IL EST libre de prescription, mais pas de commentaire… Pas encore présent dans les officines, le prochain médicament contre le surpoids des laboratoires GSK a déjà fait couler beaucoup d’encre. L’objet du débat s’appelle Alli (orlistat 60 mg) et devrait arriver dans les pharmacies françaises avant l’été. Cette présentation demi-dose du Xénical (Roche), qui sera disponible sans ordonnance, a obtenu il y a quelques semaines son autorisation de mise sur le marché de l’agence européenne. Les arguments polémiques relayés par un certain emballement médiatique ont fait le reste.
« On ne voit pas comment ce médicament qui n’a pas fait les preuves de son efficacité à 120 mg (N.D.L.R., le Xénical), serait miraculeux à demi-dose », ironise Viviane Gacquière, présidente d’Allegro Fortissimo, association qui a très vite pris la tête de la campagne de dénigrement du produit. L’association s’oppose avec véhémence à la commercialisation en France de Alli. Ses arguments ? « Nous craignons surtout les dérives d’utilisation du médicament. À l’approche de l’été, il risque fort d’être détourné de son indication véritable par des personnes qui n’en n’ont pas réellement besoin, induisant alors chez elles des troubles du comportement alimentaire », explique au « Quotidien », Viviane Gacquière.
Pas une pilule miracle.
Par ailleurs, estime la présidente de l’association, bien que compétents dans de nombreux domaines, les pharmaciens ne pourront se substituer au travail du médecin ou du nutritionniste. Enfin, plus encore que les risques de détournement ou de mésusage du médicament, l’association déplore la présentation qui en était faite par le laboratoire au moment de l’annonce de l’AMM européenne : « " Premier médicament antiobésité " : c’est cet intitulé qui nous a mis en colère. Cela donnait l’impression de l’arrivée d’une pilule miracle alors que ce médicament a plus de 10 ans ».
« Faux, corrige calmement Martine Frey, directrice médicale du laboratoire GSK, jamais nous n’avons parlé de pilule ou de médicament antiobésité. Notre communiqué de lancement mentionnait : " premier médicament pour la perte de poids disponible sans ordonnance ". La polémique est en fait partie de l’exploitation médiatique d’un communiqué de presse qui était beaucoup plus " soft " que ce qu’on a entendu dans les médias. »
Les réserves de l’AFSSAPS.
Simple querelle sémantique alors ? Pas seulement, et il n’y a pas qu’Allegro Fortissimo pour critiquer la décision européenne d’autorisation de mise sur le marché. « On s’inquiète un peu, à partir du moment où le médicament n’est plus encadré, que cela ne renforce les troubles des comportements alimentaires », relève ainsi de son côté le Dr Jean-Philippe Zermati, président du Groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids (GROS). Critique également, la revue « Prescrire » qui estime « marginale la place de l’orlistat dans la prise en charge de l’obésité ».
Les autorités sanitaires françaises, elles-mêmes, émettent quelques réserves quant à la décision européenne. « La France a voté contre, comme plusieurs autres États, et c’est une courte majorité des voix qui a finalement décidé l’AMM centralisée en prescription facultative de Alli », rappelle ainsi Fabienne Bartoli, adjointe au directeur général de l’AFSSAPS. « Ce qui nous gêne dans cette décision, dont nous prenons toutefois acte car elle a été prise de façon démocratique, c’est qu’elle ne correspond pas aux recommandations des autorités sanitaires françaises d’une prise en charge médicale globale de ces pathologies ». Par ailleurs, souligne Fabienne Bartoli, il faudra veiller avec attention à ce que les mises en garde concernant notamment l’utilisation concomitante de contraceptifs oraux, de ciclosporine ou d’anticoagulants soient bien mises en évidence. Telle est d’ailleurs l’une des attentes de l’administration française qui travaille actuellement avec le laboratoire pour que l’ensemble des outils mis en œuvre par le fabricant assurent l’encadrement adapté du produit.
Un plan de formation pour les 22 000 pharmaciens.
Et des outils, GSK en a prévu. « Un plan de formation des 22 000 officines est en cours. Ces formations sont réalisées in situ, ou à distance par l’intermédiaire du média internet. De plus, nous avons déjà envoyé en janvier à l’ensemble des pharmacies - une seconde vague d’envois est prévue en avril - du matériel de formation pour aider les équipes officinales à conseiller Alli et à assurer le programme de soutien et d’accompagnement associé à la prise du médicament. Nous savons qu’en ce domaine l’accompagnement du traitement est essentiel » explique Martine Frey au « Quotidien ».
C’est justement parce que les pharmaciens du Groupe PHR en sont également convaincus qu’ils se sont engagés à proposer systématiquement un conseil personnalisé aux patients souhaitant utiliser Alli. Le groupe, détenteur des enseignes Viadys et Pharma Référence, a même récemment signé un accord de partenariat avec le fabricant qui prévoit notamment la mise en place de programmes de formations pour ses adhérents.
Du programme de formation à la recommandation de pratique officinale (RPO), il n’y a pas loin, estime Frédéric Roussel. Pour le pharmacien, président du CVAO (Comité pour la valorisation de l’acte officinal) et co-inventeur des RPO, cela ne fait pas de doute : « Nous nous inscrivons dans une démarche d’accompagnement thérapeutique éclairé de nos patients. Et si il y a bien sûr un travail de tri à faire en fonction des publics visés, il faut se rappeler que ce médicament n’est pas dangereux ; l’effet feed-back lié à son principal effet secondaire pourrait même être intéressant à utiliser. Alli n’aura d’intérêt que si son utilisation s’accompagne d’une modification des habitudes de vie », insiste toutefois Frédéric Roussel, qui se verrait bien lancer une démarche de RPO sur la surcharge pondérale.
Une opportunité de dialogue.
Alli comme prétexte au dialogue et au conseil officinal ? Pourquoi pas. C’est en tout cas ce que suggère Anne-Sophie Joly, présidente du Collectif national des associations d’obèses (CNAO), qui rappelle au passage que le principe actif d’Alli a bénéficié d’une dizaine d’années d’essais cliniques. « Cette demande peut être une première marche dans la prise en charge du patient pour l’aider ensuite à passer à l’échelon supérieur, à savoir la prise en charge médicale ou nutritionnelle ». Un argument que le laboratoire fait également sien : « Cette nouvelle offre permet aux personnes qui n’étaient pas dans le parcours de soins d’entrer en contact avec un professionnel de santé qui pourra alors lui conseiller Alli, un médicament sûr et efficace ».
Dès lors que le cahier des charges établi par l’AFSSAPS sera satisfait, Alli pourra faire son entrée dans les officines françaises. La fin de cette curieuse polémique de prélancement sonnera alors le début de la seconde vie du médicament qu’on appelle pharmacovigilance.
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Françoise Amouroux
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