On l’oublie souvent, mais le sulfate de zinc, obtenu par la dissolution de zinc métallique dans de l’acide sulfurique dilué, demeura longtemps administré comme émétique, à la suite notamment des observations du célèbre Paracelse, qui l’appelait « Gilla Theophrasti » (de l’arabe « sel » : le sel de Théophraste), mais surtout de celles d’un médecin hollandais, Franciscus de le Boë (1614-1672), au XVIIe siècle. Deux siècles plus tard, il restait même tenu comme le meilleur des émétiques à une époque où les intoxications à l’opium, banales, justifiaient l’emploi régulier de vomitifs : cette utilisation perdura jusqu’au début du XXe siècle.
Sous sa forme oxydée (« zincite »), insoluble dans l’eau, le zinc était appliqué en onguent pour ses vertus dessiccantes : il est toujours apprécié dans ce contexte et les pommades à l’oxyde de zinc constituent encore de nos jours une préparation classique de la pharmacie.
D’autres usages nous étonneront donc bien plus désormais. Ainsi, au début du XVIIe siècle, l’alchimiste hollandais Johan Christoffel Ludeman (1683-1757) traitait spasmes et convulsions par une panacée secrète qu’il appelait « luna fixa ». Le mystère en fut éclairci par un médecin allemand, Jérôme David Gaub dit Gaubius (1705-1780), qui constata alors qu’il exerçait à Leyden, le succès « miraculeux » de la préparation de Ludeman contre les convulsions de l’enfant, et qui, surtout, comprit que l’alchimiste avait présenté comme remède secret… de l’oxyde de zinc. En prescrivant lui-même fréquemment, il en fit l’apologie dans son Adversariorum varii argumenti publié en 1771. De fait, ce médicament bien toléré resta administré à l’épileptique jusqu’au milieu du XIXe siècle, à des doses étonnamment conséquentes : le médecin hollandais Jakob Schroeder von der Kolk (1797-1862) en donnait ainsi jusqu’à près de 2 g/j (« flores zinci ») à ses patients comitiaux. À Paris, Théodore Herpin (1799-1865) avait la prescription encore plus généreuse puisqu’elle allait jusqu’à près de 5 g/j de zinc élément ! Le recours à cette pratique fut abandonné avec la découverte des barbituriques à la fin du XIXe siècle.
Une thèse de médecine
Ce métal connut une nouvelle carrière lorsqu’un étudiant en médecine hollandais, Gerritt Schouwink (1926-1999), inspiré par des observations faites par des vétérinaires sur des moutons victimes d’empoisonnement chronique au cuivre, suggéra dans sa thèse (1961) que le sulfate de zinc réduisait les dépôts de cuivre dans les tissus de patients atteints d’une affection neurologique orpheline rare, la maladie de Wilson, en empêchant son absorption et en favorisant donc son élimination fécale directe. Il en traita quelques-uns avec succès mais son travail resta relativement méconnu. Il fut repris plus tard par un autre neurologue hollandais, Tjaard U. Hoogenraad, sans réel succès non plus. Finalement, ce fut un Américain de l’université du Michigan, George J. Brewer, qui étudia réellement la cinétique du sulfate de zinc au milieu des années 1980 et finit par en rationaliser l’utilisation dans la maladie de Wilson - malgré le scepticisme tenace de beaucoup de ses pairs alors attaché à la prescription de D-pénicillamine.
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