Ce travail, de grande ampleur, avait pour objectif de tirer définitivement au clair la question de la responsabilité de la testostérone dans la genèse du cancer de la prostate, actuellement le cancer le plus fréquent (16 % des cancers, 26 % des cancers masculins).
De fait, dans la suite des observations publiées en 1941 par Huggins et Hodge, on établissait pour la première fois une relation entre adénocarcinome de la prostate et testostérone (qui a valu à ses auteurs le prix Nobel). Selon eux, une variation de la concentration sérique en testostérone faisait varier la croissance du cancer de la prostate. Ils montraient ainsi que la diminution de la testostérone circulante causait la régression du cancer (tout au moins pendant un certain temps), et que l’administration de testostérone provoquait une progression de la maladie (ces observations constituent la base conceptuelle du traitement de déprivation hormonale dans le cancer de la prostate métastatique). Observations à la suite desquelles cette hormone a été véritablement frappée d’ostracisme, au point que sa seule indication actuelle concerne l’hypogonadisme congénital. Or c’est méconnaître l’intérêt d’une supplémentation en testostérone dans de nombreux cas, et pas seulement chez l’homme vieillissant, notamment dans l’obésité et le diabète de type 2, ce qui concernerait potentiellement des millions de Français.
« Bien des choses ont changé depuis 70 ans, souligne le Pr Henry Botto. À commencer par le fait que, en 1941, tous les cancers de la prostate étaient diagnostiqués au stade métastatique, en l’absence d’autres possibilités, alors qu’aujourd’hui, dans près de 90 % des cas, le cancer est identifié à un stade localisé. » De plus, il est admis à l’heure actuelle, que la mortalité induite par les traitements antihormonaux (castration chirurgicale et surtout médicale) serait au moins équivalente à celle du cancer lui-même…
D’ailleurs, certaines études avaient commencé de soulever quelques doutes. C’est notamment le cas d’une étude scandinave ayant montré une absence de surrisque d’induire un cancer de la prostate chez des hommes d’âge mûr (plus de 50 ans) hypogonadiques (la sécrétion de testostérone diminue physiologiquement avec l’âge) supplémentés en testostérone par rapport à des hommes eugonadiques.
Une nouvelle vérité établie
ANDROCAN, entièrement financée par la Fondation Foch, a recruté 1 343 patients, via quatre centres urologiques - hôpital Foch (Suresnes), hôpital Louis Pasteur (Colmar), hôpital Pitié-Salpêtrière (Paris), Institut Mutualiste Montsouris (Paris) - entre 2013 et 2016. Tous les patients étaient atteints d’un cancer de la prostate apparemment localisé et ont bénéficié d’une prostatectomie totale robot-assistée. Quant aux dosages (incluant les précurseurs et les métabolites de la testostérone), ils ont été centralisés à l’hôpital Saint-Antoine (Paris) par chromatographie-spectrométrie, suivant ainsi les recommandations internationales.
Près de 300 000 items (paramètres biologiques, cliniques…) ont ainsi été collectés et soumis à de puissantes analyses statistiques. Il en ressort que, statistiquement, le cancer de la prostate n’est pas lié à un excès de testostérone, et, de manière surprenante, que le cancer de la prostate agressif est beaucoup plus fréquent chez les hypogonadiques que chez les hommes ayant un taux normal de testostérone : 50 % vs 30 %. Ce qui ne laisse pas d’interroger.
Quoi qu’il en soit, les résultats d’ANDROCAN, par sa rigueur et la taille inégalée de sa cohorte, sont sans appel et infirment de manière indiscutable la responsabilité d’un hypothétique excès de testostérone, dans la survenue d’un cancer localisé de la prostate, mettent en exergue au contraire le rôle d’un hypogonadisme dans sa gravité et invitent à poursuivre plus avant. Ce qui va être d’ailleurs le cas avec une nouvelle étude en cours d’élaboration.
D'après une conférence organisée par l'hôpital Foch et la Fondation associée
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