en 2013 dans « Nature » chez des sujets obèses, une alimentation peu diversifiée est associée à une perte de la diversité du microbiote. Mais il est possible via l’alimentation de corriger un microbiote défaillant.
L’équipe avait montré dans la même étude qu’une restriction énergétique à l’aide d’un régime composé de fibres, de protéines et d’hydrates de carbone à digestion lente améliore le profil de la flore. Au-delà de la diversité de la flore, l’enjeu est son fonctionnement global, car le microbiote a des conséquences sur le métabolisme. En contrôlant la composition de la flore, il serait possible de diminuer les risques cardio-vasculaire et de diabète.
Des métabolites délétères issus de la flore
Mathématiciens, microbiologistes, cliniciens de l’obésité, tous ont collaboré à cette démonstration complète. « C’est un exemple réussi du décloisonnement de la recherche », se satisfait le Pr Clément. Le point de départ est le modèle mathématique des universitaires de Gothenburg. Puis l’étude a confirmé les prédictions du modèle in vitro sur des bactéries et en vie réelle dans une cohorte du projet Metacardis coordonné par l’INSERM. « Les bactéries sont des sortes de petites usines qui produisent des métabolites, explique le Pr Clément. Elles ne fonctionnent pas indépendamment, ce sont des usines partenaires, qui dialoguent entre elles. Et cela a des conséquences en termes de production globale de métabolites. Telle ou telle association de bactéries donnera telle ou telle production de métabolites. L’objectif du modèle, c’est de prédire le résultat pour différentes associations ».
Dans la dernière étape de validation chez l’homme, les sujets obèses qui avaient une flore appauvrie, mesurée dans un prélèvement de selles, présentaient, comme le modèle l’avait prédit, une production plus importante dans le sang de certains métabolites délétères. « Il s’agit essentiellement d’acides aminés (AA) branchés et d’acides gras à chaînes courtes, détaille la directrice de l’ICAN. Il est prouvé sur le plan épidémiologique que ces marqueurs sont associés à un risque plus élevé de maladies cardio-vasculaires et de diabète ». Comment corriger les anomalies de cette flore ? « Nous avons répondu à cette deuxième question de façon rétrospective grâce à nos données, poursuit la chercheuse. Cela nous a permis de définir par grands groupes alimentaires ce qu’il fallait faire ».
Complexifier le modèle
Pour le moment, le modèle est très simplifié. « Pour plus de lisibilité, cette étude s’est focalisée sur la diversité de la flore, est-elle riche ou pauvre, explique le Pr Clément. Mais cela va bien au-delà avec la problématique des associations ». De plus le modèle s’est contenté de regarder 4-5 groupes de bactéries. « Or la flore est composée de milliers de bactéries, met-elle en perspective. L’étape suivante serait de déterminer le groupe minimum nécessaire à une bonne digestion, probablement une centaine de bactéries ». Certaines bactéries ont des rôles de premier plan, bénéfiques comme Akkermansia municiphila dans le diabète ou à l’inverse pro-inflammatoires.
De la même façon, sur le plan nutritionnel, l’idée est d’être plus précis que les grands groupes définis dans l’étude. À savoir pain, pommes de terre, riz, légumineuses, céréales, lait, yaourt, fromage, viande rouge, charcuterie, poisson, fruits et légumes, huile, œufs, pâtisseries, soupes, snacks, noix et noisettes, ce qui n’est déjà pas si mal. « Pour l’instant, c’est assez schématique, mais on peut aller plus loin et affiner les recommandations alimentaires, explique-t-elle. On se dirige vers une médecine de précision. C’est tout l’enjeu des big Data ». Les applications en pratique pourraient voir le jour assez vite, à l’horizon de 4-5 ans.
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