Nouveau rebondissement en perspective en France dans la saga des statines. Une vaste étude internationale menée chez plus de 12 000 sujets dans 21 pays conclut aux bénéfices des statines en prévention primaire chez des sujets ayant un risque cardio-vasculaire faible à modéré.
L’étude HOPE-3 menée par les Instituts canadiens pour la recherche en santé avec le soutien des laboratoires Astra-Zeneca est une étude randomisée à 4 bras ayant comparé l’effet préventif d’un antihypertenseur seul (candésartan 16 mg + hydrochlorothiazide 12,5 mg), d’une statine seule (rosuvastatine 10 mg) et de l’association des 2 médicaments par rapport au placebo.
Les résultats publiés dans le « New England Journal of Medicine » et présentés sous forme de trois articles ont été présentés le 2 avril au congrès de l’American College of Cardiology à Chicago. Si ces nouvelles données élargissent les statines en prévention primaire à travers le monde, la résonance est particulière en France, après la polémique lancée en 2013 par le livre de Pr Philippe Even.
L’accusation de « mésusage » ébranlée
Si la HAS avait réagi en insistant sur « l’intérêt indiscutable des statines en prévention secondaire », l’agence sanitaire s’était montrée bien plus évasive pour la prévention primaire, estimant qu’il existe « un certain mésusage en France » et que ces molécules sont à réserver aux personnes à haut risque.
.Ce point de vue n’est pas conforté par l’étude HOPE-3. La survenue d’événements cardio-vasculaires (décès de cause cardio-vasculaire, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral) s’est avérée significativement moins importante dans le groupe statine seule au cours d’un suivi de 5,6 ans.
Un risque proche de celui de la population générale
« Les sujets inclus dans HOPE-3 présentaient un risque cardio-vasculaire que l’on peut considérer de faible à modéré, commente le Pr Nicolas Danchin, cardiologue à l’hôpital européen Georges Pompidou (HEGP). Le taux d’événements cardio-vasculaires était de l’ordre de 1,2-1,3 % par an, ce qui est très proche de la population générale du même âge en France ».
Dans cette étude de prévention primaire, les sujets, âgés de› 60 ans pour les femmes et› 55 ans pour les hommes, étaient bien sûr indemnes de maladie cardio-vasculaire et indemnes également de facteurs de risque majeurs. L’étude parle de risque « intermédiaire » chez ces patients qui avaient une tension artérielle systolique (TA syst) ‹ 160 mmHg et devaient présenter au moins un facteur de risque « mineur ».
« Il pouvait s’agir d’une dysglycémie mais pas de diabète, détaille le Pr Danchin. D’un début d’insuffisance rénale, d’une répartition abdominale des graisses, d’un taux de HDL cholestérol bas, d’un tabagisme ou encore d’antécédents familiaux. Ces sujets étaient un peu plus à risque que la population générale ».
Un antihypertenseur peu intéressant
Pour le traitement anti-hypertenseur (anti-HTA) administré seul, l’effet préventif n’est apparu que pour le tertile des patients ayant une TA syst› 143,5 mmHg. « Si la TA syst est ‹ 140 mmHg, le traitement anti-hypertenseur n’est pas intéressant, poursuit le cardiologue. Il reste un petit doute parce que le choix de l’anti- HTA est discutable. Une association avec autre chose qu’un thiazidique aurait pu être plus performante. Si on est hésitant à mettre en route un traitement anti-hypertenseur, on peut être rassuré sur le fait que l’on ne fait pas courir de risque. Quant à l’association statine-antiHTA, elle ne fait pas beaucoup mieux que la statine seule. »
Peut-on extrapoler à l’ensemble des autres statines l’effet obtenu avec de la rosuvastatine dans HOPE-3 ? « La rosuvastatine est une statine puissante, commente le Pr Danchin. Elle est prescrite à une dose moyenne dans l’étude, la dose maximale étant de 20 mg /jour en France. Pour extrapoler à 100 %, il faut choisir une statine d’efficacité comparable, par exemple l’atrovastatine à 40 mg/jour ».
Carambolage avec une fiche mémo de la HAS
Quant à la tolérance, il n’y a pas eu d’excès de diabète, comme on pouvait le craindre, compte tenu de ce qui avait été décrit « à des doses élevées de rosuvastatine », précise le cardiologue. En revanche, un surrisque de cataracte est apparu dans le groupe statine seule, un risque « assez faible mais réel », estime le Pr Danchin, avec une prévalence de 3,8 % versus 3,1 % dans le groupe placebo. Sans surprise, les symptômes musculaires étaient significativement plus fréquents dans le groupe statine (5,8 %) par rapport au placebo (4,7 %).
Pour le Pr Danchin, ces résultats relancent les statines en prévention primaire, et en particulier la rosuvastatine. « Les données scientifiques sont bonnes pour cette molécule malgré les freins au remboursement par les autorités de santé », estime-t-il.
Ces résultats internationaux arrivent alors que la HAS est en train de rédiger une fiche mémo dans l’hypercholestérolémie pure et l’hyperlipidémie mixte. Les enjeux affichés sont « une meilleure identification des sujets à risque cardio-vasculaire en prévention primaire » et « une prescription médicamenteuse adaptée à l’objectif thérapeutique ». Comment y seront intégrés les récents résultats de HOPE-3 ? La diffusion de ces nouvelles recommandations est programmée en mai.
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