« Nos résultats révèlent à la fois des biomarqueurs potentiels permettant d’identifier le cancer colorectal festonné et une association thérapeutique prometteuse pour ce sous-type de cancer », se félicite le Pr Jorge Moscat, directeur du Programme métabolisme et signalisation du cancer à l’Institut Sanford Burnham Prebys (La Jolla, CA) et principal signataire de l’étude publiée dans la revue « Immunity ». En outre, « le modèle souris que nous avons développé reflète plus fidèlement la maladie humaine, une étape importante qui pourrait contribuer à offrir de nouveaux aperçus sur ce cancer funeste », explique-t-il.
Environ 15 à 30 % des cancers colorectaux se développent à partir de lésions ou adénomes dits « festonnées », selon une voie de carcinogenèse distincte de la voie conventionnelle. Ces adénomes particuliers sont souvent aplanis et localisés dans le colon droit, ce qui les rend difficiles à détecter par les méthodes actuelles de dépistage. Or ces lésions sont susceptibles de se développer en une forme agressive du cancer colorectal, résistante au traitement. D’où l’importance de mieux les dépister, notamment à l’aide de biomarqueurs.
Déficit épithélial
L’équipe du Pr Moscat a récemment découvert que la protéine kinase C lambda/iota (PKC lambda/iota) régule l’inflammation intestinale dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), comme la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique (RCH). La PKC lambda/iota est essentielle à la différenciation des cellules de Paneth et freine la mort cellulaire dans l’épithélium intestinal. Dans la maladie de Crohn, son taux diminue dans les cellules de Paneth au fur et à mesure de la progression de la pathologie. De faibles taux de PKC lambda/iota sont corrélés à des survies moindres.
On sait que les patients atteints de MICI sévères ont un risque élevé de développer un cancer colorectal. Toutefois, l’équipe a montré que l’inactivation génétique de la PKC lambda/iota dans l’épithélium intestinal de la souris n’entraîne pas de cancer colorectal. En revanche, dans leur nouvelle étude, les chercheurs ont constaté, toujours chez le rongeur, que l’inactivation génétique simultanée de deux protéines kinases C atypiques, la PKC lambda/iota et la PKC zeta, entraîne le développement d’adénomes festonnés sessiles dans l’intestin grêle et le colon, et que bon nombre de ces adénomes évoluent vers un adénocarcinome agressif, caractérisé par un microenvironnement (ou stroma) immunosuppresseur et réactif.
Le déficit épithélial en PKC lambda/iota entraîne une mort cellulaire immunogène et l’infiltration de lymphocytes T CD8, inhibant le développement tumoral. Mais lorsque la perte de la PKC zeta s’ajoute à ce déficit en PKC lambda/iota, les réponses de l’interféron et des lymphocytes T CD8 sont perturbées, ce qui permet le développement tumoral. Enfin, les chercheurs ont montré qu’un traitement associant un inhibiteur du récepteur TGF-β (désactivant le stroma) et un inhibiteur de point de contrôle anti-PD-L1 (levant l’immunosuppression) peut réduire le nombre et la taille des tumeurs chez la souris.
Confirmation chez l'homme
Qu’en est-il chez l’homme ? À partir d’échantillons de tumeurs festonnées provenant de patients affectés de MICI (Crohn et RCH), l’équipe a confirmé la baisse d’expression des 2 PKC atypiques. « Nos résultats indiquent que les patients atteints de MICI pourraient bénéficier d’un dépistage accru des adénomes festonnés sessiles. Doser le taux des 2 PKC atypiques lors du diagnostic initial de la MICI pourrait en outre fournir un potentiel biomarqueur pour ces patients à haut risque de cancer colorectal festonné », notent les auteurs.
« Chez les patients souffrant de MICI et présentant des taux réduits de PKC lambda/iota, la perte de l’immunosurveillance pourrait constituer le coup de grâce dans leur ligne de défense contre le cancer, remarque le Pr Maria Diaz-Meco (SBP, La Jolla), signataire de l’étude. De plus, les patients sont actuellement traités par des immunosuppresseurs. Puisque nous montrons que la perte de la surveillance immune entraîne le cancer colorectal, il nous faut mieux comprendre quel rôle joue le système immunitaire dans la progression de la MICI vers le cancer colorectal ».
(1) Y. Nakanishi et al., Immunity, 10.1016/j.immuni.2018.09.013, 2018.
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