LE PROJET de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2010 poursuit son chemin. Après avoir été adopté mardi dernier en première lecture à l’Assemblée nationale par 316 voix contre 218, il sera examiné à partir de demain au Sénat.
• Autoriser la création de PUI
Déjà, certaines dispositions votées par les députés inquiètent les officinaux. Ainsi, la possibilité offerte aux groupements de coopération sociale et médico-sociale de mettre en place une pharmacie à usage intérieur (PUI) à partir du 1er janvier 2011. « On met la charrue avant les bœufs : on prend cette décision comme si l’intégration du budget médicaments dans le forfait de soins des EHPAD** était une certitude, c’est-à-dire sans attendre les résultats de l’expérimentation », s’indigne Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), visiblement très irrité. Il ne comprend pas non plus pourquoi on inscrit dans le PLFSS pour 2010 une disposition prévue pour 2011. « Cela fait des années que l’on se bat contre cela », ajoute Gilles Bonnefond, président délégué de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). « Ce n’est pas en créant une PUI que l’on réglera le problème de l’iatrogénie, fait-il valoir, mais en introduisant des pharmaciens référents dans les maisons de retraite. » Or, « à chaque fois que l’on ouvrira une PUI, on enlèvera un pharmacien référent », renchérit Philippe Gaertner.
La secrétaire d’État chargée des Aînés, Nora Berra, affirme pour sa part que la création d’une PUI ne doit en aucun cas constituer une obligation pour les EHPAD. Car, pour elle, « la relation contractuelle entre les établissements et les pharmaciens d’officine doit rester la solution de coopération la plus naturelle pour améliorer le circuit du médicament et lutter contre le mauvais usage de ce dernier. » Mais cela ne suffit pas à rassurer les officinaux qui souhaitent la suppression pure et simple de cet article. « Nous demandons son retrait », indique ainsi Claude Japhet, président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF).
Pas sûr que les sénateurs suivent la volonté de la profession. Même s’ils le faisaient, certains parient que la mesure serait réintroduite par la Commission mixte paritaire chargée de mettre les deux assemblées d’accord. La raison ? La décision viendrait de Matignon. Les caisses sont vides et l’État se voit mal indemniser la fonction de « pharmacien référent ». Mais, d’un autre côté, Roselyne Bachelot l’a réaffirmé lors de la 22e Journée de l’Ordre des pharmaciens, jeudi dernier : l’expérimentation dans les maisons de retraite, qui devrait prochainement commencer, « permettra de montrer la valeur ajoutée du pharmacien ». Rien ne semble donc complètement perdu d’avance.
• Renforcer la détection de la fraude
Autre disposition qui devrait animer les débats au Sénat, la possibilité de contrôler certains professionnels de santé, dont les officinaux, par la méthode de l’échantillonage. Et, « en cas de constat de sommes indûment versées par l’organisme local d’assurance-maladie, le directeur de l’organisme local d’assurance-maladie peut alors prononcer une pénalité », précise l’article 54 du PLFSS pour 2010.
Cet article « est important puisqu’il donne une base législative à une méthode de contrôle aussi vieille que l’audit : l’échantillonnage », estime le ministre du Budget, Éric Woerth. « Les pharmaciens et les laboratoires de biologie médicale devraient être favorables à l’échantillonnage puisque la durée du contrôle est forcément moins longue, poursuit-il. Ces professions ont tout intérêt à l’exclusion des brebis galeuses ou des moutons noirs. Elles devraient défendre un contrôle efficace et, surtout, dissuasif. En effet, la véritable qualité du contrôle est de bien anticiper la fraude et, donc, de l’éviter. » Mais les pharmaciens ne l’entendent pas ainsi et la FSPF, l’UNPF et l’USPO demandent tous les trois que les officinaux soient exclus du dispositif.
« La profession dispose en effet déjà d’un arsenal suffisant en la matière avec des éléments législatifs, réglementaires, conventionnels ou déontologiques », argumente Philippe Gaertner. Quoi qu’il en soit, si cette disposition devait être maintenue, « elle doit être limitée aux cas de fraude clairement identifiés, ajoute-t-il. Car certains indus peuvent survenir en toute bonne foi. »
• Inciter à la prescription de génériques
Les sénateurs devront aussi se pencher sur les nouvelles mesures visant à développer encore davantage le marché des médicaments génériques (« le Quotidien » du 5 novembre). En particulier sur celle incitant le corps médical à prescrire dans le répertoire. « Lorsqu’il existe plusieurs alternatives médicamenteuses à même visée thérapeutique, le médecin prescrit un traitement médicamenteux figurant au répertoire des groupes génériques, à moins que des raisons particulières tenant au patient ne s’y opposent », stipule ainsi le nouvel article 29 quinquies. Et les députés sont bien décidés à faire entendre raison aux médecins récalcitrants. Des sanctions sont en effet prévues en cas « d’inobservations répétées ».
« C’est un élément de réponse à l’érosion du répertoire que nous attendions depuis longtemps », se félicite Hubert Olivier, vice-président du GEMME**. Gilles Bonnefond est plus dubitatif. « Ce sont de bonnes intentions, mais comme les médecins ne connaissent pas le répertoire, la mesure risque d’être inefficace », craint-il. Pour lui, il serait préférable de travailler à un projet commun, réunissant les médecins, les pharmaciens et l’assurance-maladie, et permettant d’éviter les fuites de prescription du répertoire. Philippe Gaertner reste, lui, persuadé que le rôle du pharmacien restera essentiel dans la substitution.
Après les députés, les sénateurs devront, à partir de demain, se prononcer à leur tour sur toutes ces questions qui sont autant d’enjeux pour l’officine.
** Association réunissant 11 laboratoires de génériques.
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