UNE BONNE nouvelle vient de France, de Nice exactement, où l’équipe de Paul Hofman (hôpital Pasteur) a pu diagnostiquer des tumeurs pulmonaires encore invisibles à l’imagerie. On sait que la carcinogenèse s’accompagne rapidement de la diffusion de cellules cancéreuses par voie sanguine : ainsi, une tumeur inframillimétrique libère déjà des quantités importantes de cellules dites « sentinelles », et ce d’autant plus qu’il s’agit d’un cancer à fort potentiel invasif (c’est le cas du cancer du poumon), et l’on estime que chaque gramme de tissu malin libère quotidiennement un million de cellules dans le flux sanguin. C’est précisément ce caractère invasif qu’a mis à profit Paul Hofman, qui y voit le « talon d’Achille » de la tumeur…
Des cellules malignes chez 3 % des patients.
Son étude interventionnelle prospective monocentrique a inclus 245 patients de juin 2008 à avril 2012. 168 d’entre eux présentaient une BPCO et 77 non (dont 35 sujets non-fumeurs en bonne santé et 42 sujets fumeurs ne présentant aucune anomalie pulmonaire détectable cliniquement). Un échantillon de 10 ml de sang de chaque patient a été soumis à une filtration préalable par la technique ISET (Isolation by size of epithelial tumor cells), consistant à « tamiser » le sang (soit tout de même ici quelque 50 milliards de cellules !) pour recueillir sur une membrane de polycarbonate les cellules ou amas cellulaires› 8µ. Ces éléments ont été étudiés après coloration au May Grünwald Giemsa et par immunochimie par une double réaction reposant sur une détection par des anticorps dirigés contre deux types de protéines filamentaires : des Ac anti-cytokératine (marqueur diagnostic de divers types de cancers) et des Ac anti-vimentine (marqueur de transition épithéliomésenchymateuse dans le CPNPC). Des cellules malignes parfaitement caractérisées ont été détectées chez 3 % des patients atteints de BPCO (soit 5 sujets : la présence de cellules cancéreuses était significativement corrélée à la sévérité de la BPCO). Un suivi tomographique annuel a permis de détecter chez tous ces patients, entre 1 et 4 ans après la mise en évidence des cellules cancéreuses circulantes, une tumeur pulmonaire d’une taille comprise entre 1,4 et 2 cm (moyenne à 1,7 cm ; stade IA dans tous les cas), absolument identique au plan phénotypique aux cellules antérieurement isolées du sang et qui a fait l’objet d’une simple exérèse chirurgicale. Ces patients n’ont présenté jusqu’à présent aucune récurrence. Des cellules présentant des anomalies morphologiques bénignes ont été détectées chez 3 autres patients : ni ceux-ci, ni aucun des 160 autres patients, chez lesquels aucune cellule anormale a été isolée, n’ont développé de nodule pulmonaire dans les 5 années de suivi.
Cette approche diagnostic constitue un progrès formidable vis-à-vis d’un cancer hautement invasif car, si les cellules sentinelles restent parfois longtemps quiescentes avant d’acquérir soudainement leur pouvoir métastatique, elles peuvent aussi, inversement, être le germe de foyers métastatiques avant que la tumeur primaire soit cliniquement détectable. Il est ici possible de surveiller les patients et d’intervenir dès le premier stade de cancérisation « clinique ».
Métastases : un processus unique.
S’agissant du caractère invasif des cellules sentinelles, des progrès importants ont également été publiés récemment. M.K. Jolly et E. Ben-Jacob, de l’université Rice (Houston, Texas), ont cartographié le processus permettant à une cellule maligne de devenir métastatique : il s’agit du circuit gouvernant la transition épithéliomésenchymateuse qui devient réversible dans les populations cancéreuses avec la formation d’éléments hybrides, intermédiaires entre tissu épithélial et tissu mésenchymateux, particulièrement adaptables à diverses conditions environnementales, et capables de migrer puis de coloniser d’autres tissus pour y donner des métastases. Ce processus semblant commun à tous les modèles tumoraux, leurs travaux ouvrent la porte à la conception de médicaments susceptibles d’inhiber un enchaînement que l’on sait être à l’origine de 90 % des décès par cancer.
Redevenir simplement mortelle.
Enfin, Henning Walczak (UCL Cancer Institute, Londres) a présenté au congrès de cancérologie organisé par le NCRI à Liverpool (2-5 novembre) une combinaison anticancéreuse réinitialisant le processus naturel d’autodestruction cellulaire dont l’inhibition explique l’« immortalité » des cellules malignes : l’association d’un agoniste du récepteur TRAIL (TNF-related apoptosis-inducing ligand) et d’un inhibiteur CDK9 induit l’apoptose sélective des cellules cancéreuses en respectant les cellules saines. Cette voie thérapeutique innovante, expérimentée pour le moment sur des cultures de cellules de cancers du poumon et chez l’animal, pourrait s’appliquer à d’autres types de tumeurs. Pour Henning Walczak, il ne fait désormais plus aucun doute que 75 % des cancers pourront être guéris d’ici une vingtaine d’années.
Jolly M.K. et al. (2014) Towards elucidating the connection between epithelial-mescenchymal transitions and stemness. J. Royal Soc. Interface, 11(101).
Cancer Research UK. Scientists trigger self-destruct switch in lung cancer cells. ScienceDaily, 30 oct. 2014.
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