« LE CANCER n’est pas une maladie comme une autre. (...) Son image reste plus inquiétante que celle de maladies au pronostic équivalent. Elle véhicule encore beaucoup de peurs et reste crainte par la majorité des Français. » Ce sont peut-être ces raisons évoquées dans le rapport de la MIVILUDES qui motivent les malades à se tourner vers des méthodes thérapeutiques alternatives. Ce n’est pas un problème en soi : « Ces pratiques peuvent avoir un effet placebo et provoquer chez le patient une sensation de bien-être », reconnaît la mission. Mais cela le devient dès lors que la thérapie complémentaire se substitue aux traitements classiques qui ont fait leurs preuves. « Préconiser ou encourager un traitement non conventionnel pour soigner un cancer compromet les chances du malade d’éviter l’aggravation de son état. » Et c’est cette situation qui est le cœur de cible de ce rapport 2010.
Car elle peut se révéler mortelle. Ce fut le malheur notamment de Nicole S, que son frère a relaté à l’organisme interministériel. Maman de 41 ans, elle est frappée par un cancer en 2003 et entreprend une chimiothérapie avec des succès visibles. Mais lorsque les médecins décident de l’opérer, effrayée, elle s’en remet à la théorie de Ryke Geerd Hamer, qui affirme que tout est psychologique. Elle arrête les traitements et s’éloigne de sa famille. Deux ans plus tard, elle ne peut plus marcher, les os sont touchés, mais elle reste persuadée que ses douleurs sont l’effet de la fermeture de trous dans son squelette. Il ne lui reste que deux mois à vivre.
Interpellée par de plus en plus de témoignages semblables à celui-ci, la MIVILUDES appelle, avec l’augmentation continue de nouveaux cas cancéreux (plus de 12 % entre 2005 et 2010), à une extrême vigilance face aux risques de dérives sectaires dont peuvent être victimes les malades. En particulier les cancéreux, plus vulnérables car ils doivent subir des traitements lourds et douloureux, sans que le spectre de la récidive ne s’éloigne jamais.
Comme dans l’enseignement de pratiques non conventionnelles, qui font l’objet d’une autre partie du rapport, le caractère sectaire des traitements ne prend pas l’aspect d’une communauté rassemblée autour d’un gourou. Il consiste surtout, et cela n’en est pas moins dangereux, dans l’emprise psychique du praticien sur le patient (ou de l’enseignant sur l’émule). « La dérive sectaire prend la forme de l’imposition de fausses vérités, de démonstrations pseudo-scientifiques, à des personnes qui, soit par tempérament n’ont pas l’envie ou le besoin de douter, soit sont incapables ou hors d’état de les percevoir comme telles. »
Pseudo-thérapeutes.
Le rapport annuel décortique les pratiques des « pseudo-thérapeuthes » qui proposent, non seulement des traitements des plus farfelus, mais également des diagnostics. Ainsi, l’iridologie prétend rechercher des terrains « cancériniques » et précancéreux… dans l’iris. D’autres thérapies proposent des « explications » douteuses, pour éponger les questionnements des malades, souvent en faisant de la maladie un symptôme révélateur de troubles psychologiques. Quant aux traitements, ils recourent souvent à des vertus dites naturelles, sans effets secondaires, simples à mettre en œuvre, indépendants des industries pharmaceutiques accusées de faire de l’argent sur le dos des patients, et promettant une guérison là où la médecine conventionnelle a échoué. En réalité, ils ne reposent sur aucune preuve scientifique et mettent en péril leurs émules.
Par exemple, l’urinothépathie consiste en l’application ou l’absorption d’urine. La méthode Simoncini, du nom d’un médecin italien radié de l’ordre, se fonde sur la nature prétendument mycosique du cancer et propose une thérapie par le bicarbonate de soude. Les traitements par psychothérapie sont également épinglés comme pouvant conduire « à une véritable mise sous emprise du patient atteint d’un cancer ». Le rapport cite en particulier les théories de Ryke Geerd Hamer, condamné en 2004 pour escroquerie et complicité d’exercice illégal de la médecine, déjà éreinté dans le bilan 2008 de la MIVILUDES. Le fondateur de la « médecine nouvelle germanique » soutient que la maladie est la résultante d’un choc psychologique intense et d’un conflit intérieur non résolu. Des théories qui le conduisent à affirmer que « la sclérose en plaques aurait pour origine une perte d’emploi après une chute au travail » ou que « le cancer des os serait dû à un patron constamment méprisant ». La guérison n’interviendrait que lorsque le malade se libère lui-même, notamment des traitements classiques.
Pour lutter contre ce qu’elle appelle « la banalisation de la mise en danger d’autrui », la MIVILUDES a estimé cette année nécessaire de s’adresser directement aux plus concernés. En collaboration avec l’Institut national du cancer et le ministère de la Santé, elle a réalisé une affiche et un dépliant d’information, distribués dans tous les centres de soins du cancer.
Pseudo-formations.
Autre cible du rapport, la MIVILUDES alerte contre les enseignements des pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique (PNCAVT), qui ne cessent de proliférer. « Dans le domaine de la formation on dénombre aujourd’hui près de 4 000 offres sur le marché de la santé, sur un total de 60 000 organismes de formation, pour des centaines de méthodes à visées thérapeutiques. » Conséquence, des milliers de praticiens novices, parfois formés en quelques heures, entrent sur le marché chaque année, rendant impossible par leur nombre tout contrôle institutionnel. Et laissant donc place à des pratiques « qui peuvent relever de la pure fiction, parfois même du délire ».
La MIVILUDES met ainsi en garde contre les méthodes d’autojustification et de légitimation des pseudo-thérapeuthes, qui avancent masqués, surtout sur la toile. Certains tendent à dénigrer les méthodes de leurs concurrents et accusent les thérapies proches des leurs de n’être que de pales copies. D’autres se revendiquent d’un Ordre professionnel, comme celui des biomagnétiseurs, qui ne peut en réalité se prévaloir d’aucune forme d’agréments. Le rapport discrédite ensuite le contenu même des enseignements dispensés, souvent à prix fort. Il cible en particulier les plus connus, comme la biologie totale des êtres vivants de Claude Sabbah, ou les facultés libres d’étiopathie (qui proposent des guérisons à la main) : « six années pour devenir éthiopathe, 5 000 heures d’études, un coût de 30 000 euros pour accéder à une profession qui n’est reconnue que par son créateur et par ceux qui l’enseignent et la pratiquent. »
Pour « contrer des agissements dangereux, souvent illégaux et malhonnêtes », la MIVILUDES requiert instamment la mise en œuvre de diverses propositions, en faveur de l’information et de la prévention. Elle publiera dans cette perspective à la fin l’année un guide pratique à destination des professionnels de santé, pour les aider à repérer les dérives sectaires dans la santé. Elle demande également aux rectorats d’intensifier leurs contrôles sur les enseignements qui se prémunissent du titre d’université ou des termes réservés aux diplômes nationaux et induisent ainsi le public en erreur. Elle appelle enfin à une concertation entre ministères de l’Emploi, de la Santé et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche pour analyser la nature des enseignements proposés par toute sorte d’organismes privés.
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