DÈS L’ÂGE de 6 mois, les enfants nés prématurément devraient faire partie des populations prioritaires à vacciner contre la grippe.
Alors que la campagne vaccinale bat son plein actuellement en Europe, une métaanalyse publiée dans la revue « The Lancet » sur un total de 27 études incluant 14 086 enfants ne passe pas inaperçue. C’est la première fois qu’une étude met en évidence que la prématurité est un facteur de risque majeur de grippe grave. Comme le souligne l’équipe dirigée par le Dr Kay Wang de l’université d’Oxford, « contrairement aux autres facteurs identifiés dans cette revue systématique, la prématurité n’avait pas été définie pas comme un facteur de risque dans quelque recommandation que ce soit ».
Ni les recommandations américaines, britanniques, ni même celles de l’OMS ne l’avaient identifié. Tout au plus, en France, la stratégie de « cocooning » est mise en avant pour les tout-petits, en recommandant de vacciner l’entourage d’un prématuré âgé de moins de 6 mois. Mais, rien n’est dit quant à la vaccination des enfants prématurés eux-mêmes, une fois éligibles à recevoir le vaccin, passé l’âge de 6 mois. Or la métaanalyse suggère même que le risque pourrait persister au-delà de l’âge de 2 ans.
Les épidémiologistes britanniques ont sélectionné des données publiées et non publiées, toutes issues de soins primaires ou ambulatoires. La définition de la grippe compliquée était l’admission à l’hôpital. Le groupe des enfants nés prématurés est l’un des plus exposés aux formes compliquées de grippe. Sur les sept études particulières ayant inclus 3 142 enfants, le risque d’hospitalisation pour grippe compliquée s’est avéré plus que quadruplé (odds ratio OR à 4,33) chez les prématurés.
Juste avant les pathologies neurologiques.
Pour les autres groupes à risque chez les enfants, la métaanalyse a confirmé l’impact fort des pathologies neurologiques (OR à 4,62), la drépanocytose (OR à 3,46), le déficit immunitaire (OR à 2,39) et le diabète (OR à 2,34). Les recommandations françaises ciblent déjà l’ensemble de ces pathologies à la vaccination gratuite, chez l’adulte et l’enfant âgé ≥6 mois. Pour la catégorie des très jeunes enfants ≤2 ans, rien n’est spécifié. La métaanalyse identifie clairement que le risque est plus que doublé (OR à 2,51) dans cette population. Dans une analyse individuelle multivariable menée chez 1 612 enfants dans 4 études, le risque d’hospitalisation était plus important de 22 % chez les enfants présentant plus d’un facteur de risque (74 %) par rapport à ceux n’en ayant qu’un (52 %), quand l’âge ≤ 2 ans était considéré comme tel.
A contrario, la métaanalyse met hors de cause certains facteurs de risque suspectés, comme l’obésité par exemple. Bien identifié chez les adultes et ouvrant droit au vaccin antigrippal gratuit en France, le surpoids n’a pas été associé à un risque augmenté de grippe grave. De même, le rôle délétère de l’hyperréactivité bronchique est apparu peu important (OR à 1,36).
Des effets sur le long terme à préciser.
De l’avis des auteurs, « l’effet de la prématurité sur les complications liées à la grippe a besoin d’être mieux décrit chez l’enfant à différents âges, et selon la naissance à différents âges gestationnels ». La prématurité était définie dans la métaanalyse comme étant une naissance avant l’âge de 36 ou 37 semaines d’aménorrhée, sans plus de précision. Les auteurs signalent qu’une cohorte suédoise avait rapporté qu’une naissance avant 37 semaines était associée à une mortalité augmentée pendant la petite enfance (1 à 5 ans) mais aussi chez les jeunes adultes (18 à 36 ans), même en cas de « petite » prématurité (34-36 semaines). Ce qui fait dire aux auteurs : « une naissance prématurée avant 37 semaines devrait être considérée comme un facteur de risque de grippe compliquée chez les enfants de tout âge jusqu’à ce que davantage de données soient disponibles pour cibler plus précisément ».
La vaccination des jeunes enfants n’est pas sans rencontrer quelques obstacles pratiques : les enfants de moins de 6 mois ne peuvent pas être vaccinés, les vaccins inactivés sont peu immunogènes chez les plus jeunes nécessitant deux doses et les vaccins vivants atténués ne sont recommandés qu’après l’âge de 2 ans. Pour le Dr Wang, « sachant que près de 10 % (12,9 millions) des bébés à travers le monde sont nés prématurément (avant 37 semaines d’aménorrhée) - avec un taux d’accouchement prématuré d’environ 6 % en Europe, 11 % en Amérique du Nord et 12 % en Afrique - c’est un enjeu majeur de santé publique avec de fortes implications pour les décideurs politiques ». Même dans les pays où la couverture universelle est recommandée, par exemple aux États-Unis, le taux de vaccination est loin d’être optimal.
Dans un éditorial cosigné par un expert britannique et un américain, la vaccination des jeunes mères, la mise au point de meilleurs vaccins et l’adoption d’une stratégie ciblant les catégories à risque, pour le vaccin, mais aussi les antiviraux, sont des mesures nécessaires si l’on veut diminuer le « tribut disproportionné payé à la grippe saisonnière par les enfants vulnérables chaque année ».
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques