« IL N’EXISTE PAS d’aliment ou de nutriment "anticancer" en soi. » Cette conclusion des experts de l’ANSES qui s’est autosaisie de la question dès mars 2007, apparaît comme un coup de griffe donné à l’ensemble de production éditoriale vantant le mérite des aliments anticancer. Dans leur rapport* publié la semaine dernière, ils précisent que la consommation « d’un aliment, d’un nutriment ou d’un complément alimentaire en particulier n’est pas suffisante, à elle seule, pour prévenir l’apparition d’un cancer, surtout lorsque l’alimentation dans son ensemble est déséquilibrée ».
En revanche, ils y démontrent que la « prévention nutritionnelle » est une notion pertinente et opératoire même si les cancers sont des maladies multifactorielles résultant de l’interaction entre les gènes et l’environnement pris au sens large. « On dispose aujourd’hui d’un faisceau d’arguments montrant que la prévention nutritionnelle des cancers est légitime et qu’elle peut être efficace. » Cette prévention doit, selon eux, « s’appuyer sur des recommandations de comportement et ne cible pas la consommation ou l’éviction d’un aliment en particulier ».
Huit facteurs identifiés.
Les experts ont pendant quatre ans examiné l’essentiel des études disponibles : expérimentations in vitro, études chez l’animal et données épidémiologiques et cliniques, méta-analyses. Ils estiment que le rapport du Fonds international de recherche contre le cancer (WCRF) et de l’American Institute for Cancer Research (AICR) est le rapport de référence en la matière. Cette expertise internationale, conduite en 2006 selon une « méthodologie rigoureuse » basée sur la revue systématique de la littérature et sur des méta-analyses réalisées à partir de 7 000 articles scientifiques originaux publiés jusqu’en 2006, « fournit un état des connaissances fiables ». Selon ce rapport, un tiers des cancers les plus communs pourraient être évités dans les pays industrialisés grâce à la prévention nutritionnelle.
Huit facteurs présentant « des niveaux de preuve convaincants ou probables de relation avec le cancer » ont été identifiés?; l’Institut national du cancer a abouti aux mêmes conclusions dans son rapport de février 2009. Cinq facteurs augmentent le risque de cancer : les boissons alcoolisées, le surpoids et l’obésité, la viande rouge et les charcuteries, le sel et les aliments salés, les compléments alimentaires à base de bêta-carotène.
Les boissons alcoolisées sont un facteur favorisant avec un niveau de preuve convaincant pour plusieurs cancers : bouche, pharynx, larynx, œsophage, côlon-rectum chez l’homme, sein ; le niveau de preuve est probable pour le cancer du foie et celui du côlon-rectum (chez la femme).
Le surpoids et l’obésité sont un facteur de risque de niveau de preuve convaincant pour les cancers de l’œsophage, de l’endomètre, du rein, du côlon-rectum, du pancréas et du sein après la ménopause. En ce qui concerne la consommation de viandes rouges et de charcuteries, le niveau de preuve est convaincant pour le cancer colorectal.
Enfin, le sel et les aliments salés sont un facteur de risque probable pour le cancer de l’estomac, tandis que les compléments alimentaires à base de bêta-carotène, le sont cette fois avec un niveau de preuve convaincant pour le cancer du poumon chez les fumeurs.
Précocité et régularité.
Trois facteurs contribuent à la diminution du risque de cancer : l’activité physique (le niveau de preuve est convaincant pour le cancer du côlon), la consommation de fruits et légumes (le niveau de preuve est jugé probable pour les cancers de la bouche, du pharynx, du larynx, de l’œsophage, de l’estomac, du poumon), l’allaitement maternel exclusif jusqu’à l’âge de 6 mois (le niveau de preuve est convaincant pour le cancer du sein).
Le rapport de l’ANSES conforte ainsi les recommandations du PNNS 2 (programme national Nutrition Santé) : réduire la consommation des boissons alcoolisées, promouvoir une alimentation équilibrée et diversifiée et promouvoir l’activité physique. Pour être efficace, la prévention nutritionnelle « nécessite une appropriation précoce par l’ensemble de la population » et une exposition à des facteurs nutritionnels protecteurs « régulière ». La Finlande, où des actions de prévention ont été menées sur une période de 30 ans avec une réduction de 65 % de la mortalité par cancer (80 % dans le cas du cancer du poumon) entre 1969 et 2006, peut être un modèle d’une telle prévention à l’échelle internationale, note le rapport.
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