La grippe et la grossesse
Les conséquences de l’infection grippale chez les femmes enceintes, considérées comme un groupe à risque, doivent être analysées sous deux rapports, à savoir du point de vue de la mère et de celui du fœtus, a souligné le Pr Karine Faure (Unité des maladies infectieuses, CHRU de Lille).
Il convient d’abord de rappeler que la grossesse s’accompagne d’importantes modifications physiologiques : cardiocirculatoires, pulmonaires, rénales, digestives et immunitaires. Du point de vue immunitaire, par exemple, on observe une immunotolérance de type Th2 induisant une diminution de la réponse cellulaire immunitaire, ainsi qu’une baisse de l’activité des cellules NK (Natural Killer).
Peu d’études spécifiques se sont intéressées à l’infection grippale chez la femme enceinte, bien que l’incidence de celle-ci soit importante. Si la symptomatologie clinique n’est guère différente de celle de la femme non enceinte, la gravité est, quant à elle, nettement majorée. C’est ainsi, par exemple, que lors de la pandémie de 1957, une étude réalisée dans le Minnesota (États-Unis) a mis en évidence que 50 % des femmes en âge de procréer décédées durant cette période étaient enceintes et que 20 % des décès maternels ont été dus à la grippe.
D’autre part, il ressort de nombreuses études que le taux de consultations et d’hospitalisations pour syndrome respiratoire aigu, la gravité en général et le risque de décès augmentent régulièrement avec l’âge de la grossesse. C’est ainsi, par exemple, que dans une étude canadienne publiée en 2007, le risque d’hospitalisation au 3e trimestre de grossesse durant la saison grippale, par rapport aux « saisons non grippales », était multiplié par 5 en l’absence de comorbidité et par 8 en présence d’au moins une comorbidité.
En ce qui concerne le fœtus, l’infection grippale de la mère augmente le risque d’accouchement prématuré et donc de ce fait celui de petit poids à la naissance (facteur de risque d’asthme ultérieur de l’enfant, faut-il le rappeler).
Au total, ce qu’il convient de retenir est que la grippe chez la femme enceinte est plus grave et met en jeu le pronostic de la grossesse ainsi que celui du nouveau-né, que le traitement par oseltamivir (dont l’innocuité durant la grossesse est aujourd’hui bien établie) doit être mis en route le plus rapidement possible et que la vaccination antigrippale protège à la fois la femme enceinte et son enfant durant les 6 premiers mois de la vie.
Quid de la grippe chez les personnes vaccinées ?
Bien que la vaccination contre la grippe soit le meilleur et le plus simple moyen de se prémunir contre les risques de complications liées à la grippe, on sait que l’efficacité de ce vaccin n’est pas toujours optimale pour éviter l’épisode grippal, a rappelé le Dr Anne Mosnier (Open Rome, Paris). De fait, chaque hiver, un nombre variable de sujets vaccinés contractent la grippe.
On a depuis longtemps pris l’habitude de dire que cette grippe saisonnière a une grande chance d’être moins sévère et/ou d’exposer à moins de complications qu’en cas de non-vaccination. Mais qu’en disent les études disponibles ? Il ressort d’une analyse rétrospective de données du Réseau des GROG (Groupes Régionaux d’Observation de la Grippe) sur la période 2003-2014 concernant des patients de 65 ans et plus ayant consulté un médecin généraliste pour un tableau d’infection respiratoire aiguë et pour lesquels un diagnostic virologique de grippe a été posé (ce qui est rarement le cas pour les études en général), que la comparaison des tableaux cliniques présentés par les groupes non vaccinés/vaccinés ne retrouve que peu de différences. Néanmoins, les myalgies, frissons et céphalées sont significativement moins souvent rapportés par les personnes vaccinées.
En ce qui concerne la littérature, la symptomatologie initiale semble moins marquée chez les 65 ans et plus vaccinés.
En termes de complications, les quelques études disponibles ne montrent pas d’effet sur les taux d’hospitalisation, mais une réduction des formes graves avec admission dans un service de soins intensifs (ou de leur durée).
Cela étant, il est difficile de conclure de manière tranchée, car les études sont encore peu nombreuses, souvent parcellaires et ne concernent que de petits effectifs. De plus, il n’est guère possible de comparer les hivers les uns avec les autres, les virus en cause étant différents et il faudrait aussi prendre en compte l’adéquation des vaccins avec les virus ayant effectivement circulé durant chaque saison grippale.
Évolution des taux de couverture vaccinale en France
Comme chaque année, le GEIG a fait réaliser une étude concernant la vaccination contre la grippe saisonnière en France au cours du dernier hiver 2015-2016. Chez les 15 ans et plus, le taux de vaccinés ressort à 21 %, contre 22 % l’hiver précédent (2014-2015) ; 1 % s’étant fait vacciner pour la première fois.
Un point important à souligner est l’arrêt de la baisse du taux de vaccination dans les groupes à risque, en particulier chez les 65 ans et plus : 59 %, contre 58 % en 2014-2015 et 62 % en 2012-2013 et 2011-2012.
Cela signifie que les seniors se réinscrivent dans une dynamique de vaccination ; un phénomène particulièrement visible chez les 75 ans et plus avec un taux de 69 %, vs 67 % l’hiver précédent.
Un bémol, néanmoins, concerne le groupe des personnes de moins de 65 ans présentant des pathologies respiratoires chroniques, avec, notamment, une baisse très importante du taux de couverture vaccinale des patients souffrant de BPCO, passé de 64 % à 43 %, tandis que celui des patients asthmatiques, déjà très insuffisant, reculait encore de 25 à 24 %.
Une situation tout à fait dommageable quand on sait le bénéfice bien établi de la vaccination contre la grippe chez ce type de patients à risque.
D'après les 29es Rencontres du GEIG (Groupe d’Expertise et d’Information sur la Grippe) qui ont eu lieu le 15 novembre 2016 à Paris.
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