Si la prophylaxie pré-exposition, dite PrEP, est autorisée en Suisse depuis 2016, son accès est rendu difficile par le prix du Truvada (emtricitabine + ténofovir). Car non seulement la PrEP n’est pas prise en charge par la collectivité en Suisse, mais le brevet du Truvada court encore jusqu’en 2021 sur ce territoire et ne permet pas l’introduction de génériques. Résultat : l’achat d’un mois de traitement dans une pharmacie suisse revient à 900 francs suisses, soit près de 800 euros. Les PrEPeurs privilégient donc deux autres sources d’approvisionnement autorisées : les centres médicaux spécialisés qui se procurent le générique à l’étranger pour 100 francs suisses (88 euros) le traitement mensuel, et les fournisseurs agréés se trouvant en Inde, au Brésil ou en Afrique du Sud, pour 80 francs suisses (70 euros).
Cette dernière option serait actuellement la plus prisée. Mais après différents contrôles, Swissmedic, l’agence du médicament suisse, constate que les génériques saisis viennent « tous de pays sans contrôles suffisants, ou de sources contrôlées par des trafiquants ». En outre, des saisies ont aussi révélé l’usage d’ordonnances falsifiées, voire l’absence de prescription médicale. Face au risque que représentent des médicaments contrefaits pour la santé des utilisateurs, Swissmedic « a été obligé de supprimer un assouplissement temporaire et informel qui avait été mis en place pour une période donnée ». Dès lors, la loi s’applique comme pour tous les autres médicaments. « Un particulier peut ainsi importer des médicaments pour sa consommation personnelle, mais pas pour des tiers, à concurrence d’une quantité équivalant à un mois de traitement environ », explique le porte-parole de Swissmedic Lukas Jaggi. Cette importation peut prendre la forme de commande sur Internet, « c’est-à-dire en dehors de tout contrôle, ce que Swissmedic déconseille formellement ». Connaissant la provenance de la plupart des génériques de Truvada, Swissmedic tient à rappeler que « la fiabilité de la livraison de ces envois mensuels en provenance de Singapour, du Brésil, d’Inde, etc., n’est aucunement garantie ».
Inciter à consulter
La révision de la loi sur les produits thérapeutiques du 1er janvier 2019 confirme l’encadrement de l’importation de médicaments en Suisse par un particulier. De plus, elle a mis en place une procédure simplifiée de retrait du marché des médicaments illégaux importés qui pourra être appliquée aux importations illégales de génériques de Truvada à partir du 1er avril. « Le but est de saisir les envois de sources totalement incontrôlées qui présentent le plus de risques, et d’inciter les personnes concernées à consulter des centres spécialisés », ajoute Luka Jaggi.
Ce durcissement des conditions d’importations des génériques de Truvada inquiète les associations qui soulignent que commander un mois de traitement au lieu de trois est illogique alors que le suivi médical est trimestriel. Elles craignent surtout que les délais de livraison entraînent des ruptures de traitement. De son côté, Florent Jouinot, coordinateur régional pour la Suisse romande de l’Aide suisse contre le sida, affirme que « l’écrasante majorité des usagers respecte les règles » et qu’il n’y a donc pas lieu de restreindre l’accès aux génériques de Truvada sur Internet. « Nous ne répertorions que des sites internationalement éprouvés, qui ne sont en rien liés à des organisations criminelles. Il serait très dommageable de remettre en question cette stratégie efficace de réduction des risques en relevant le seuil d'accès au traitement… »
Importer par le biais d’une pharmacie
Lukas Jaggi précise qu’il n’est pas question de restreindre l’accès à la PrEP mais de limiter les risques liés à la contrefaçon de médicaments. En effet, rappelle-t-il, « une personne exerçant une profession médicale peut importer un médicament pour un patient donné lorsque les conditions énoncées à l’article 49 al. 1 de l’ordonnance sur les autorisations dans le domaine des médicaments sont respectées, pour autant que ce médicament soit autorisé pour la PrEP par un pays ayant institué un contrôle des médicaments équivalent et pour autant qu’aucun médicament pour cette indication ne soit autorisé en Suisse ». Ainsi, en collaboration avec les prescripteurs, certaines pharmacies « commandent dans les pays voisins et remettent des génériques pour trois mois de traitement ». Il est donc possible d’obtenir par une voie légale « des génériques bon marché, sûrs, issus de fournisseurs contrôlés, et provenant des pays voisins ». Une voie que Swissmedic recommande : « Acheter par le truchement d’une pharmacie suisse a aussi pour but de garantir que le futur utilisateur a préalablement reçu les informations médicales requises. »
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