DEPUIS PLUS de dix ans, Chang Xian Zhang et ses collaborateurs lyonnais* cherchent activement à comprendre l’origine de certaines tumeurs endocrines du pancréas et notamment les fonction du gène Nem1 (Men1 en anglais, qui code la protéine ménine). C’est un gène suppresseur de tumeur qui, lorsqu’il est inactivé, conduit à un syndrome nommé « Néoplasies Endocrines Multiples de type 1 » (NEM1, d’où le nom du gène Nem1). Ce syndrome comporte l’apparition de plusieurs types de tumeurs endocrines : pancréatiques, parathyroïdiennes et hypophysaires.
Des tumeurs malignes d’îlots sont la cause de décès chez les patients souffrant d’un NEM1. Des altérations spécifiques de Nem1 chez des souris, qui provoquent le développement d’insulinomes, ont confirmé le rôle de la ménine en tant que suppresseur de tumeur dans ces cellules.
Les tumeurs endocrines pancréatiques sont particulièrement complexes. Notamment, on ne comprend pas pourquoi plus d’un tiers d’entre elles cont composées de cellules qui sécrètent plusieurs hormones, ce qui n’est évidemment pas le cas des cellules normales. Quelles sont leurs origines cellulaires ? Il existait différentes hypothèses.
« Élucider le processus de l’apparition et du développement de ces tumeurs est la clé pour mieux les maîtriser, améliorer leur diagnostic, affiner le pronostic ainsi que le suivi médical, voire le traitement du cancer du pancréas », estiment Chang Xian Zhang et coll.
Pour étudier leur origine, les chercheurs ont utilisé des modèles murins chez qui on a réalisé une ablation du gène Nem1 spécifique des cellules alpha. Ce qui conduit au développement d’insulinomes, de glucagonomes et de tumeurs d’îlots. « Ainsi, de façon très surprenante, ces souris développent non seulement des tumeurs de cellules alpha (ce qui est logique puisqu’on a supprimé le gène suppresseur de tumeur alpha), mais également des tumeurs de cellules bêta sécrétant l’insuline, ainsi que des tumeurs mixtes sécrétant les deux hormones », soulignent-ils.
Un phénomène de transdifférenciation.
Ainsi, ils mettent en évidence l’implication dans la tumo?rogenèse d’un phénomène de transdifférenciation des cellules alpha (sécrétant le glucagon) en cellules bêta (sécrétant l’insuline). À l’aide de plusieurs méthodes d’analyse, ils montrent une chronologie : l’inactivation du gène Nem1 spécifique des cellules alpha conduit dans un premier temps à la prolifération des cellules alpha, puis celles-ci se transforment en cellules sécrétant l’insuline. D’ailleurs, des cellules partageant des caractères à la fois des cellules alpha et bêta ont été identifiées peu de temps après l’apparition des cellules alpha-déficientes en ménine, mais bien avant la croissance tumorale.
« Ce phénomène de transdifférenciation rend compte du développement de tumeurs à la fois des cellules alpha et bêta, ainsi que des tumeurs mixtes. Le gène Nem1 joue donc un rôle important non seulement dans la croissance des cellules alpha pancréatiques, mais aussi dans le contrôle de la plasticité de ces cellules. »
Si l’on connaît bien le rôle de la ménine dans la régulation du développement des îlots de cellules bêta-pancréatiques, son implication vis-à-vis des cellules alpha demeure obscure. Cette étude apporte un éclairage.
« De plus, étant donné les besoins qui existent en terme de traitement de remplacement cellulaire dans le diabète, nous estimons que la modulation de la plasticité des cellules alpha devrait être explorée, pour développer des stratégies alternatives pour la régénération des cellules bêta. »
Il arrive parfois que les résultats d’une recherche ouvrent des perspectives inattendues. Ce fut le cas pour ces chercheurs. Leurs travaux sur les tumeurs endocrines pancréatiques pourraient être profitables à la recherche sur le développement de traitements contre le diabète.
* Laboratoire de génétique moléculaire, signalisation et cancer, centre Léon-Bérard (dirigé par Marc Billaud) Inserm CNRS, université Lyon-1 Claude-Bernard.
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