L’ÉPIDÉMIE de VIH-Sida a joué un rôle pionnier dans l’essor des réseaux ville-hôpital. La complexité des traitements, la multiplicité des intervenants (médecins, pharmacien, infirmière, assistante sociale, psychologue…), l’implication des associations de patients, ont très tôt encouragé une approche pluridisciplinaire et poussé à la prise en charge en réseau des patients séropositifs.
En Gironde, le réseau Ville Hôpital a été créé en 1994. Depuis, il accompagne les patients en adaptant leur suivi à l’évolution de l’épidémie. C’est cette évolution que Noëlle Bernard, présidente de ce réseau et praticien hospitalier à l’Hôpital Saint-André de Bordeaux, a présentée lors du récent Forum des pharmaciens : « On estime à 152 000 le nombre de personnes infectées par le VIH en France. Parmi elles, 50 000 l’ignorent. On note également 7 000 et 8 000 nouvelles contaminations par an, avec une recrudescence dans la communauté homosexuelle. Enfin, la découverte de la séropositivité est souvent tardive, n’intervenant que lors des premières complications. »
Un tableau auquel répondent les récentes recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) : large dépistage dans la population générale ; dépistages ciblés des populations à risque ; début du traitement à partir d’un taux 500 de CD4, car les traitements sont d’autant plus efficaces qu’ils interviennent tôt.
Vieillissement et co-morbidité.
L’autre grande évolution de l’épidémie tient à l’efficacité thérapeutique des trithérapies : 83 % des patients traités précocement ont une charge virale indétectable. Cependant, au fil des ans, on constate chez ces patients VIH stabilisés l’apparition de complications qui interviennent, en moyenne, dix ans plus tôt que dans la population générale : affections cardio-vasculaires, troubles métaboliques, cancers, ostéoporose, troubles neurologiques…
On le voit (voir tableau), la population vieillissante de patients VIH meurt aujourd’hui davantage d’affections secondaires que du sida. D’où la nécessité d’une prise en charge toujours plus complexe et l’intervention coordonnée de nombreux professionnels libéraux et hospitaliers.
C’est pourquoi le réseau Gironde Ville Hôpital a adapté son suivi, proposant des formations mono-professionnelles (généralistes, pharmaciens, infirmiers…), et pluri-professionnelles (médecins/pharmaciens), des consultations conjointes (médecins hospitalier/généraliste de ville), des actions de prévention, des groupes de travail (santé mentale et VIH) et des outils pratiques d’information :
- un site internet (www.reseauvih33.asso.fr)
- des fiches techniques (Vivre avec le VIH, Prise en charge des effets secondaires, Dépistage du VIH et des IST, VIH et voyages…)
- une liste des interactions médicamenteuses possibles avec chaque médicament anti-VIH (www.corevih-aquitaine.org) : « Il est important de savoir, par exemple, que des IPP (inhibiteurs de la pompe à protons) peuvent avoir des effets négatifs sur certains traitements antiviraux, souligne le Noëlle Bernard. C’est une information à diffuser largement auprès des médecins et des pharmaciens. »
Officines et éducation thérapeutique.
Des pharmaciens dont le rôle est important à tous les niveaux : inviter le patient au dépistage, inciter le séropositif traité à consulter son médecin en cas d’effet secondaire, l’aider à une bonne observance : « C’est essentiel dans le cas d’une trithérapie, poursuit Noëlle Bernard, car une mauvaise observance peut entraîner une mutation du virus, des résistances et l’inefficacité de toute une famille de médicaments. » Bref, le pharmacien peut, ici, accomplir pleinement sa mission d’éducation thérapeutique.
Mais son implication reste variable : « Au départ, la participation des pharmaciens était importante, reconnaît Marie Liliale Khoury, coordonnatrice du réseau Gironde Ville Hôpital, puis elle s’est un peu ralentie. Mais nous avons toujours un pharmacien dans notre conseil d’administration et de nombreux contacts informels, ne serait-ce que pour pouvoir proposer une autre officine aux patients qui ne veulent pas chercher leurs médicaments dans leur village ou leur quartier. De plus, le démarrage plus précoce de la trithérapie va augmenter le nombre de patients VIH venant en officine et favoriser ainsi l’implication des pharmaciens. »
« La Loi HPST nous pousse vers les réseaux, souligne un pharmacien lyonnais. Il faut impliquer l’officine dans cette forme de prise en charge des patients qui favorise des relations sereines entre professionnels et l’émergence de référents au sein de nos équipes. Mieux vaut baser notre développement sur le travail en réseau que sur la parapharmacie ! »
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Françoise Amouroux
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