Nouvelles conditions de prescription et de délivrance, renforcement des messages d'information sur le risque tératogène à l'intention des professionnels de santé et des patientes, recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) sur les alternatives thérapeutiques… la France a largement dépassé les exigences communautaires pour renforcer la sécurité des patientes sous valproate ou ses dérivés. La contre-indication de Dépamide (valpromide) et Dépakote (divalproate de sodium) chez la femme enceinte et la femme en âge de procréer sans contraception efficace, entrée en vigueur vendredi dernier, en est le parfait exemple. « Nous sommes le seul pays au monde à le faire », indique Dominique Martin, le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
Concrètement, depuis le 7 juillet, le psychiatre qui prescrit du valproate à une patiente bipolaire enceinte ou en âge de procréer et sans contraception efficace, le fait hors AMM, est en faute et prend des risques lourds si la naissance d’un enfant survient. « D’autant que les changements physiologiques qui ont lieu pendant la grossesse modifient aussi la manifestation des troubles de l’humeur et que le traitement pour bipolarité doit être modifié et peut même dans certains cas être supprimé », souligne Dominique Martin.
Jusqu’alors les différentes spécialités contenant du valproate ou ses dérivés étaient logées à la même enseigne : prescription par certains médecins spécialistes, accord de soins cosigné par le prescripteur et la patiente à présenter au pharmacien pour la délivrance, multiplication des documents à destination des médecins et des patientes sur les risques tératogènes, mise en garde sur l’emballage des médicaments… La contre-indication de Dépamide et Dépakote est « un pas de plus dans la réduction du risque », note Dominique Martin qui cherche à atteindre le « risque zéro ».
Alternatives thérapeutiques
Cette mesure voit le jour après concertation avec les psychiatres, seuls prescripteurs des deux spécialités, qui ont confirmé que les alternatives thérapeutiques sont suffisantes. Ce n’est pas le cas pour Dépakine, Micropakine et génériques dans l’épilepsie qui peuvent s’avérer difficiles à remplacer. De plus, une étude menée par l’ANSM montre que 85 % des femmes traitées par Dépamide ou Dépakote arrêtent leur traitement au cours du premier trimestre de grossesse, alors que les femmes épileptiques arrêtent davantage au cours du 2e trimestre. Les documents d’information (brochures pour les patientes, guide pour les prescripteurs, formulaire d’accord de soins) ont été actualisés en tenant compte de la nouvelle contre-indication, tout comme les recommandations de la HAS qui doivent paraître dans les jours à venir. La nouvelle contre-indication sera également visible sur les boîtes de Dépamide et Dépakote dont le message de mise en garde évolue de « nom de la spécialité + grossesse = danger » à « nom de la spécialité + grossesse = interdit ». Le pictogramme change aussi. La femme enceinte dans un triangle rouge est désormais représentée dans un rond rouge barré. Ce pictogramme sera présent sur les blisters des médicaments à partir de septembre prochain. L’ANSM ne procédant pas à un rappel de lots, les pharmacies peuvent écouler leur stock avant de dispenser les nouvelles boîtes.
Médicament le plus tératogène
Une lettre a été adressée aux professionnels de santé pour les informer que la prescription de Dépakote ou Dépamide n’est autorisée chez les femmes en âge de procréer qu’à la condition de la mise en place ou de l’existence d’une contraception efficace. Un test de grossesse doit être réalisé à l’initiation du traitement, puis régulièrement au cours du traitement. L’ANSM invite les femmes en âge de procréer sous Dépamide ou Dépakote à se rapprocher immédiatement de leur médecin pour évaluer un report sur une autre option thérapeutique, et les femmes enceintes sous l’une de ces spécialités à consulter en urgence pour interrompre leur traitement et mettre en place un suivi attentif si la grossesse est poursuivie. Car, comme le rappelle Dominique Martin, « le valproate est le médicament le plus tératogène que nous connaissons ».
« Nous avons également demandé une procédure d’arbitrage au niveau européen pour une contre-indication chez la femme enceinte ou en âge de procréer sans contraception efficace – efficacité évaluée par le praticien en dialoguant avec la patiente – et dans un 2e volet nous avons demandé une évaluation des mesures de réduction du risque mises en place », ajoute Philippe Vella, directeur des médicaments en neurologie et psychiatrie à l’ANSM.
La réponse européenne est attendue fin 2017 ou début 2018. D’ici là, l’ANSM devrait avoir publié sa réévaluation des autres traitements de l’épilepsie et des troubles bipolaires. Elle compte, par ailleurs, lancer une étude sur les effets épigénétiques du valproate dans toutes ses indications.
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