En mars dernier, le ministère de la Santé a lancé un portail visant à simplifier et favoriser le signalement des événements sanitaires indésirables afin d’améliorer la sécurité et la qualité des soins, en impliquant davantage les professionnels mais aussi les premiers concernés, les patients.
Encourager la déclaration par les patients des effets indésirables liés à leurs traitements, est un signe de respect pour les personnes malades, et une invitation concrète à la pratique d’une démocratie sanitaire participative dont plusieurs crises sanitaires nous rappellent l’importance.
En cancérologie, les médicaments, longtemps réservés à l’usage hospitalier, aux toxicités spectaculaires - vomissements, perte de cheveux - sont maintenant souvent pris au domicile, par voie orale pendant des mois voire des années.
Avec l’usage croissant des thérapies ciblées, la « sous-déclaration » des effets secondaires risque d’être particulièrement pénalisante. Si ces thérapies ont modifié la prise en charge et le pronostic de plusieurs cancers, leurs effets secondaires, peu classiques, sont souvent sous estimés. Leurs mises sur le marché par des procédures accélérées (1), fondées sur les données de petits nombres de patients, traités à court terme, nous fournissent peu d’informations sur leur tolérance à long terme.
Les professionnels de santé vivent le signalement comme une lourdeur bureaucratique supplémentaire, voire inutile quand les effets secondaires sont connus et gérables. De leur côté, les patients supportent ces effets secondaires comme une fatalité, « qu’il faut bien endurer », si cela leur sauve la vie. Par trop de complaintes certains patients craignent d’affecter leur relation avec le médecin, qui leur donne accès aux traitements réputés les plus efficaces. Le ressenti des patients est fréquemment sous-estimé. Cette dissymétrie peut nuire à la confiance essentielle à une thérapeutique optimale mais aussi exposer les patients à des états morbides iatrogènes potentiellement sévères.
Démocratie participative de proximité
Les chiffres de surveillance (2) de 2015 invitent à améliorer les signalements de pharmacovigilance. En 2015, 38 779 déclarations de pharmacovigilance ont été notifiées à l’ANSM dont 2 084 émanaient de patients (5 % du total) ; et seulement 6 242 d’entre elles concernaient des effets secondaires d’anticancéreux (16 % du total), et 75 seulement émanaient de patients (1,2 % des 6 242 déclarations). Et pourtant ces produits ne sont pas réputés pour leur bonne tolérance…
Face à ces multiples défis, et considérant le désir croissant et légitime de nombreux patients d’être mieux associés à leur prise en charge, nous avons expérimenté sur le site de l’Institut Paoli-Calmettes, une nouvelle approche de la surveillance des anticancéreux par les patients eux-mêmes : en les incitant à déclarer leurs effets secondaires auprès des autorités sanitaires, avec l’aide d’un personnel infirmier et/ou de patients bénévoles formés à ces pratiques.
Grâce à cette approche proactive lancée en 2015, plus d’une centaine de signalements ont été faits par nos patients, un résultat très significatif en comparaison des données nationales antérieures.
Cette expérience concrète de « démocratie participative de proximité » montre que cette approche est pertinente et réaliste, moyennant un engagement symétrique et réactif des professionnels. Cet engagement mutuel mobilisé vers les systèmes collectifs de surveillance pourrait permettre d’optimiser la tolérance des traitements du cancer et par là, leur accès et leur observance.
1) En 2015, 40 nouvelles entités ont été approuvées aux USA par la Food and Drug Administration (FDA), un record (!), dont une majorité de molécules anti-cancéreuses.
2) Données issues de la base nationale de pharmacovigilance, Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé
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