Les mots du client
- « Mon mari est atteint d’un zona à l’œil, risque-t-il de perdre la vue ?
- J’ai eu un zona il y a un mois et j’ai toujours des douleurs sous forme de brûlures, est-ce normal ?
- Mon fils a un herpès à la lèvre, est-il contagieux et les croûtes vont-elles laisser des cicatrices ?
- Les traitements locaux antiherpétiques ont-ils une action préventive ? »
Rappel physiopathologique
L’herpès est une maladie virale due au virus Herpes simplex (HSV) qui présente deux types antigéniques : HSV1 et HSV2. Aujourd’hui, il est reconnu que HSV1 et HSV2 peuvent infecter indifféremment toutes les régions cutanéomuqueuses (bouche, œil, organes génitaux, œsophage, méninges…). La transmission est strictement interhumaine, l’homme étant le seul réservoir d’HSV1 et d’HSV2. La primo-infection herpétique se fait par simple contact entre le virus et la peau et ce premier contact peut passer inaperçu. Le virus pénètre dans l’organisme et migre ensuite dans les neurones des ganglions sensitifs où il reste à l’état latent, parfois de façon très prolongée, mais le sujet est infecté à vie.
Le zona est la conséquence de la réactivation du VZV (virus zona varicelle) dont l’infection initiale (primo-infection) survient souvent dans l’enfance sous la forme d’une varicelle. Lors de cette réactivation, le virus migre des ganglions sensitifs, où il était à l’état latent, le long des fibres nerveuses jusqu’à la peau et aux muqueuses. Il n’y a pas de risque de transmission puisqu’il s’agit d’une réinfection endogène mais les sujets non immunisés et à risque (femme enceinte, nouveau-né, immunodéprimé, cancéreux) doivent éviter tout contact avec un malade atteint de zona. L’incidence de la maladie augmente avec l’âge et devient maximale après 70 ans. Les localisations sont variées : thoracique (la plus fréquente) mais aussi ophtalmique, faciale, céphalique.
Le zona pose trois problèmes essentiels : la douleur nociceptive parfois intolérable en phase aiguë, les douleurs séquellaires neurogènes, dites post-zostériennes (PZT), souvent persistantes et rebelles au traitement, et le risque de dissémination virale cutanée et/ou viscérale chez l’immunodéprimé.
Les questions à l’officine
Le pharmacien est en première ligne pour informer les patients porteurs des virus, limiter les complications et protéger l’entourage.
Quelles sont les manifestations caractéristiques de l’herpès et du zona ?
Les poussées d’herpès sont précédées de signes annonciateurs (prodromes) très typiques :
- La poussée d’herpès s’annonce par une sensation de brûlure, des picotements suivis de l’apparition d’un bouquet de vésicules érosives douloureuses sur la zone cutanéomuqueuse concernée. Ces vésicules se recouvrent d’une croûte jaunâtre qui tombe en quelques jours sans laisser de cicatrice en l’absence de grattage.
- Le zona se caractérise par sa localisation unilatérale, radiculaire, en hémiceinture, courant le long d’une racine nerveuse et intéressant un ou plusieurs territoires contigus (métamères). La lésion débute par une macule qui devient vésicule rouge remplie de liquide, puis survient la formation d’une croûte qui tombe au bout d’une dizaine de jours en laissant une cicatrice rosée puis blanchâtre. La phase prodromique se traduit par des sensations de cuisson, de brûlures, des fourmillements et des picotements. Cette éruption très douloureuse s’accompagne de paresthésies et de troubles de la sensibilité, mais l’état général est conservé. Le zona évolue par poussées successives.
Quels sont les facteurs déclenchants ?
Toute diminution des défenses immunitaires peut réactiver les virus de l’herpès et du zona, ainsi que le stress, un traumatisme et la fatigue. Les menstruations, l’exposition solaire, l’alcool favorisent la survenue de l’herpès, alors que l’âge augmente le risque de réactivation du virus du zona.
Quelles sont les localisations les plus fréquentes ?
L’herpès orofacial est le plus connu et l’herpès labial est le plus courant, c’est le classique « bouton de fièvre ». L’excrétion virale asymptomatique est un mode de transmission de l’herpès génital. Elle a plusieurs localisations : col utérin, vulve pénis, urètre, région anale. Elle se produit en dehors des crises sans lésions visibles ni manifestations fonctionnelles, et elle pose des problèmes de prévention par contamination sexuelle.
Le zona thoracique (intercostal) est de loin le plus classique, le zona ophtalmique est plus fréquent chez le sujet âgé.
Les récidives sont-elles fréquentes ?
L’atteinte herpétique est caractérisée par ses récurrences fréquentes, souvent bénignes, mais qui ont des conséquences importantes sur la qualité de vie, particulièrement en cas d’atteinte génitale. Les symptômes sont moins importants que ceux de la primo-infection mais certaines récurrences sont supérieures à dix par an.
Un individu ne « fait » généralement qu’un seul zona dans sa vie mais des récidives peuvent se voir, surtout chez les immunodéprimés.
Quelles incidences chez le très jeune enfant ?
La primo-infection herpétique survient souvent pendant la petite enfance et elle peut donner lieu à des ulcérations de la cavité buccale. La gingivostomatite typique de l’enfant s’accompagne de fièvre mais la guérison est spontanée en une quinzaine de jours. L’herpès peut avoir des conséquences sévères voire mortelles quand il est contracté au moment de l’accouchement par le nouveau-né, mais le risque néonatal est faible en France (20 cas par an).
Le zona est très rare chez la femme enceinte. Une contamination fœtale par le virus de la varicelle ou une varicelle contractée dans les premiers mois de vie peuvent être à l’origine d’un zona précoce, mais l’affection reste rare avant l’âge de quatre ans et chez l’enfant immunocompétent elle ne présente pas de caractère de gravité.
Quelles sont les complications à redouter ?
L’infection herpétique pendant la grossesse est très préoccupante, elle fait courir un risque de dissémination pluriviscérale, neurologique ou cutanée pour le fœtus et la maman. La kératoconjonctivite aiguë est à redouter en cas d’herpès ophtalmique et ses récurrences imposent un suivi médical, l’herpès étant la première cause de cécité d’origine infectieuse.
La principale complication du zona est d’ordre algique : les douleurs très vives chez le sujet âgé et lors de localisations céphaliques peuvent perdurer de façon continue et irréversible pendant des mois voire des années. Les complications graves du zona surviennent chez les sujets immunodéprimés avec atteinte systémique et complications viscérales (pulmonaire, hépatique, encéphalique) et syndrome hémorragique. Le zona ophtalmique nécessite lui aussi une prise en charge spécialisée en urgence, compte tenu du risque de kératite et d’uvéite qui peut conduire à la perte fonctionnelle et même anatomique de l’œil concerné.
Quelles sont les mesures d’hygiène pour prévenir la contamination du virus HSV ?
L’herpès est une maladie très contagieuse et la contagion est possible dès l’apparition des signes précurseurs. Il existe un risque de transmission par auto-inoculation (à l’œil, à l’oreille), le simple fait de toucher un bouton de fièvre peut contaminer les doigts. D’où l’importance de règles d’hygiène strictes : bien se laver les mains, s’abstenir d’embrasser, de gratter les lésions, ne pas partager son linge de toilette, ses couverts. Ces mesures sont valables jusqu’à cicatrisation complète ainsi que les cinq jours suivants.
Comment éviter le risque de surinfection dans le zona ?
Pour calmer le prurit, il est conseillé de prendre des douches quotidiennes à l’eau fraîche ou tiède, et de se laver avec un pain dermatologique doux, surgras, sans antiseptique. Le risque de surinfection est prévenu avec des solutions aqueuses contenant de la chlorhexidine. Des pansements non adhésifs humides atténuent le contact douloureux avec les vêtements.
Quels examens et dans quel cas
Quand le patient présente un herpès ou un zona typique, un examen clinique suffit au diagnostic mais certaines formes imposent une confirmation virologique. Pour un diagnostic de certitude, l’isolement en culture cellulaire constitue la méthode de référence. Le prélèvement est réalisé sur des vésicules intactes ou des lésions récentes. Le diagnostic se fait par l’examen des cellules vésiculaires et recherche de l’antigène viral par immunofluorescence, ou encore PCR (polymérisation en chaîne) qui est une technologie de biologie moléculaire très sensible pour rechercher le génome viral.
Le jury de Consensus estime qu’il n’y a pas lieu de réaliser un examen sérologique à la recherche d’une infection par le VIH chez un sujet âgé souffrant d’un zona, mais cet examen peut être proposé à un sujet jeune dans la même situation. Un examen ophtalmique doit être systématique en cas d’atteinte ophtalmique.
Les traitements
Les traitements antiviraux sont virustatiques et n’agissent que sur des virus en phase de réplication active, ils ne permettent pas de les éradiquer.
Le traitement par voie orale chez un sujet immunocompétent est bien codifié dans les herpès cutanéomuqueux sans aborder la méningo-encéphalite.
- Le traitement des primo-infections repose sur les antiviraux. Dans l’herpès orofacial, le traitement par aciclovir (Zovirax), 200 mg cinq fois par jour, est entrepris pendant cinq à dix jours. Dans l’herpès génital, le traitement fait appel à l’aciclovir aux mêmes doses ou au valaciclovir (Zelitrex), 500 mg deux fois par jour pendant dix jours, la prise en charge de la douleur est associée.
- Dans les récurrences, le jury ne propose de traitement curatif qu’en cas de gêne importante et de risque de contagion. Quant au traitement préventif, les experts recommandent de ne traiter qu’en cas de récidives fréquentes (six par an) ou en cas de retentissement socioprofessionnel.
Le traitement antiviral du zona fait appel à trois molécules bien tolérées : le famciclovir (Oravir), le valaciclovir (Zelitrex) et l’aciclovir (Zovirax), les deux premières nécessitent moins de prises quotidiennes (trois contre cinq pour l’aciclovir).
- Chez le sujet immunocompétent, le traitement est instauré dans les 72 heures suivant le début de la phase éruptive chez le sujet de plus de 50 ans pour prévenir les douleurs PZT, et chez le sujet de moins de 50 ans présentant des facteurs prédictifs d’évolution vers des algies PZT (hors AMM). Il est poursuivi sur sept jours.
- Chez le sujet immunodéprimé, le recours à l’aciclovir par voie IV, toutes les huit heures pendant sept à dix jours, est recommandé en toutes circonstances et il ne faut pas hésiter à hospitaliser devant un zona sévère ou évoluant. Le patient doit apprendre à reconnaître les signes annonciateurs d’une récurrence zostérienne pour débuter le traitement le plus rapidement possible.
Comment traiter les atteintes oculaires ?
L’aciclovir (Zovirax 800) et le valaciclovir ont fait la preuve de leur efficacité dans la prévention des complications ophtalmiques du zona et de l’herpès à condition d’être prescrits précocement (dans les 48 heures pour l’aciclovir et les 72 heures pour le valaciclovir). La pommade ophtalmique aciclovir 3 % (Zovirax ou génériques) est prescrite en association dans la kératite herpétique. Le recours aux corticoïdes locaux est envisagé face à une kératite ou une uvéite antérieure (zona) ou en cas de nécrose rétinienne (herpès). Des collyres (Virophta), des larmes artificielles et des pansements oculaires atténuent l’inconfort optique.
Quelle est la place des traitements locaux ?
L’efficacité de l’aciclovir sous forme de crèmes dermiques 5 % tubes 10 g et 2 g (Activir, Herpevir, Remex), a été remise en question dans l’herpès par le jury du consensus. Malgré cet avis, il semble difficile de nier son intérêt pour accélérer la guérison, et les médecins continuent à les prescrire et les pharmaciens à les conseiller. Le traitement doit être initié dès la phase prodromique et pendant cinq à dix jours. En revanche, l’utilisation d’une solution antiseptique est controversée. Il ne faut surtout pas appliquer de topiques type crème, pommade, gel ou même talc sur les lésions du zona. Les antibiotiques, les antiviraux, les antiprurigineux et les anesthésiques topiques sont aussi fortement déconseillés.
Comment soulager les douleurs PZT ?
Il faut bien distinguer les douleurs nociceptives de la phase aiguë qui cèdent aux antalgiques de palier II (paracétamol-codéine-dextropropoxyphène ou tramadol, paracétamol-tramadol) ou de palier III notamment avec la morphine à très faible dose par voie orale ou parentérale. La corticothérapie est déconseillée en phase aiguë.
Les douleurs neuropathiques PZT ne sont pas soulagées par les antalgiques classiques et les AINS. Elles sont traitées par des antidépresseurs dont l’amitriptyline (Laroxyl), ou des antiépileptiques type carbamazépine (Tégrétol) gabapentine (Neurontin) ou prégabaline (Lyrica). Les traitements adjuvants combattent la fièvre (paracétamol ou ibuprofène) ainsi que le prurit avec des antihistaminiques H1 (Atarax, Polaramine) ou des plantes sédatives (Euphytose…). Une surinfection bactérienne des lésions est traitée par une antibiothérapie orale.
Quelles sont les perspectives vaccinales ?
Un vaccin pour la prévention de l’HSV est en cours d’étude. Actuellement, le vaccin anti-zona (Zostavax) n’est pas encore recommandé en raison des incertitudes sur la durée de protection et du risque de survenue d’un zona plus tardif mais il représente un espoir pour l’avenir.
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