OCCUPER le terrain, c’est l’idée d’une nouvelle approche thérapeutique contre les infections à Clostridium difficile. Une étude internationale publiée dans le « JAMA » par l’un des plus grands spécialistes de la bactérie, le Pr Dale Gerding, qui a plus de 135 publications sur le sujet à son actif, montre comment la colonisation du système digestif par une souche à C. difficile inoffensive, non productrice de toxine, permet de prévenir les infections à la bactérie pathogène.
Dans cette étude de phase 2, menée dans 44 centres aux États-Unis, en Europe et au Canada, l’administration orale sous forme liquide de spores non toxiques a apporté les premières preuves d’efficacité chez des sujets ayant eu un premier épisode infectieux. Dans cette population, le risque de récurrences est connu pour être élevé, de l’ordre de 25 à 30 %. Ces premiers gages ne semblent pas avoir de contrepartie pour la tolérance, qui s’est révélée plus que rassurante. Et même s’il est encore trop tôt pour le tester en pratique, selon le Pr Dale Gerding de la Loyola University (Chicago), il pourrait y avoir une application en prévention primaire chez les sujets âgés vulnérables traités par antibiotiques et vivant en institution.
Chez 173 sujets ayant eu un premier épisode d’infection à C. difficile traité et guéri, l’équipe a comparé l’administration de ces spores dans 3 bras selon le dosage et la durée de traitement, - 104 spores/ jour pendant 7 jours (n=43), 107/j pendant 7 jours (n=44) et 107/j pendant 14 jours (n=42) -, par rapport au placebo pendant 14 jours (n=44) . À 6 semaines du traitement, il y a eu 11% de récidives dans le groupe C.difficile non toxique versus 30% dans le groupe placebo. Avec la dose la plus favorable, 107 spores/ jours pendant 7 jours, le taux de récurrence est tombé à moins de 5%.
Compétition entre les souches.
La colonisation digestive par la bactérie non toxique est corrélée à la protection obtenue, ce qui en fait le phénomène central. En effet, le taux de récurrences était de l’ordre de 2% chez les 86 sujets correctement colonisés (n=2) quand il était de 31% chez les 39 patients traités par spores mais non colonisés (n=12). La colonisation fécale a ainsi été obtenue chez 69 % des sujets traités, au mieux à 71 % avec la dose la plus haute à 107 par rapport à 63 % avec celle à 104. L’hypothèse la plus vraisemblable est que la souche non pathogène emprunte les mêmes voies métaboliques ou d’adhérence, faisant compétition aux bactéries résidentes et aux souches toxinogènes nouvellement ingérées.
La tolérance constatée était excellente avec davantage d’effets secondaires dans le groupe placebo (86 %) que dans le groupe traité par spores (78 %). Et plus précisément au plan digestif, les symptômes à type de diarrhée et de douleurs abdominales étaient rapportés respectivement à 46 % et 17 % dans le groupe spores par rapport à 60 % et 33 % dans le groupe placebo.
Une éradication préalable.
Dans l’étude, les sujets inclus avaient été traités lors du premier épisode par du métronidazole, de la vancomycine orale ou les deux, pendant 10 à 21 jours, et avaient complètement récupéré sur le plan clinique. La précision a de l’importance car les choses pourraient être différentes en l’absence d’antibiothérapie efficace. Les auteurs rapportent ainsi les inquiétudes exprimées quant au risque de recombinaison génétique entre les différentes souches. Les auteurs insistent ainsi sur « l’importance d’éliminer le C. difficile toxigénique avec un traitement, si possible, pour réduire au minimum le risque de conjugaison in vivo et de transfert de locus de pathogénicité ».
Cette approche, très séduisante, n’est pas exclusive des autres pistes explorées contre l’infection à C. difficile. La colonisation bactérienne est fragile et peut être compromise par un nouveau traitement antibiotique. Pour les auteurs, « les vaccins antitoxines injectables en cours de développement pourraient offrir une protection plus durable ». Comme la réponse anticorps vaccinale met des semaines, voire des mois, pour atteindre un taux suffisant, en particulier chez les sujets âgés, la bactériothérapie peut être une solution transitoire le temps que le vaccin soit efficace. Les spores non toxigéniques défendent aussi leur place à côté d’autres thérapeutiques prometteuses, comme les anticorps monoclonaux anti-toxine et la transplantation fécale. Car la rapidité de l’effet obtenu et son excellente tolérance sont des arguments en faveur de son utilisation pour limiter les transmissions dans les collectivités à haut risque, tels que les hôpitaux et les maisons de retraite.
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