C’est après avoir découvert, en 1965, que les cellules de sarcomes malins, contrairement à celles de fibroblastes normaux, croissaient sur de l’agar que le physiologiste Ray Bradley (1923-2013), à l’hôpital Peter MacCallum de Melbourne, essaya de cultiver des cellules hématopoïétiques issues de souris atteintes de leucémie lymphoïde.
Ayant échoué, il tenta de stimuler leur croissance en insérant divers types de cellules dans le milieu semi-solide. Il observa alors un phénomène qui l’intrigua : lorsqu’une suspension de cellules de moelle osseuse était incorporée à l’agar, il y avait bien croissance… non des cellules lymphomateuses mais des cellules hématopoïétiques.
Cette observation frappante conduisit Bradley et son associé Donald Metcalf (1929-2014) à poursuivre leurs études qui montrèrent que des substances diffusant des cellules leucémiques stimulaient la croissance des macrophages et/ou des granulocytes. Ils comprirent que la prolifération des cellules hématopoïétiques nécessitait une stimulation par un facteur encore inconnu et montrèrent en 1966 que le plasma contenait bien une substance favorisant la multiplication des cellules hématopoïétiques en culture : ils appelèrent alors ce facteur mystérieux « colony-stimulating factor » (CSF).
Au même moment et de façon indépendante, à l’Institut Weizmann de Tel-Aviv, Yasuo Ichikawa, Dov H. Pluznik et Leo Sachs (1924-2013) firent la même découverte, nommant quant à eux le facteur « mashran-gm » (de l’hébreu « qui rend fort » les granulocytes « g » et les macrophages « m »). On comprit à la fin des années soixante que la production physiologique de ce facteur augmentait en cas d’agression infectieuse ; Richard Stanley montra en 1971 qu’il était produit par tous les types de tissus.
Une purification difficile
Le développement de la chromatographie liquide haute pression, à partir du début des années 1970, permit d’envisager la purification des fractions contenant le facteur de croissance. Stanley et Metcalf isolèrent une fraction active de l’urine humaine en 1975 mais cette glycoprotéine, étrangement, se révéla active sur les seuls macrophages.
D’autres travaux permirent de comprendre qu’il existait en fait plusieurs facteurs de masse différente, ayant une activité plus ou moins sélective, qui furent caractérisés dans les années qui suivirent : un M-CSF (macrophages) et un GM-CSF (polynucléaires neutrophiles et macrophages) en 1977, un G-CSF en 1983 et un multi-CSF (en fait l’interleukine-3) en 1984.
Pour autant, il était alors impossible de les utiliser en clinique car leur purification demeurait extraordinairement difficile. Metcalf lui-même l’avoua : « Jamais nous n’aurions pu extraire assez de CSF, même du tissu le plus riche, pour l’injecter à une souris, et nous aurions dû travailler 250 ans pour produire de quoi faire une injection à un seul patient ».
Finalement, ces travaux aboutirent concrètement lorsqu’il fut possible de cloner les gènes régulant la production des CSF afin de produire ces facteurs en grande quantité, entre 1984 et 1986.
L’ADN cloné du G-CSF fut inclus dans Escherichia coli en 1985 et le facteur put ainsi être produit à l’échelle commerciale, sous forme recombinante. Testé en clinique en 1987 (l’un des premiers bénéficiaires du traitement fut le ténor José Carreras, victime d’une leucémie), il s’avéra d’une excellente efficacité dans la réduction des infections associées aux chimiothérapies anticancéreuses et fut commercialisé en 1991 : il s’agit du filgrastim (Neupogen, Nivestim, Ratiograstim, Tévagrastim, Zarzio) également présenté, depuis, sous une forme pégylée, le pegfilgrastim (Neulasta).
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