Organisé chaque année depuis 5 ans à Strasbourg par l’Union francophone pour les cannabinoïdes en médecine (UFCM-I care) et l’association Action SIDA Ville, un colloque international permet de faire le point sur les questions juridiques et médicales posées par le cannabis. Après des années d’hésitation, l’Allemagne, qui autorisait déjà les prescriptions de dronabinol, de nabilone et, plus récemment, de Sativex en spray, autorisera au printemps printemps prochain tous les médecins à prescrire des fleurs de cannabis, à l’image de celles produites aux Pays-Bas sous la marque Bedrocan. Ces prescriptions sont certes déjà possibles, mais ne concernent que 900 patients dans tout le pays, car elles exigent une autorisation préalable, dûment justifiée, de l’Office fédéral des stupéfiants : un parcours du combattant pour les prescripteurs comme pour les patients, qui, de plus, doivent commander le médicament à l’étranger. La fin de cette autorisation préalable, estiment les médecins, permettra enfin à ces prescriptions de se développer.
Le Bedrocan, ou son équivalent, sera disponible en pharmacie. Il sera remboursé au patient, si son médecin fait la preuve qu’il a remplacé, avec un succès, un traitement « classique » n’ayant pas fonctionné. Les médecins redoutent toutefois des polémiques infinies avec les caisses lors des demandes de remboursement, et souhaiteraient un dispositif plus clair. Les pharmaciens, eux, se sont déjà formés à cette nouvelle mission, et délivreront le médicament dans les mêmes conditions que n’importe quelle autre prescription. L’Allemagne va, de plus, produire du cannabis médical, afin de ne plus dépendre des importations hollandaises, canadiennes ou tchèques.
Bricolage et tambouilles
L’absence de cadre légal en France, en dehors des autorisations temporaires d’utilisation (ATU) pour quelques spécialités, dont le Marinol, pousse au contraire les patients désireux d’utiliser du cannabis à se débrouiller seuls, hors de tout cadre officiel. Professeur de pharmagnosie à la faculté de pharmacie de Strasbourg, Annelise Lobstein s’est intéressée au cannabis médical que recherchent les patients sur Internet… avec des résultats surprenants, voire inquiétants. Alors que tout usage médical nécessite une standardisation de la composition et du protocole de traitement, explique-t-elle, le cannabis proposé en ligne se distingue par son immense variété, tant en matière de composition, de dosage, de production que de mode d’administration. Tout cela favorise le « bricolage artisanal », et les « tambouilles » des néophytes, par exemple en matière d’extraction, aboutissent parfois même… à une destruction du principe actif.
Les produits tout prêts offrent a priori une meilleure qualité, dès lors qu’ils proviennent de laboratoires sérieux. Dans tous les cas, conclut-elle, « l’automédication en matière de cannabis est particulièrement difficile à gérer ». Point positif en revanche, les consommateurs sont de plus en plus nombreux à utiliser des vaporisateurs, moins toxiques que les joints, et par ailleurs plus efficaces.
Légalisation et contrôles
Pour les partisans du cannabis médical, cette situation montre qu’une véritable standardisation passe par la légalisation et les contrôles officiels. En Israël, les pharmacies apprennent même aux patients à préparer eux-mêmes leur cannabis, relevait un participant. Par ailleurs, la Pharmacopée européenne envisage de rédiger une monographie sur le cannabis, ce qui clarifierait aussi la situation au niveau européen, a souligné un pharmacien suisse.
Si la liste des pays autorisant la prescription de cannabis s’allonge, avec, depuis le 1er octobre, l’autorisation faite aux pharmaciens autrichiens de délivrer du cannabiodol (CBD), c’est-à-dire la partie non psychoactive du chanvre, la libéralisation du cannabis ne signifie pas forcément l’essor du cannabis médical. En Espagne, constate l’Observatoire espagnol pour le cannabis médical, l’usage récréatif du cannabis est tellement répandu que personne ne s’intéresse vraiment à son intérêt thérapeutique, une situation qu’il tente justement de faire évoluer. De plus, les médicaments à base de cannabis n’y sont disponibles que dans les pharmacies hospitalières, et au prix fort.
Les dernières barrières
Enfin, la journée s’est achevée sur une réflexion prospective sur le cannabis médical en France et dans le monde. Selon Renaud Colson, professeur à la faculté de droit de Nantes, l’assouplissement international des législations sur le cannabis récréatif, notamment dans plusieurs États américains, mais aussi en Amérique du Sud et en Europe, combiné à la prise en compte croissante des demandes des patients dans l’élaboration des politiques de santé contribueront, dans un avenir relativement proche, à faire tomber les dernières barrières nationales sur le sujet. En attendant, rappelle-t-il, les patients français qui se font prescrire du cannabis par un médecin, dans un pays où cela est permis, ont le droit de l’acheter dans une pharmacie qui en délivre, et de le ramener chez eux, à condition que la dose qu’ils transportent corresponde strictement à la prescription qui leur a été faite.
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques