L’AFFAIRE a fait grand bruit à chaque reprise. Des huîtres du bassin d’Arcachon contaminées par des toxines étaient déclarées impropres à la consommation, au grand dam des ostréiculteurs. Ces toxines libérées par des algues et qui s’accumulent dans poissons et coquillages, les phycotoxines, ont pour noms spirolide et gymnodimine. Une équipe de chercheurs français, associée à des Américains, vient de découvrir au niveau moléculaire comment elles peuvent entraîner chez l’humain des troubles digestifs à type de diarrhée et surtout des symptômes neurologiques, notamment des paralysies. Elles se fixent sur un récepteur nicotinique à l’acétylcholine situé sur la membrane du myocyte ou du neurone. La transmission neuromusculaire s’en trouve bloquée, expliquant la symptomatologie.
Produites par des algues.
Ces toxines d’origine marine sont produites de façon naturelle par des algues. La source majeure en est une algue unicellulaire qui prolifère sous la forme de concentrations cellulaires très denses, en bouquet. Elles essaiment un peu partout dans l’univers marin lors de la vidange des ballasts des bateaux de commerce. Depuis 1991, elles ont été identifiées au Canada, puis en Norvège, en Espagne, en Tunisie ou, encore, à Arcachon en 1985. Ces toxines remontent ensuite le long de la chaîne alimentaire à partir de coquillages contaminés ingérés par des animaux ou des humains. Leur nocivité provient de leur capacité à franchir la barrière hémato-méningée, de leur grande lipophilie et de leur faible volatilité. La menace qu’elles représentent concerne non seulement l’individu, mais à plus grande échelle les populations via l’industrie de la pêche. Bien protégées par leur complexité chimique, les toxines dissimulaient leur mécanisme d’action. Pourtant, des équipes du CNRS (Marseille et Aix-en-Provence), du CEA (Gif-sur-Yvette), en collaboration avec des chercheurs de l’université de San Diego, ont percé ce secret bien gardé.
Les équipes d’Yves Bourne et Pascale Marchot se sont penchées sur la spirolide C et la gymnodimine A. Elles ont enregistré leur action sur les récepteurs nicotiniques à l’acétylcholine situés sur les myocytes et les neurones. Et ont découvert des affinités subnanomolaires, une
réaction antagoniste et une sélectivité de sous-type. Cette liaison montre un faible niveau de diffusion et une dissociation lente, ce qui suggère aux auteurs une irréversibilité des liaisons. Ils expliquent que le récepteur nicotinique à l’acétylcholine est un récepteur canal de membrane. Il permet la circulation de petites molécules ionisées à travers la membrane de la cellule musculaire ou nerveuse. Son rôle est primordial dans la transmission de l’influx nerveux. Les toxines en le bloquant créent la symptomatologie de type musculaire et/ou neurologique constatée. Mais le travail franco-américain a poussé plus avant la recherche au niveau moléculaire, tentant de mettre en évidence le mode de fixation de ces deux phycotoxines sur le récepteur. La cristallographie aux rayons X a permis de découvrir en 3 dimensions (voir illustration) la structure des complexes créés entre la phycotoxine et le récepteur. La toxine se love soigneusement à l’intérieur des chaînes aromatiques latérales constituées de boucles C et F sur les faces opposées du récepteur. C’est-à-dire en lieu et place physiologiques de l’acétylcholine. La toxine est ensuite enveloppée par la boucle C.
Au-delà de la connaissance purement fondamentale, ces travaux pourraient permettre, à terme, la mise au point de systèmes de détection des spirolide et gymnodimine dans les coquillages. Ils offrent aussi, en ayant identifié les ligands, les déterminants fonctionnels et les sites de liaison, la possibilité d’une recherche thérapeutique visant les récepteurs spécifiquement concernés.
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