REÇUE EN FRANCE du 1er au 3 septembre, une délégation uruguayenne est venue présenter la légalisation du cannabis en vigueur dans leur pays depuis décembre dernier. Premier pays au monde à avoir voté une loi régulant la production et la vente de cannabis sous autorité de l’État, l’Uruguay (3,4 millions d’habitants) a choisi de la contrôler pour mieux lutter contre les trafics. L’objectif annoncé est de protéger la population, d’améliorer la santé publique, de minimiser les risques et de réduire les dommages de l’usage du cannabis. Ainsi, les canaux de distribution sont encadrés ; il s’agit des clubs de consommateurs et des… pharmacies !
En effet, le pharmacien est autorisé à vendre du cannabis, aussi bien pour un usage récréatif (sans ordonnance) que médical. Mais si la loi a été votée en décembre 2013, elle n’est pas encore appliquée. Ainsi, les premières ventes encadrées ne sont pas attendues avant début 2015.
Pour pouvoir consommer en toute légalité en Uruguay, il faut être de nationalité uruguayenne, résider dans le pays de façon permanente, avoir plus de 18 ans et être inscrit sur un registre d’État. Les gouvernants ont ainsi trouvé le moyen d’éviter « le tourisme cannabique ».
Le cannabis à usage récréatif pourra donc très bientôt être acheté en pharmacie, à raison de 40 grammes maximum par mois. Il n’y a pas de limite de dosage pour le cannabis pharmaceutique, mais il est exclusivement délivré sur prescription médicale. Les pharmaciens n’ont pas l’obligation de vendre du cannabis mais, après une période de réticence, les officinaux uruguayens sont largement favorables à la loi de légalisation et les auteurs du projet estiment qu’au moins la moitié des pharmacies (soit 600 officines) devrait se lancer dans cette vente réglementée.
Une initiative suivie de près.
« Le pharmacien uruguayen est tout autant acteur de santé public que le pharmacien français. Comme pour tout médicament, les produits sont dispensés avec des conseils et il n’y a pas de raison que le cannabis déroge à la règle. Ce sera aussi son rôle d’expliquer le dosage légal à ne pas dépasser, de faire un refus de vente au besoin et d’orienter vers un centre de santé public, centres qui sont en train de se mettre actuellement en place. Chaque ville de plus de 5 000 habitants en accueillera un, les recrutements sont en cours », explique Luis Yarzabal, président du Comité interministériel en charge de l’évaluation de la loi en Uruguay.
La loi prévoit également un contrôle renforcé sur l’activité de vente de cannabis du pharmacien, mais le choix de l’instance qui sera chargée de cette surveillance n’est pas encore tranché. Quant à la rémunération, le prix des ventes de cannabis sera partagé entre le producteur et le pharmacien, mais, là encore, la répartition n’est pas encore décidée. Autres règles : la publicité pour le cannabis est interdite, et pharmaciens et producteurs ne seront pas en contact direct. L’intermédiaire sera l’Institut national de régulation et de contrôle du cannabis (IRCCA), qui vient d’être créé par la loi et qui a de nombreuses missions, notamment la gestion du registre sur lequel doivent s’inscrire les consommateurs, qu’ils appartiennent à un club de consommateurs (jusqu’à 45 membres et limitation à 99 plants), qu’ils se fournissent en pharmacie, ou qu’ils fassent de l’autoculture (limitation à 6 plants par personne). Le prix pour le consommateur, fixé par l’État, tournera autour de 1 dollar le gramme.
Une initiative que de nombreux pays suivent de près, notamment les grands territoires limitrophes de l’Uruguay (Brésil et Argentine), sans oublier les États-Unis. La délégation venue en France (et qui en a profité pour se rendre en Suisse) n’a pas manqué de mettre en avant un encadrement par l’État, au même titre que ce qui pourrait se faire prochainement pour le tabac et l’alcool. Car le texte législatif ne présente pas d’ambiguïté, son but est « de protéger les habitants des risques liés au commerce illégal et au trafic de drogues en cherchant, avec l’intervention de l’État, à combattre les conséquences dévastatrices sanitaires, sociales et financières, de l’utilisation de substances psychoactives et de réduire l’incidence de drogues et du crime organisé ».
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