LES CHIMIOTHÉRAPIES orales sont de plus en plus nombreuses, notamment du fait du développement des thérapies ciblées, et c’est tant mieux pour les malades. Neuf sur dix préfèrent une formulation orale à la voie veineuse et apprécient, en particulier, sa commodité et l’absence d’accès veineux. Une enquête de ressenti, réalisée en 2005 chez des femmes souffrant d’un cancer du sein, souligne leur « impression de liberté » et leur « sentiment d’être moins gravement malade ». Conditions sine qua non de cette préférence : le traitement oral doit être aussi efficace que le traitement IV et sa biodisponibilité comparable, de même que son profil de tolérance, hématologique ou non. « Autrefois, la variabilité d’absorption entre les deux était importante, ce n’était pas acceptable, aujourd’hui c’est fini, explique le Dr Marie-Ange Mouret-Reynier, oncologue au Centre Jean-Perrin de Clermont-Ferrand. C’est très clair, la chimiothérapie orale actuelle n’est pas une thérapie au rabais, elle retarde la pose du port-à-cathéter et fait entrer le patient dans la maladie métastatique avec moins de bouleversement. » Mais ce choix nécessite une éducation thérapeutique et une relation forte entre le clinicien, le pharmacien et le patient.
Faciliter l’observance.
En pratique, la chimiothérapie orale à domicile s’adresse aux patients pouvant se prendre en charge, valides, volontaires, informés, et dont l’entourage familial est fiable, de façon à limiter au minimum les erreurs d’observance (omission de prises, sous- ou surdosage, non-respect des conditions de prise…). Cependant, les facteurs de risque de mauvaise observance ne sont pas seulement en rapport avec le patient (dépression, mauvaise vue, douleur, isolement…). Ils sont également liés au traitement (plus de 4 médicaments, prises journalières fréquentes, effets secondaires, galénique, goût) et à la relation patient-professionnels de santé.
C’est pourquoi les laboratoires pharmaceutiques font des efforts, notamment pour faciliter l’observance. Exemple, Navelbine oral : 1 capsule par blister, 1 blister par boîte, une seule prise hebdomadaire, 2 à 6 capsules maximum par prise, avec un livret pour le patient et un guide de dispensation. Le Laboratoire Pierre Fabre met par ailleurs en place un service d’accompagnement à distance des patients traités par chimiothérapie orale, incluant le pharmacien (Persolien).
Former l’équipe officinale.
Le pharmacien d’officine est en effet amené à jouer un rôle de plus en plus grand dans la prise en charge du cancer, d’autant que la maladie tend à se chroniciser. Ses atouts : proximité et accessibilité, pérennité de la relation avec le patient, bonne connaissance de sa situation psychosociale, souplesse, rôle de conseil, crédibilité et caution scientifique. Mais « il a aussi ses limites », reconnaît Vincent Dumenil, jeune pharmacien à Pont de Cheruy (Isère). « Une connaissance limitée de la situation clinique et thérapeutique du patient, une confidentialité pas toujours assurée, peu de connaissances en cancérologie, un petit nombre de patients cancéreux et l’évolution rapide des traitements. » Or assurer une bonne dispensation d’anticancéreux par voie orale implique tout d’abord qu’il y ait une bonne continuité entre l’hôpital et la ville et que le pharmacien connaisse les médicaments en question, sache répondre aux questions du patient et de son entourage, s’assure de la bonne compréhension et du respect du traitement, et aide à gérer les effets indésirables.
« Toutes les personnes présentes dans l’officine doivent être capables d’identifier une chimiothérapie orale et, si nécessaire, passer la main. Il faut aussi connaître les règles de prescription (hospitalière ou réservée à certains spécialistes), poser les bonnes questions, se documenter (par exemple sur la base de donnes Thériaque), s’appuyer sur les outils officinaux (historique médicamenteux à l’officine, DP si le patient est d’accord) et, bien sûr, avoir une attitude empathique. L’enjeu c’est l’observance… », résume Vincent Dumenil. Quand celle-ci n’est pas satisfaisante, il est essentiel d’en rechercher les raisons : déni ou refus de la maladie, crainte d’effets indésirables, conviction d’être incurable, état dépressif, problème relationnel avec un professionnel de santé, etc.
Donner des conseils pour prévenir l’apparition d’effets indésirables est du ressort du pharmacien : bains de bouche sans alcool pour éviter les mucites, crème émolliente pour limiter le syndrome mains-pieds, suivi de la tension artérielle à l’officine (pour Nexavar, par exemple), maintien d’une activité physique malgré la fatigue, alimentation adaptée, destruction des produits par Cyclamed. Mais en cas d’effets indésirables, contacter toujours le médecin.
La loi HPST laisse entrevoir une évolution vers de nouvelles compétences du pharmacien : entretien pharmaceutique en dehors de l’acte de délivrance, participation à l’éducation thérapeutique, participation à des protocoles pluri-professionnels. Il faut s’y préparer, pense Vincent Dumenil qui propose, pour ce qui concerne la chimiothérapie orale un « plan d’action pour l’officine » en trois points : « protocoliser » la prise en charge à l’officine dans une démarche qualité ; former l’équipe officinale (techniques d’entretien, médicaments anticancéreux, avec, si possible, un ou deux « experts », abord psychologique) ; rechercher l’interprofessionnalité et favoriser la communication (réseaux cancer, lien ville-hôpital, carnet de suivi patient…).
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