Aujourd’hui, si nous parlons de couperose dans cette rubrique, ce n’est pas pour faire un cours didactique, structuré, que l’on pourrait trouver dans n’importe quel ouvrage de dermatologie, mais pour évoquer la place de ce signe clinique ou de ce symptôme selon que l’on se place du côté du médecin ou du pharmacien, ou de celui du malade.
La couperose en quelques mots
Car qu’est-ce qu’une couperose si ce n’est cette érythrose des pommettes, cette rougeur permanente ou temporaire, persistante ou survenant par flush, donnant habituellement une bonne mine, ou indiquant une vie au grand air. Si on ne s’intéresse qu’à l’aspect morphologique, je dirai pictural ou anatomique de cette rougeur, on a peu de chances de déceler les pathologies qui, en arrière-fond, en sont à l’origine.
La couperose affecte l’homme tout comme la femme, et elle correspond à une demande le plus souvent esthétique. Depuis l’avènement des lasers, cette indication est devenue une des plus fréquentes en matière de dermatologie esthétique, avec l’épilation dite définitive.
L’aspect de ces plaques bilatérales le plus souvent symétriques est plus ou moins homogène, donnant soit une peau rosée, sur une surface mal limitée, soit il peut être parcouru de fines télangiectasies, qui rendent la lésion peu esthétique.
Les flushs qui peuvent survenir pour des raisons variées résultent d’une réactivité émotionnelle dans bien des cas, d’une réaction aux changements de températures, d’une libération d’amines vasoactives par le tube digestif après l’ingestion d’aliments épicés, ou bien de café et de thé, ou encore l’alcool, ou bien de l’utilisation de cosmétiques que l’on incrimine dans la survenue de peaux sensibles.
Peau sensible
Cette entité fut décrite par Kligman en 1977, et dénommée ainsi par Thiers en 1986. Peau sensible, peau intolérante, peau réactive sont les termes le plus souvent employés, mais qui closent le débat dès lors qu’on ne cherche pas plus loin les véritables raisons de l’apparition de ces plaques. « On se trouve en présence habituellement d’une femme autour de la trentaine, souvent à teint clair… Depuis peu elle se plaint que son visage, rarement ses mains aussi, réagit fâcheusement à tout produit local, du plus ordinaire au plus sophistiqué, dans les secondes qui suivent, la patiente ressent une impression de chaleur et de brûlure plutôt que de prurit ; la peau traitée rougit aussitôt et fortement mais sans urticaire immédiate ni vésiculation tardive ; en quelques heures, parfois le lendemain seulement, tout s’apaise, puis l’érythème ayant cessé, se produit au bout de 24/48 heures une fine et passagère desquamation furfuracée. On est frappé par l’intensité de l’érythème, celle de la sensation de brûlure, la discrétion de la desquamation, l’absence de symptômes appartenant à l’allergie… La patiente est déconcertée par cet intolérable état… », écrivait Thiers.
La couperose symptôme d’un ensemble syndromique
Dans un contexte aigu, fébrile, un visage rouge, vultueux exprimera une pneumopathie franche lobaire aiguë.
Selon le mode de présentation du patient ou de la patiente, le médecin ne passera pas à côté d’un vespertilio, aspect de masque lupique caractéristique du lupus érythémateux disséminé, et pourtant combien de tels signes cutanés cardinal du lupus ont été pris et traités comme de la couperose.
Ne pas oublier que, quel que soit le symptôme, aussi bénin peut-il apparaître, l’interrogatoire doit être de mise. Il révélera la prise de médicaments responsables de cet érythème, qu’il s’agisse des inhibiteurs calciques ou de l’amiodarone.
Ce qui est remarquable avec cette anomalie cutanée d’ordre vasculaire, c’est qu’elle est le témoin, qu’elle accompagne des maladies de tous ordres. Elle est le signe d’une maladie mitrale, et du fameux faciès mitral que la technologie, et notamment l’échographie cardiaque ont fait perdre beaucoup d’intérêt. Et pourtant, qui ne serait pas satisfait de poser un tel diagnostic juste en ressentant le frémissement cataire (comme un chat qui ronronne) en posant sa main sur le thorax d’une personne « couperosique » mais surtout essoufflée.
La couperose sera à considérer chez une personne âgée, au visage apparemment figé qui ressent des brûlures, des dysesthésies de la face pour en faire une manifestation cutanée de la maladie de Parkinson.
Sa présence très précoce dès l’enfance dans un contexte de syndrome dysmorphique ou de photosensibilité orientera le dermatologue vers des génodermatoses.
La couperose se distinguera facilement d’un eczéma de contact, tant celui-ci est prurigineux et vésiculeux, d’un érysipèle, la fièvre et le caractère aigu faisant la différence.
Couperose et rosacée
Plus simplement la couperose est le stade 2 de la rosacée dite érythémato-télangiectasique avec cet érythème facial permanent et télangiectasies veinulaires. Cet aspect couperosique pourra être associé à des papules de rosacée, ou encore de démodécidose, parasitose de la peau du visage. Le traitement sera alors celui de la maladie, c’est-à-dire de la rosacée qui repose sur les cyclines ou le métronidazole, apporté par voie orale ou localement à des concentrations de l’ordre de 0,5 à 1 %. La démodécidose quant à elle réagit aux antiparasitaires, l’agent n’étant pas autre chose qu’un acarien saprophyte de la peau humaine, mais oh combien potentiellement pathogène.
Le traitement
Il n’a pas de justification médicale en dehors des formes sévères, ou bien des couperoses symptômes. Les crèmes anti-couperosiques sont nombreuses, comportant des principes actifs apaisants aux actions vasculaires, vasoprotectrices comme les flavonoïdes. Leur efficacité est modeste, bien qu’elle soit supérieure à celle d’un placebo. Le camouflage est une part importante de la prise en charge en utilisant des pigments verts, puis couleur fond de teint. Les correcteurs de teinte ont été une avancée considérable dans ce domaine, suivis plus récemment des CC crèmes. Le caractère photoexposé de la dermatose couperosique du visage indique le rôle peu ou prou du soleil, qui doit faire l’objet d’une attention particulière en recommandant une hydratation cutanée avec photoprotection.
La cryothérapie n’a plus sa place. Elle fut utilisée sous la forme de bâtonnets de neige carbonique, douloureux, non sans danger. L’électrocoagulation a toujours sa place avec des aiguilles extrêmement fines, et un fin et rapide éclair de coagulation. Certains dermatologues excellaient dans ce domaine, avec une acuité remarquable. Mais il faut bien reconnaître que la place de ces traitements a été prise par le Laser, tout d’abord le KTP, et le colorant pulsé, le Nd-YAG, ou encore certaines lampes flash.
Même si la présentation d’un malade semble avant tout esthétique, avec une demande de soins ou de camouflage, le pharmacien tout comme le médecin doit garder à l’esprit qu’une dermatose dysesthétique peut être le signe d’une maladie plus générale, et que rien parfois ne distingue une couperose d’un érythème en vespertilio du lupus, si on ne questionne pas la patiente sur sa photosensibilité et d’autres symptômes du lupus.
Les conseils du pharmacien sont importants, car il est souvent le seul à être sollicité pour apporter une réponse sous forme de recommandations de soins. Il faudra privilégier les lotions nettoyantes peu agressives, peu délipidantes, et surtout éviter les projections d’eau sur le visage, fut-elle thermale, qui, sur une peau non préparée, mal hydratée, peut avoir des conséquences néfastes.
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Françoise Amouroux
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