LE HASARD prévalant à tant de découvertes sourit, dans notre histoire, à un chimiste d’origine croate, fils de pharmacien, Leo Henryk Sternbach (1908-2005). Diplômé de l’université de Cracovie en 1931, il travailla de 1937 à 1940 à l’Institut fédéral de technologie de Zürich puis au laboratoire Roche de Bâle. Fuyant le nazisme, il émigra aux États-Unis en 1941 où il poursuivit ses recherches chez Roche, à Nutley (New Jersey). Au milieu des années 1950, reprenant des travaux sur les heptoxdiazines, abandonnés quelque 20 ans auparavant, il synthétisa une quarantaine de substances dont l’une, le R0-5-0690, allait révolutionner la neuropsychiatrie. Mais cela, il l’imaginait d’autant moins que les molécules issues de ce programme s’étaient révélées dépourvues d’activité pharmacologique, au point que Sternbach avait décidé de ne plus soumettre les dernières à l’expérimentation. Le R0-5-0690 fut donc oublié pendant dix-huit mois, jusqu’à ce que l’un des assistants de Sternbach, Earl Reeder, regrettant que ce produit qui différait chimiquement des précédents n’ait pas été testé, réussisse à obtenir qu’il fût soumis à essai sur animal.
La surprise fut donc totale d’apprendre que le screening conduit par Lowell O. Randall (1911-2005) entre mai et juillet 1957 révélait que le R0-5-0690 avait des propriétés sédatives (proches de celles de la chlorpromazine), myorelaxantes (supérieures à celles du méprobamate récemment découvert) et anticonvulsivantes. Cerise sur le gâteau : il bénéficiait d’une excellente tolérance que prouva son injection à des singes pendant l’été 1957.
Sternbach, cherchant pourquoi ce produit différait des autres et était le seul actif de la série, réalisa qu’il avait utilisé par erreur pour sa synthèse une amine primaire, la méthylamine, au lieu d’une amine secondaire ou tertiaire. Ce composé original, alors appelé méthaminodiazépoxyde, fut testé sur des animaux des zoos de San Diego et de Boston avant d’être administré à des patients schizophrènes, mais à des doses si importantes que les résultats furent décevants : ils devenaient léthargiques. Des essais à faibles doses furent conduits par le psychiatre Irvin M. Cohen, à Houston (Texas) début 1958, sur des patients anxieux. Willy E. Haefely (1930-1993), directeur de l’unité de neuropharmacologie du laboratoire Roche, déposa le 15 mai 1958 un brevet pour ce médicament, renommé chlordiazépoxyde, qui allait devenir un immense succès : le Librium, commercialisé aux États-Unis le 24 février 1960, est toujours disponible en France, associé à un antispasmodique (Librax).
Les années qui suivirent virent commercialisées de nombreuses autres molécules de cette série dite des « benzodiazépines » (BZD) : diazépam (Valium, 1963), nitrazépam (Mogadon, 1965), bromazépam (Lexomil, 1974), flunitrazépam (Rohypnol, 1975)... La première BZD synthétisée par une autre équipe que celle de Sternbach fut l’oxazépam (Séresta), obtenu en 1961 par le chimiste américain Stanley C. Bell (1931-2009) et commercialisé en 1965.
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