SI, AUJOURD'HUI, environ 100 000 patients sont sous buprénorphine haut dosage et 25 000 sous méthadone en ville, il n'en n'a pas été ainsi jusqu'au milieu des années 1990 où le toxicomane était encore considéré comme un délinquant. Jusqu'à cette période, des thérapeutiques de « substitution sauvage » se développaient envers et contre tout, mais d'abord dans l'illégalité, grâce à l'engagement de pionniers qui acceptèrent de prendre des risques, parmi lesquels notre confrère Jean Lamarche, fondateur et président de l'association Croix Verte & Ruban Rouge. Rappelons que le toxicomane ne se verra accorder le statut de patient qu'en janvier 1996, précisément au moment où le Subutex arrive en officine. Quant à la méthadone, elle a été introduite quelques mois avant, en juin 1995.
Un déplacement des pratiques addictives.
Une partie du bilan des politiques menées est considérée comme largement positif, ainsi que l'a souligné le Pr François Chast, comme la division par 10 du nombre de décès par overdose d'héroïne et celui des nouveaux cas d'infections à VIH chez les usagers de drogues intraveineuses. La baisse des pratiques à risque et de la criminalité associée à l'usage de drogues ainsi que l'amélioration de l'accès aux soins de personnes auparavant largement marginalisées sont également à mettre au compte des bénéfices des politiques menées. L'échec est, en revanche, patent en ce qui concerne l'épidémiologie de l'hépatite virale C et bien des points restent à améliorer. À cet égard, l'Académie pointe du doigt l'insuffisance de prise en charge des comorbidités, somatiques et psychiatriques, ainsi que celle concernant d'autres addictions (alcoolisme, tabagisme, cannabis…) et le déplacement vers d’autres pratiques addictives. Elle déplore également l’insuffisance des moyens alloués aux instances de suivi de la toxicomanie et notamment aux Commissions d'évaluation et d'information sur les pharmacodépendances. Celles-ci ont pourtant un rôle important à jouer dans la mise en évidence des phénomènes émergents, la persistance du mésusage (comme l'injection de comprimés pilés de Subutex) ainsi que l'existence de trafics divers.
Un accompagnement nécessaire.
Jean Lamarche souligne la proportion croissante d'officines engagées dans la substitution, estimée aux deux tiers pour le Subutex ou ses génériques et à une sur cinq en ce qui concerne la méthadone, déplorant au passage qu'un petit nombre de pharmaciens « se soient spécialisés dans cette activité ».
Pour autant, Jean Lamarche invite tous les officinaux à ne pas méconnaître, malgré l'apparente banalisation de la délivrance de ces médicaments, la nécessité de faire preuve d'une absolue rigueur dans la délivrance et l'accompagnement du toxicomane, soulignant que « le toxicomane est un patient à la personnalité particulière ayant absolument besoin de l'aide de son médecin et de son pharmacien pour s'en sortir ». Et de rappeler à ce sujet que l'AMM du Subutex précise que l'emploi de ce produit doit s'entendre dans « le cadre d'une thérapeutique globale de prise en charge médicale, sociale et psychologique. »
« La prise en charge psychologique est, pour moi, la partie la plus importante du traitement. Il faut expliquer au patient le mécanisme de la dépendance, pourquoi le traitement est si difficile et si long et pourquoi il est nécessaire d’engager des mesures adaptées. Cela exige de la compétence, du temps et de la disponibilité, tant du pharmacien que du patient. »
Une exigence confirmée par l’Académie nationale de Pharmacie qui recommande notamment que soit mis en place un quota limitant le nombre de malades suivis par chaque pharmacien (et chaque médecin). De même appelle-t-elle de ses vœux la création d’un honoraire de responsabilité spécifique destiné à encourager les officinaux à s'impliquer davantage dans la substitution aux opiacés. Deux recommandations qui s’inscrivent parfaitement dans les revendications actuelles des pharmaciens pour la reconnaissance de nouvelles missions rémunérées.
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