L’éviction totale est la règle pour les sujets allergiques à la cacahuète. A contrario, chez les sujets atopiques à risque, faut-il maintenir à vie une consommation quasi quotidienne en prévention de l’allergie ?
La question avait été laissée en suspens depuis la publication de l’étude LEAP (Learning about Peanut allergy) en février 2015 dans le « New England Journal of Medicine ». Avec la suite apportée dans leur nouvelle étude LEAP-On, l’équipe du Dr Gideon Lack, du King’s College London, apporte une réponse rassurante sur la persistance de la tolérance orale à la cacahuète.
Une consommation précoce et régulière
Les allergologues britanniques avaient démontré dans l’essai randomisé LEAP chez 640 enfants atopiques qu’une consommation précoce et régulière de cacahuète à partir de l’âge de 11 mois et jusqu’à 5 ans se traduisait par une diminution du risque d’allergie de 80 % par rapport à l’éviction totale et ce, sans davantage d’effets indésirables graves.
Dans LEAP-On, après 12 mois d’abstinence de cacahuète chez ces mêmes enfants, la réintroduction de l’allergène à l’âge de 6 ans ne s’est pas traduite par un rebond des allergies. Les enfants du groupe consommation de cacahuète ont continué à présenter moins d’allergies (n = 13/270, 4,8 %) que ceux du groupe éviction totale (n = 52/280, 18,6 %), soit une diminution de 74 % du risque d’allergie.
« La grande question à l’issue de LEAP était de savoir si ces enfants étaient "guéris" ou s’ils avaient seulement développé une tolérance à l’allergène, commente le Pr Jocelyne Just, allergologue à l’hôpital Trousseau. L’étude LEAP a inclus des enfants atopiques qui avaient une dermatite atopique grave et/ou qui étaient déjà sensibilisés à l’œuf avec des IgE positives. C’est-à-dire des enfants à risque élevé de développer une allergie à l’arachide. On pouvait craindre que l’introduction précoce protège comme une désensibilisation avec le risque d’une réermergence des allergies à l’arrêt. Ce n’est pas le cas. »
Une stratégie à affiner et à préciser
Si le Pr Lack reste prudent sur le plus long terme encore non étudié, l’essai LEAP-on montre que la prévention est durable, voire « définitive », espère le Pr Just. « L’introduction précoce se révèle efficace à la fois en prévention primaire et en prévention secondaire, car certains enfants inclus, sans être encore allergiques, présentaient déjà des IgE spécifiques contre la cacahuète », poursuit-elle. L’étude LEAP-on montre de plus que les enfants du groupe exposé précocement étaient moins nombreux que ceux du groupe éviction totale à avoir des taux élevés d’IgE spécifiques anti-cacahuète.
« Le régime alimentaire va pouvoir se libéraliser », se réjouit le Pr Just. « Maintenant, beaucoup de questions se posent sur le protocole optimal pour l’introduction précoce. Faut-il réellement une consommation quasi quotidienne ? Pendant combien de temps ? Faut-il faire pareil pour les enfants sensibilisés et non sensibilisés ? Quel est l’âge optimal, 3, 6 ou 11 mois ? Peut-on généraliser ces résultats sur la cacahuète aux autres allergènes ? Il y a beaucoup d’études à faire ». Le Dr George Du Toit, co-auteur de l’étude LEAP-On, estime lui aussi qu’il faut travailer à mieux comprendre les mécanismes en jeu et « comment cela pourrait être transposé aux autres allergies alimentaires ».
Une consultation allergo au préalable
En France, il est déjà recommandé depuis 4-5 ans de diversifier l’alimentation tôt dès l’âge de 4-6 mois. « Il existait déjà de nombreuses données épidémiologiques allant en ce sens pour l’arachide, l’œuf ou le lait de vache. Les Anglo-Saxons sont beaucoup plus factuels », explique le Pr Just.
Pour l’arachide en particulier, un constat surprenant à l’origine de LEAP avait focalisé l’attention. Chez des enfants juifs vivant au Royaume-Uni, le risque d’allergie était dix fois plus important que chez ceux de même origine ethnique vivant en Israël, où la cacahuète est consommée très tôt.
« Chez les enfants atopiques à risque, une consultation allergo est nécessaire au préalable. Il faut prendre la précaution de faire des tests d’allergie avant la diversification », précise le Pr Just.
Cet avis est partagé par le Pr Lac : « Les parents de nourrissons et de jeunes enfants avec de l’eczéma et/ou une allergie à l’œuf, et donc considérés à haut risque d’allergie à la cacahuète, devraient consulter un allergologue (...) avant de leur donner à manger des aliments contenant de la cacahuète ».
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