Son essai intitulé « La dynamique du microbiote dans l’obésité » vient d’être récompensé par le prix Science & SciLifeLab et publié dans « Science ». Le Pr Christoph Thaiss y décrit les travaux conduits alors qu’il était doctorant dans le laboratoire du Pr Elinav au Weizmann Institute of Science (Israël).
« J’ai étudié trois phénomènes de l'obésité humaine étroitement liés au mode de vie moderne. Dans les trois cas, nous avons découvert un rôle inattendu joué par la dynamique temporelle et spatiale du microbiote intestinal », indique-t-il.
Oscillations circadiennes du microbiome
Plusieurs études épidémiologiques et expérimentales ont montré que des perturbations de l’horloge circadienne (travail posté, jet-lag fréquent ou exposition nocturne à la lumière artificielle) sont liées aux maladies métaboliques incluant l’obésité et l’hyperglycémie. « Nous avons constaté que le microbiote subit des oscillations quotidiennes et contribue aux effets négatifs des perturbations du rythme circadien sur le métabolisme », explique le Pr Thaiss qui dirige à présent son propre laboratoire de recherche à l’université médicale de Pennsylvanie, à Philadelphie.
Dans leurs premières expériences (1), C. Thaiss et son équipe ont découvert que le microbiote intestinal de la souris, comme celui de l’homme, subit des fluctuations, rythmées sur un cycle de 24 heures. Ces fluctuations concernent non seulement sa composition, sa fonction et la sécrétion des métabolites, mais aussi sa localisation au sein de l’intestin. Ces oscillations du microbiome intestinal influencent la biologie circadienne de l’hôte, via le taux sérique oscillatoire des polyamines (spermidine, spermine, putrescine…) qui orchestre la transcription circadienne dans les tissus. En outre, ils ont constaté que la perturbation du rythme circadien de l’hôte (jet-lag ou génétique) prédispose à l’obésité et l’intolérance au glucose.
Microbiome "mémoire"
Dans un second travail (2), C. Thaiss et ses collègues ont découvert que le microbiote contribue à la susceptibilité du sujet à reprendre du poids après le succès d’un régime amaigrissant, ce que l’on appelle « l’effet yo-yo » de l’obésité récurrente. Dans 8 cas sur 10, la perte de poids après un régime n’est pas maintenue et les kilos sont repris dans les 12 mois, accompagnés de complications métaboliques. C. Thaiss et son équipe ont découvert qu’une période d’obésité chez la souris modifie de façon durable la composition du microbiote intestinal ; cette signature du microbiote persiste même après normalisation pondérale et contribue à la reprise accélérée du poids lors d’une alimentation riche.
Cet effet est dû à la dégradation des flavonoïdes alimentaires (apigénine et naringénine) qui entraîne une baisse de l’activité métabolique dans le tissu adipeux et une diminution de la dépense énergétique. De façon intéressante, la supplémentation en flavonoïdes, restaurant les taux normaux, normalise la dépense énergétique chez la souris avec un effet bénéfique sur son poids. « Bien que nos résultats aient été obtenus sur des modèles murins, des efforts sont en cours pour déterminer si la modulation des taux des flavonoïdes peut représenter une stratégie efficace pour lutter contre l'obésité récurrente chez les humains », précise le Pr Thaiss.
L’invasion du microbiote liée à l’hyperglycémie
Le troisième phénomène étudié (3) concerne la susceptibilité des personnes obèses et diabétiques à l’infection entérique et à l’inflammation systémique. C. Thaiss et son équipe ont montré, à l’aide de différents modèles murins d’obésité et de diabète, que l’hyperglycémie chronique modifie l’intégrité de l’épithélium intestinal ; cette perturbation de la barrière intestinale induite par l’hyperglycémie entraîne le passage des composants bactériens intestinaux dans la circulation sanguine, favorisant ainsi l’inflammation systémique. Des études menées chez l’homme ont confirmé que l’hyperglycémie chronique est corrélée à la quantité de produits microbiens en circulation dans le sang.
« Dans chacun de ces cas, nous avons constaté que des molécules spécifiques modulées par les bactéries intestinales jouent un rôle important pour influencer le métabolisme de l’hôte », note le Pr Thaiss. Ces données sont en faveur d’un nouveau concept thérapeutique - « les postbiotiques » - qui repose sur la modulation des métabolites intestinaux afin d’affecter le métabolisme de l’hôte, plutôt que d’interférer avec la communauté microbienne intestinale (via les prébiotiques et les probiotiques).
« En dépit de nos récents progrès pour identifier les molécules dérivées du microbiote qui servent d’intermédiaire entre certains aspects du mode de vie moderne et les répercussions sur l’organisme humain, nous avons à peine effleuré la surface de tous les mécanismes qui caractérisent l’activité du microbiote. Mon laboratoire étudie de nouvelles molécules qui permettent au microbiote d’influencer les maladies métaboliques et inflammatoires », souligne-t-il.
« Le fait que le microbiote soit impliqué dans de nombreux aspects de la physiologie humaine a soulevé l’espoir que des thérapies ciblant le microbiote puissent être développées pour de nombreuses maladies, mais cela est resté difficile jusqu’à présent. Nous espérons que notre démarche axée sur les petites molécules les plus prometteuses produites par le microbiote nous permettra de nous rapprocher de cet objectif ».
Le prix annuel de Science & SciLifeLab est remis conjointement par SciLifeLab (Science for Life Laboratory), un centre suédois de biologie moléculaire, et le magazine Science publié par l’American Association for the Advancement of Science, une institution à but non lucratif.
(1) C. Thaiss et al., Cell , doi:10.1016/j.cell.2014.09.048, 2014.
(2) C. Thaiss et al., Nature, doi:10.1038/nature20796, 2016.
(3) C. Thaiss et al., Science, DOI: 10.1126/science.aar3318, 2018.
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