Une fois le travail parvenu à dilatation complète, vaut-il mieux commencer les efforts de poussée sans tarder ou laisser du temps au temps ? En l’absence de données scientifiques déterminantes, les pratiques opposées entre la France et les Anglo-saxons taraudent les acteurs de terrain de part et d’autre de l’Atlantique.
Alors que le Dr Camille LeRay de l’hôpital Port-Royal a présenté récemment les résultats d’une étude française à ses pairs du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), des Américains publient dans le « JAMA » les conclusions d’une étude randomisée chez 2 414 femmes nullipares sous péridurale.
Résultat, le taux de naissances spontanées, c’est-à-dire non instrumentales, n’est pas significativement différent entre les deux stratégies, avec dans le « JAMA » un chiffre de 85,9 % pour les poussées immédiates et de 86,5 % pour les poussées différées. Sur 5 des 9 critères secondaires définis, aucune différence n’a été constatée, notamment sur la morbidité néonatale et les déchirures périnéales.
Les poussées à la française
« En France, la pratique est de faire pousser les femmes à dilatation complète de façon forte avec la manœuvre de Vasalva à glotte fermée, explique le Pr Philippe Deruelle, gynécologue-obstétricien à Lille et membre du CNGOF. Dans les pays anglo-saxons, aux États-Unis, au Canada ou encore au Royaume-Uni, c’est différent. Les femmes poussent quand la tête est bien descendue, l’effort est plus prolongé et moins intense ».
Dans ses recommandations sur l’accouchement normal de 2017, la Haute Autorité de santé (HAS) a pris position pour un entre-deux penchant plutôt du côté tardif. Les efforts expulsifs tardifs (EET) correspondent au fait d’attendre la descente spontanée de la tête fœtale et l’apparition de la tête à la vulve ou l’envie impérieuse de pousser, avait rappelé l’agence. Les efforts expulsifs précoces (EEP) correspondent au fait de pousser dès dilatation complète lors de la 2e phase de travail.
Un dogme qui a commencé à bouger
À contre-courant de la « poussée à la française », la HAS a recommandé de « ne pas débuter les efforts expulsifs dès l’identification d’une dilatation complète mais de laisser descendre la présentation du fœtus » et d’ajouter aussitôt « afin de diminuer la durée des efforts expulsifs et le taux de naissance opératoire (césarienne ou extraction instrumentale), il est conseillé, si l’état maternel et fœtal le permettent, de débuter les efforts expulsifs en cas d’envie impérieuse de pousser ou lorsque la présentation a atteint au moins le détroit moyen ».
Dans l’étude américaine, le délai était de 1 heure après dilatation complète dans le groupe des poussées différées. L’âge moyen de ces femmes nullipares était de 26,5 ans et le terme de l’accouchement était de 39,5 semaines d’aménorrhée. À noter en passant que l’indice de masse corporelle (IMC) moyen était en moyenne > 30, et près de la moitié des femmes étaient obèses (IMC > 30). Environ 6 % des femmes étaient diabétiques (type 1 ou 2). Le poids moyen des bébés à la naissance était de 3 270 g.
Un peu plus d'hémorragies et d'infections
Parmi les critères secondaires, quelques différences sont ressorties. Des constats tombent un peu sous le sens tels qu’une durée plus courte de la seconde phase de travail (102 versus 134 minutes en moyenne) en cas de poussées immédiates mais au prix d’une durée plus longue de phase active (83,7 versus 74,5 minutes).
D’autres moins, même s’ils étaient attendus dans le groupe des poussées différées : davantage de chorioamniotites (9,1 % versus 6,7 %) et d’hémorragie du post-partum (4,0 % versus 2,3 %). « C’est très bien connu qu’un travail long est un facteur de risque d’hémorragie et d’infection, commente Philippe Deruelle. La poche des eaux est rompue plus longtemps, les examens manuels sont plus fréquents. »
Comment intégrer ces nouveaux résultats dans la pratique ? « Les deux méthodes sont intéressantes, estime le Pr Deruelle. Aujourd’hui, il n’y a pas d’argument médical pour préférer un type d’accouchement à un autre. Il faut poursuivre les études, peut-être qu’il existe des différences dans des sous-groupes. Sans doute qu’il faut aller vers une discussion avec les femmes en amont et déterminer avec elles leurs préférences. Mais avant cela, les professionnels doivent passer par une phase d’apprentissage et s’approprier les différentes techniques, cela demande du temps. »
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