LA CONNAISSANCE des médicaments associés aux thérapies ciblées est importante pour l’équipe officinale, car nombre de ceux-ci, disponibles en ville, présentent un maniement « délicat ». Et s’ils ne le sont pas, les patients qui les reçoivent périodiquement à l’hôpital peuvent avoir besoin de conseils une fois de retour chez eux. Même s’il reste encore du chemin à parcourir, ces médicaments sont en passe de transformer le cancer en une maladie chronique.
Ainsi que l’a rappelé en introduction le Pr Alain Gouyette (faculté de Pharmacie Paris XI), le développement des thérapies dites ciblées est étroitement lié aux progrès réalisés dans les mécanismes intimes impliqués dans les « conversations » entre la cellule tumorale et les cellules de son environnement, qui jouent un rôle clé dans le blocage des phénomènes apoptotiques, les résistances aux traitements, la néoangiogénèse et la dissémination métastatique. Ainsi qu’en ce qui concerne les complexes voies de signalisations intracellulaires des messages générés par l’activation des récepteurs (notamment de nombreux facteurs de croissance) situés au niveau de la membrane cellulaire, qui se déclinent dans de multiples cascades d’événements entremêlés.
Au départ les anticorps monoclonaux…
Trois grands types de stratégies ont été mis en œuvre : utilisation d’anticorps monoclonaux pour bloquer la partie extracellulaire du récepteur, neutralisation du ligand ou de « petites molécules » de synthèse agissant sur les cascades intracellulaires des voies de signalisation.
De nombreux anticorps monoclonaux ont été développés à ce jour, notamment ceux visant le récepteur du facteur de croissance HER2, présent dans certains cancers du sein (trastuzumab-Herceptine), et le cétuximab-Erbitux ciblant le récepteur du VEGF, (facteur de croissance épithélial) dans le cancer colique. L’aflibercept, quant à lui, véritable « éponge » à VEGF actuellement en phase III, il pourrait être mis à disposition en cours d’année.
Ces produits ont, en général, des demi-vies assez longues, autorisant des administrations espacées, par exemple 21 jours pour le bévacizumab-Avastin et 17 jours pour l’aflibercept.
... puis les inhibiteurs de tyrosine kinases.
L’imatinib-Glivec a été le premier représentant de la classe des tyrosine kinases, la kination étant synonyme de phosphorylations intracellulaires dont le dérèglement est étroitement associé au processus tumoral. Il représente un modèle de développement centré sur la sélection de molécules capables d’inhiber spécifiquement le gène de fusion bcr/abl (chromosome Philadelphie), cause essentielle de la leucémie myéloïde chronique.
Cette famille a ouvert un nouveau chapitre de la cancérologie. En effet, ces médicaments sont actifs par voie orale, sont efficaces notamment dans des cancers « orphelins » (rein, estomac, pancréas…) antérieurement pauvres en moyens thérapeutiques, apportent une meilleure qualité de vie aux patients, notamment, en leur permettant de rester à leur domicile, sont – relativement – bien tolérés (voir plus loin), ne présentent pas de résistance croisée avec la radiothérapie et l’hormonothérapie et sont compatibles avec une administration à long terme.
La mise au point d’inhibiteurs multicibles, inhibant notamment la néoangiogénèse (sunitinib-Sutent, sorafénib-Nexavar) a permis d’élargir les indications et de contourner les mécanismes de résistance.
Observance et effets indésirables.
L’éducation du patient revêt une importance cruciale avec ce type de médicament, a souligné le Pr Gouyette, notamment en ce qui concerne leur plan de prise, différent d’un produit à l’autre. Dans une étude américaine, l’observance vis-à-vis de l’imatinib est passée de près de 100 % durant les 4 premiers mois, à 94 % au 5e mois et seulement 23 % au 14e. Faire une « piqûre de rappel » à chaque délivrance n’est donc sans doute pas inutile.
L’identification, la prévention et la prise en charge des effets indésirables représentent, bien entendu, des dimensions essentielles du traitement.
C’est ainsi que les anticorps monoclonaux exposent surtout à des réactions allergiques et à divers types de toxicités cutanées : rash, folliculite, « acné » (attention : ne correspondant pas à une acné authentique, le traitement en est différent) au niveau du visage et/ou du dos, prurit, sécheresse cutanée, atteintes des phanères (saignements autour des ongles…).
La toxicité des inhibiteurs des tyrosine kinases n’est pas aussi homogène qu’on pourrait le penser, même si l’hypertension artérielle et les nausées/vomissements sont communément observées, et il existe des différences significatives selon le produit.
Conséquence de leur impact sur la circulation, l’hyperkératose peut être très handicapante, tant aux mains qu’aux pieds, d’où l’importance des conseils dispensés par les pédicures-podologues. Il faut aussi savoir que certains effets indésirables, comme l’alopécie avec blanchiment des cheveux, sont prédictifs de l’effet antitumoral.
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques