C’EST un fait. Dans le cadre de la prise en charge de l’alcoolo-dépendance, les médicaments disponibles jusqu’ici (acamprosate, naltrexone, disulfirame) avaient une AMM limitée au maintien de l’abstinence après sevrage. Aucun d’entre eux n’avait donc jusqu’à présent une AMM pour la réduction de la consommation d’alcool.
Enfin, une RTU pour le baclofène.
Depuis 2008 et la sortie du livre « Le dernier verre » du Dr Olivier Ameisen, le baclofène a été largement médiatisé pour son utilisation dans le traitement de l’alcoolo-dépendance. Le baclofène est un agoniste des récepteurs GABA-B et son administration permet de suppléer la perte d’efficacité du GABA en tant que neuromédiateur inhibiteur chez le sujet alcoolodépendant.
Depuis des années, il était ainsi prescrit hors AMM (son AMM concernant le traitement des contractures spastiques de la sclérose en plaques, des affections médullaires et d’origine cérébrale).
Le baclofène administré par voie orale (Liorésal 10 mg comprimé sécable et Baclofène Zentiva 10 mg comprimé) a enfin obtenu, en mars 2014, une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) valable trois ans. Il peut désormais être prescrit, après échec des autres traitements disponibles, chez les patients alcoolodépendants dans les deux indications suivantes : aide au maintien de l’abstinence après sevrage chez des patients dépendants à l’alcool ; réduction majeure de la consommation d’alcool jusqu’au niveau faible de consommation tel que défini par l’OMS chez des patients alcoolodépendants à haut risque.
Depuis juin 2014, le baclofène utilisé dans le cadre de cette RTU est remboursé à 30 %.
Les restrictions de prescription.
La posologie quotidienne initiale du baclofène est de 15 mg par jour avant une augmentation très progressive par paliers de 2 à 3 jours jusqu’à obtention d’une éventuelle réponse clinique. À partir de la posologie de 120 mg/jour, un deuxième avis par un médecin expérimenté dans la prise en charge de l’alcoolo-dépendance est recommandé. Pour toute posologie supérieure à 180 mg/j un avis collégial au sein d’un CSAPA (Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie) ou d’un service hospitalier spécialisé en addictologie est requis. La posologie de 300 mg/jour ne devra jamais être dépassée. Les effets indésirables sont connus, le baclofène étant commercialisé depuis 1974 en France : sédation, hypotension, hypotonie, vertiges, crises d’épilepsie, dépression…
Les modalités de suivi.
L’utilisation du baclofène dans l’alcoolo-dépendance est, par ailleurs, sécurisée par un protocole de suivi qui permet de recueillir des données d’efficacité et de sécurité dans les conditions réelles d’utilisation, via un portail électronique dédié sécurisé. Six mois après la RTU, seulement 3 700 patients et 1 100 médecins prescripteurs étaient inscrits sur le portail internet de suivi.
L’inscription sur le portail est parfois jugée complexe et vécue comme une contrainte administrative par certains médecins et, de plus, certains patients refusent qu’on rentre leur dossier sur un portail.
Les études en cours (Alpadir et Bacloville) devraient apporter de nouvelles données sur la molécule à brève échéance et les prescripteurs espèrent ainsi qu’elles permettront d’assouplir la RTU, et le plafond de posologie de 120 mg pour la prescription par les généralistes.
Nalméfène : un traitement à la demande.
C’est dans ce contexte que le nalméfène (Selincro) vient élargir l’arsenal thérapeutique de l’alcoolo-dépendance. Il s’agit du premier médicament qui peut être prescrit pour réduire la consommation d’alcool, en association à un suivi psychosocial. Il est indiqué en première intention chez des sujets alcooliques à risque élevé selon le seuil de l’OMS (consommation supérieure à 6 verres par jour pour les hommes et supérieure à 4 verres pour les femmes), ne présentant pas de symptômes physiques de sevrage et ne nécessitant pas un sevrage immédiat.
Le nalmefène est un antagoniste des récepteurs des opioïdes, proche de la naltrexone, mais ses avantages sont sa demi-vie plus longue (de plus de 12 heures), sa meilleure biodisponibilité par voie orale et son absence d’hépatotoxicité dose-dépendante. Les effets indésirables les plus fréquents sont des nausées, des sensations vertigineuses, des insomnies et des céphalées.
Mise en place et suivi du traitement.
Dans le cadre de la mise sur le marché de Selincro, l’ANSM a souhaité mettre en place un Plan de Gestion des Risques (PGR), afin de s’assurer du bon usage incluant un suivi psychosocial. En pratique, ce PGR se traduit par la mise à disposition des prescripteurs et des patients de documents d’information et d’aide au suivi du traitement. Le premier document est remis au patient à la visite initiale pour l’informer sur les effets de l’alcool, et lui faire quantifier sa consommation. L’autre est remis à la deuxième visite de mise en place du traitement : il s’agit d’un agenda de consommation et de prise de Selincro. Le patient doit être revu 2 semaines après la prescription pour vérifier la tolérance et l’observance. Ensuite, il doit être revu après un mois de traitement, puis tous les mois.
Dialogue autour du patient.
C’est au cours de cette consultation mensuelle que se fait le suivi psychosocial du patient. « Il est important de faire le point de façon positive avec le patient et de le motiver en l’encourageant, en mettant en avant ses progrès, et en le responsabilisant. Il faut l’aider à retrouver son autonomie et à se libérer de cette habitude compulsive en discutant avec lui sur les difficultés rencontrées », souligne Sylvia Goni (Directeur des affaires médicales, Lündbeck). « Avec Selincro, on entre dans une nouvelle démarche : le traitement est pris à la demande et il n’y a pas de stigmatisation du patient. On ne vise pas l’abstinence, mais la réduction de la consommation d’alcool : le patient peut rester socialisé… Le pharmacien, lors de la délivrance du médicament joue un rôle très important dans l’information, le soutien et le réconfort du patient. Voilà pourquoi nous avons tenu à les informer directement lors de la mise sur le marché de Selincro. » Les pharmaciens peuvent d’ailleurs télécharger toute la documentation disponible sur le site www.lundbeck.fr.
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Françoise Amouroux
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