Les structures de soins en addictologie alsaciennes et badoises ont organisé une série de colloques sur la prise en charge des addictions dans leurs régions respectives, dont le dernier portait sur les « addictions en libre-service, tabac, alcool et médicaments ». Dans ce dernier domaine, l’exemple des benzodiazépines, certes connu depuis longtemps, illustre parfaitement les différences d’attitude face à certaines prescriptions. Même si leur consommation a baissé de près de 6 % entre 2012 et 2015, les Français occupent toujours la deuxième place en Europe dans ce domaine, derrière les Espagnols, et en consomment quatre fois plus que les Allemands. Cela ne signifie pas que ces derniers n’abusent pas eux aussi de produits psychotropes : selon les autorités sanitaires allemandes, 11 des 20 médicaments les plus vendus présentent un potentiel addictif, et un tiers de ces médicaments sont pris par habitude plus que par nécessité. 3,4 % des consommateurs d’antalgiques en sont dépendants, de même qu’un pour cent des utilisateurs de somnifères et 1,4 des consommateurs de tranquillisants, soit un total de 2,65 millions de personnes.
De profondes différences
Le Dr Christian Michel, médecin généraliste exerçant à la fois à Strasbourg et de l’autre côté du Rhin, note que même les médicaments faisant l'objet de mésusage sont différents entre la France et l’Allemagne : de ce côté-ci du fleuve, ce sont les benzodiazépines en général, et plus particulièrement le Zolpidem, qui dominent le tableau. En Allemagne, ce sont les opioïdes, et notamment le Fentanyl et l’Oxycontin, qui sont les plus fréquemment détournés. Par ailleurs, certaines drogues « importées » du Brésil, en particulier l’Aya Huasca d’Amazonie, forme « naturelle » de DMT, sont souvent utilisés dans le cadre de « célébrations » plus ou moins inspirées de leur modèle original. Et si le cannabis médical est légal en Allemagne depuis 18 mois, la consommation globale de cannabis y est bien moins forte qu’en France.
Comme l’explique Stéphane Robinet, pharmacien exerçant dans trois CSAPA (Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie) en Alsace et à Paris, il est important de connaître ces consommations, car les utilisateurs circulent beaucoup d’un pays à l’autre, avec des problématiques souvent différentes. Les prises en charge varient fortement, de même que leur accès : il est très difficile d’obtenir un traitement de substitution aux opiacés (TSO) en Allemagne, alors que les structures de soins françaises sont aisément accessibles. Les TSO sont d’ailleurs deux fois plus nombreux en France qu’en Allemagne. Aux différences nationales, s’ajoutent les habitudes de consommation des populations migrantes, dont certaines peuvent être déroutantes, à l’image de l’usage extrême des opiacés par les communautés géorgiennes. Pour l’association strasbourgeoise « Action Sida Ville », à l’origine de ces journées, il est important d’aller plus loin dans ces travaux communs. Ceux-ci, enfin, se sont poursuivis par une réflexion sur les addictions et les genres, mettant notamment en avant les spécificités des addictions féminines, plus souvent et plus longtemps marquées par le déni que celles des hommes. Pour les soignants responsables de microstructures de soins d’addictologie, ces dernières sont justement mieux adaptées aux femmes, car sont plus « discrètes » qu’un véritable centre d’accueil, clairement identifié comme tel.
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