Quelques définitions
Les troubles digestifs fonctionnels regroupent les troubles digestifs de l’estomac (ou troubles dyspeptiques) et les troubles digestifs intestinaux.
Les troubles dyspeptiques représentent les troubles fonctionnels de l’appareil digestif haut, à savoir une digestion lente et difficile, une impression de trop-plein, des nausées voire des vomissements, des éructations, une sensation de langue pâteuse, des ballonnements et des douleurs épigastriques, une perte d’appétit…
On parle de dyspepsie fonctionnelle lorsque les symptômes (définis par au moins l’un des quatre critères suivants : plénitude postprandiale gênante, satiété précoce, douleur épigastrique, brûlure épigastrique) ont débuté depuis au moins 6 mois et ont été présents dans les trois derniers mois, et ne sont pas liés à une maladie organique.
Les troubles digestifs intestinaux comprennent les douleurs abdominales, ballonnements ou les gaz intestinaux.
Les ballonnements sont dus à un excès de gaz dans le tube digestif et sont à l’origine d’éructations et de gaz intestinaux (flatulences). On parle d’aérogastrie lorsqu’ils concernent l’estomac et d’aérocolie lorsqu’ils touchent le gros côlon.
Un peu de physiopathologie
La digestion est un processus biologique qui commence dès l’introduction des aliments dans la bouche : ceux-ci sont broyés par mastication et la sécrétion salivaire lubrifie le bol alimentaire par action des mucines et commence la digestion par action de l’amylase salivaire, la lipase, le lysozyme.
Dans l’estomac, les aliments, mélangés à l’acide chlorhydrique, aux enzymes protéolytiques (pepsinogène), à une lipase et au mucus, sont prédigérés et forment le chyme. Celui-ci est éjecté en plusieurs fois à travers le pylore vers le duodénum où il subit une transformation par les sécrétions duodénales, pancréatiques et biliaires. La présence de lipides dans le tube digestif stimule une hormone, la cholécystokinine, qui permet l’excrétion de la bile par la vésicule biliaire. Les sels biliaires, émulsifiants, permettent la digestion et l’absorption des lipides. Le suc pancréatique contient des bicarbonates qui alcalinisent le chyme, des enzymes protéolytiques (trypsine, chymotrypsine…), des enzymes glycolytiques (α amylase) et des enzymes lipolytiques (lipase). Les nutriments sont absorbés principalement au niveau des microvillosités des muqueuses intestinales.
La digestion est influencée par différents facteurs :
-La flore bactérienne du tube digestif, qui est modifiée avec l’âge, mais aussi en fonction des aliments ingérés. Par exemple, l’ingestion de glucides augmente la fermentation.
-La cuisson des aliments, qui rend les aliments plus digestibles (par exemple, le tissu conjonctif de la viande étant relâché, la mastication est facilitée).
-Le fractionnement des repas : à quantité et qualité égale, mieux vaut plusieurs petits repas qu’un gros repas pour une meilleure digestion
-Des facteurs psychologiques : l’apparence, l’odeur ou le goût de certains aliments inspirent des émotions, via l’hypothalamus et le système nerveux autonome, qui agissent sur la digestion en diminuant les sécrétions, en inhibant le péristaltisme et en augmentant le tonus sphinctérien.
Des troubles dyspeptiques interviennent souvent après un repas riche en aliments gras, sucrés ou épicés ou après la prise de boissons alcoolisées, après une ingestion trop rapide d’aliments, ou après la consommation d’aliments difficiles à digérer. Une situation anxiogène ou un stress peuvent être aussi responsables de dyspepsie.
L’aérogastrie est liée notamment à une ingestion importante d’air pendant les repas (aérophagie). L’aérocolie est liée à l’ingestion d’aliments fermentescibles, qui engendre une production excessive de gaz par les bactéries du côlon. Elle peut aussi être liée à une infection intestinale.
Les mots du conseil
Quels sont les signes d’alerte ?
On incitera le patient à consulter si :
-les troubles digestifs s’accompagnent d’autres symptômes tels que fièvre, vomissements, perte de poids inexpliquée, présence de sang dans les selles, modification durable du transit…
-les symptômes décrits ne trouvent pas de cause évidente (un repas gras ou alcoolisé par exemple)
-les troubles évoluent de façon chronique
-un traitement pris par le patient n’a pas été efficace.
Attention : les troubles digestifs fonctionnels peuvent parfois être confondus avec des troubles digestifs organiques qui doivent être recherches (ulcère, reflux gastrooesophagien, tumeur…).
Comment adapter son alimentation et son mode de vie ?
-Supprimer l’alcool et limiter les graisses pendant quelques jours ;
-Peler les fruits et cuire les légumes ;
-Mâcher lentement et consciencieusement et fragmenter les repas plutôt que prendre des repas copieux et espacés, surtout si la vidange gastrique est ralentie. Contre les éructations, éviter de boire trop vite ou de boire à la paille ;
-Éviter les aliments connus pour déclencher des ballonnements ou des symptômes dyspeptiques (choux, oignons, légumes secs, poireaux…), les chewing-gums, les boissons gazeuses, les aliments épicés… Mais attention à ne pas supprimer toute une catégorie d’aliments au risque de devenir carencé. On les réintroduira ensuite progressivement ;
-Pratiquer une activité physique régulière ;
-Eviter le tabac ;
-Apprendre à mieux gérer son stress qui est un facteur favorisant
Quels sont les aliments responsables de ballonnements ?
On évoquera, entre autres, les légumes fibreux (chou-fleur, chou, brocoli, haricots, asperges…), les crudités, les produits laitiers, certains féculents (pois, flageolets, lentilles, fèves…), certains fruits crus (pommes, poires, fraises, cerises, prunes…), les céréales complètes riches en fibres insolubles, les aliments trop sucrés (miel, chocolat…)…
Attention aussi aux aliments sans sucre mais qui contiennent des édulcorants car les polyols (sorbitol, mannitol…) sont fermentescibles.
Penser aussi aux médicaments responsables
De nombreux médicaments peuvent être responsables de symptômes évoquant une dyspepsie ou des ballonnements, parmi lesquels :
-les laxatifs osmotiques qui provoquent des ballonnements ;
-les biphosphonates qui peuvent être responsables de dyspepsies, de flatulences, de ballonnements, de régurgitations acides, de dysphagies ;
-les AINS qui provoquent des dyspepsies, des éructations, des douleurs épigastriques… ;
-les IPP qui peuvent engendrer des douleurs abdominales hautes, des flatulences, des nausées… ;
-les tétracyclines qui provoquent des nausées, des épigastralgies…
Les produits-conseils
Les cholérétiques et/ou cholagogues
Un médicament cholérétique stimule la production de bile par le foie tandis qu’un médicament cholagogue facilite l’évacuation de la bile de la vésicule et des voies biliaires extra-hépatiques vers l’intestin.
Parmi les médicaments ayant l’une ou l’autre ou ces deux propriétés, on trouvera la boldine (Maalox digestion difficile, Oxyboldine, Boldoflorine), l’arginine (Arginine Veyron, Hépagrume), l’hymécromone (Cantabiline), le sorbitol (Sorbitol Delalande), le sulfate de sodium (Digédryl, Maalox digestion difficile, Oxyboldine), le citrate de sodium…
À retenir : attention aux formes effervescentes de nombreux médicaments des troubles dyspeptiques : ils contiennent une dose de sodium élevée, à éviter chez les personnes devant respecter un régime hyposodé. Pour repère, 1 g de sodium correspond à 2,5 g de sel et l’OMS recommande de ne pas dépasser 5 g de sel par jour.
Les hépatoprotecteurs lipotropes
Le citrate de bétaïne agit quant à lui comme hépatoprotecteur lipotrope et accélère la motricité digestive.
L’enzymothérapie
L’enzymothérapie peut permettre de renforcer l’action des enzymes digestives : Amylodiastase (amylase végétale), Effidigest (à base d’enzymes digestives et de ferments lactiques)…
La phytothérapie
En phytothérapie, l’offre est multiple : on peut se tourner vers l’artichaut (on le trouve dans Hépanéphrol, Chophytol, Arkogélule artichaut, Élusanes artichaut…), le boldo, la fumeterre, le romarin ou le radis noir, qui ont des propriétés cholérétiques et/ou cholagogues. Pour faciliter la prise, on peut proposer des associations toutes faites (voir tableau).
L’homéopathie
Si le conseil contre l’indigestion s’oriente vers l’homéopathie, conseiller de commencer par 5 granules d’Antimonium crudum 5 CH (excès alimentaire) et de Nux vomica 9 CH (excès d’alcool) toutes les 2 heures pendant quelques heures et d’associer 5 granules de Chelidonium composé ou de Nux vomica composé avant chaque repas. On peut aussi proposer des complexes homéopathiques : Poconeol N° 17, L114, Gastrocynésine, Choléodoron…
L’aromathérapie
En aromathérapie, privilégier l’huile essentielle de menthe poivrée : 1 goutte sur un comprimé neutre après le repas, deux fois par jour. D’autres huiles essentielles agissent dans la digestion lente : l’aneth, la cardamome, le laurier noble… On trouve également des compositions toutes faites : gélules ou granules d’Arko essentiel digestion difficile, capsules Oleocaps 3, capsules Aromadoses, gélules Digestarum…
Agir contre les aigreurs d’estomac
Un antiacide topique pourra aider à soulager les aigreurs d’estomac associées : on peut en proposer à base de sels d’aluminium (Maalox maux d’estomac, Marga), de sels de magnésium (Maalox maux d’estomac, Marga, Rennie), de sels mixtes de magnésium et d’aluminium (Riopan, Rennieliquo), de sels de calcium (Rennie)… Ils agissent immédiatement mais leur effet est de courte durée. Attention aux interactions par formation de complexes insolubles et par augmentation du pH gastrique : les prendre à 2-3 heures des autres médicaments, en prenant l’antiacide en dernier si possible.
En homéopathie, proposer Anacardium orientale 9CH, et Argentum nitricum 9CH en cas d’aérogastrie associée, ou encore un complexe homéopathique comme Digestodoron.
Agir contre les nausées
Pour calmer les nausées, on peut proposer la métopimazine (Vogalib) ou le diménhydrinate (Nausicalm). La métopimazine est une phénothiazine antidopaminergique (ne pas associer à la lévodopa ou à un dopaminergique). La spécialité disponible sans ordonnance, Vogalib, est un lyophilisat qui se dépose sur la langue ou se dissout dans un demi-verre d’eau. Le diménhydrinate (Nausicalm gélule ou sirop), quant à lui, est un anti-histaminique H1 à effet anticholinergique.
En phytothérapie, on peut proposer d’associer de la fumeterre au radis noir, ou encore proposer du gingembre.
En homéopathie, proposer 5 granules d’Ipeca 7CH à renouveler à la demande, ou encore un complexe homéopathique de type Lehning complexe n° 49.
Agir contre les douleurs abdominales
On peut proposer un antispasmodique musculotrope de type phloroglucinol ou trimébutine, ou le citrate d’alvérine (que l’on trouve dans Schoum, Hepatoum…).
En phytothérapie, la matricaire est utilisée pour son action sur les spasmes gastriques et les crampes abdominales. La fumeterre aurait également des propriétés spasmolytiques.
Agir contre les ballonnements
La diméticone et le siméthicone réduisent la formation de bulles de gaz : Polysilane, Rennie Déflatine, Siligaz, Imonogas, Maalox ballonnements, Bloxair… On les retrouve parfois associées à un antispasmodique (Météoxane, Météospasmyl) ou à un antiacide (Rennie Déflatine).
Le charbon est utilisé pour ses propriétés absorbantes (Charbon de Belloc, Carbosylane, Arkogélule charbon végétal, Élusanes charbon, Not-gaz…). Attention au charbon en cas de prise d’autres médicaments car il peut diminuer leur absorption : laisser deux heures entre la prise du charbon et celle des autres médicaments. Préciser aussi au patient que le charbon peut colorer les selles.
En phytothérapie, on trouve aussi le fenouil, aux propriétés carminatives (il favorise l’expulsion de gaz intestinaux) ou l’argile blanche qui agit comme adsorbant des gaz.
En homéopathie, proposer Carbo vegetabilis 5 CH 3 fois par jour après chaque repas, et Asa foetida 9CH en cas d’aérogastrie.
En aromathérapie, associer l’huile essentielle de menthe poivrée et de laurier noble, 2 fois par jour.
Agir avec des probiotiques
Lorsque la digestion difficile s’accompagne d’un inconfort digestif avec ballonnements, voire d’un transit accéléré ou d’un transit ralenti, la flore intestinale est appauvrie. Si besoin, pour rétablir l’équilibre de la flore et le confort digestif, les probiotiques (principalement lactobacilles et bifidobactéries) sont une solution : Imoflora, Bion transit, Ergyphilus confort, Lero flore, Œnobiol confort digestif, Ultrabiotique, Lactibiane référence…
Agir contre le stress
Le stress pouvant être à l’origine ponctuellement d’une digestion difficile, on pourra agir directement dessus avec des plantes telles que l’aubépine, la passiflore, la valériane… ou avec de l’homéopathie (Gelsemium sempervirens 15 CH ou Ignatia amara 9 CH).
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