Comment prédire le risque de diabète et de maladies cardiovasculaires chez un patient obèse ? Dans « Cell Metabolism », des chercheurs américains proposent un nouvel outil reposant sur l’analyse du métabolome dans le sang.
D’après l’analyse haut débit sur plus de 1 000 métabolites dans une cohorte britannique de jumeaux (TwinsUK cohort), l’équipe dirigée par Elizabeth Cirulli du Scripps Institute montre que près d’un tiers des métabolites était associé aux variations de l’indice de masse corporelle (IMC) et prédictifs de l’obésité avec une forte sensibilité et spécificité (environ 80-90 %). Une cinquantaine d’entre eux, 49 exactement, l’était de façon très forte, expliquant à eux seuls 43 % de la variance.
« L’IMC est un marqueur insuffisant du risque lié à l’obésité, explique le Pr Karine Clément, spécialiste nutrition à l’hôpital Pitié-Salpêtrière (AP-HP) et directrice d’équipe INSERM/Sorbonne Université/ICAN. Il est nécessaire d’aller vers des approches plus fines à la fois de l’obésité et des risques associés. Cette étude est intéressante car elle propose d’autres outils pour stratifier le risque associé à des maladies communes ».
La cohorte des jumeaux britanniques totalisant près de 2 000 sujets a été évaluée à 3 temps donnés sur une période d’environ 13 ans. L’analyse a inclus également les données de 427 volontaires à un seul temps donné.
Une signature sur 49 métabolites
La signature à 49 métabolites portait en majorité sur des lipides (47 %), des acides aminés (29 %), des peptides (6 %) et des nucléotides (6 %) mais aussi des hydrates de carbone (4 %), des cofacteurs et des vitamines (4 %) et de l’énergie (2 %). Certains sont issus du microbiote, mais la plupart ne sont pas spécifiques.
Concernant le poids de la génétique, l’étude n’a pas mis en évidence de lien fort entre le métabolome et un score de risque polygénique d’obésité sur 97 variants. Seule une association est ressortie avec un variant rare d’obésité, le variant MC4R. « À l’échelle d’un individu, la génétique ne fait pas tout, explique Karine Clément. Il faut prendre en compte l’interaction avec l’environnement ».
L'obésité saine en débat
De leurs travaux, les chercheurs dégagent 4 profils de patients en fonction de la signature : un profil sain, poids normal + métabolome sain, un profil obésité + métabolome obèse, et deux profils discordants, l’un obésité + métabolome sain et l’autre poids normal + métabolome obèse.
Pour les auteurs, ces résultats sont en faveur du concept d’obésité saine, qui fait débat actuellement. « Les sujets obèses dont le métabolome est en dessous de la prédiction sont sans doute plus protégés, estime quant à elle Karine Clément. Ces résultats sont le reflet d’un niveau de corpulence à un moment donné. Il faut à mon sens préférer la notion de trajectoires, ils ne sont pas forcément protégés toute la vie. Notre expérience à la Pitié-Salpêtrière montre que l’obésité saine ne concerne qu’une très petite minorité de patients, principalement des sujets jeunes ».
La médecine personnalisée en ligne de mire
De façon plus consensuelle, les sujets sains au métabolome obèse posent problème en reflétant un risque plus élevé. « Ces sujets sont à risque de développer des maladies métaboliques plus sévères, estime Karine Clément. Il faut sans doute agir plus tôt chez ces sujets et chez les sujets obèses au métabolome perturbé. Cet outil permettrait de classer les sujets plus à risque que d’autres ».
De l’avis des auteurs, la grande question est maintenant de déterminer dans quelle mesure la signature des métabolites va pouvoir prédire individuellement le risque cardio-vasculaire. Si, dans l’étude américaine, un métabolome anormal est associé à un risque d’événements cardio-vasculaires multiplié par 2 à 5 par rapport aux individus de même corpulence au métabolome sain, ces données préliminaires restent à confirmer.
« Cet outil est-il réellement utile pour la personne et sa santé ?, s’interroge Karine Clément. Avant de passer à une approche personnalisée, il faut mener des études prospectives pour évaluer dans le temps le risque cardiovasculaire chez les personnes qui s’écartent de la prédiction ».
Mieux stratifier le risque métabolique et cardiovasculaire, c’est l’objectif poursuivi par l’étude européenne Metacardis chez plus de 2000 sujets à risque, que coordonne le Pr Karine Clément. « L’étude qui prend en compte les pathologies préexistantes, l’environnement, le métabolome et le microbiote vient de se terminer, indique la chercheuse. Des premiers résultats vont être publiés courant 2019 ».
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