« En France, les carences nutritionnelles sont aujourd’hui rares et le seul vrai problème qui persiste est la déficience en fer », indique le Dr Alain Bocquet (pédiatre, Besançon). Des études menées il y a plus d’une vingtaine d’années avaient rapporté une prévalence de la déficience en fer de l’ordre de 20 à 30 %, dans des populations d’enfants suivis en PMI, et donc plutôt défavorisées.
Une étude menée en 2016 auprès de 325 enfants au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en Allemagne, avait souligné le rôle majeur joué par le type de lait consommé chez les jeunes enfants. La prévalence de la déficience en fer était en effet de 19,7 % chez les enfants consommant du lait de vache alors qu’elle n’était que de 5,4 % chez ceux recevant du lait de croissance, enrichi en fer.
Des chiffres comparables ont été retrouvés dans l’étude CARMA, travail français mené en 2016 et 2017, notamment avec le soutien de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA), qui avait inclus quelque 800 nourrissons de deux ans suivis en cabinet de pédiatrie. Dans cette population, qui consommait en majorité du lait de croissance, la prévalence de la carence martiale était faible, 6,7 %. « Les laits de croissance contiennent de 20 à 30 fois plus de fer que le lait de vache, ce qui permet, après l’âge d’un an et jusqu’à l’âge de trois ans, de réduire nettement le risque de déficience en fer », rapporte le Dr Bocquet, avant de rappeler l’impact délétère des déficiences en fer même modérées : risque de retard de développement cérébral, peu ou pas réversible, même sans anémie, et baisse des défenses immunitaires.
Au-delà du recours à un lait de croissance, le mode d’alimentation joue aussi un rôle dans la prévention de cette déficience. Le fer héminique, contenu dans la viande, le poisson et les abats est celui ayant la meilleure biodisponibilité (30 à 35 %), mais les apports sont limités afin d’éviter un excès de protéines. La biodisponibilité du fer non héminique, présent dans les légumes, est basse, de 5 %, mais peut toutefois être améliorée en associant certains aliments au cours d’un même repas : légumes riches en fer (lentilles, épinards, etc.) et viande rouge ou abats suivis d’agrumes frais riches en vitamine C. « Ce type de repas peut être conseillé plusieurs fois par semaine pour améliorer le statut martial », indique le Dr Bocquet.
Le problème de la carence en vitamine D s’est déplacé et on n’observe quasi plus de rachitisme chez les jeunes enfants, chez lesquels la supplémentation médicamenteuse est bien faite en plus de la consommation des laits infantiles qui sont tous enrichis en vitamine D. Le risque concerne aujourd’hui plutôt les adolescents qui ne s’exposent pas au soleil, en particulier les jeunes filles qui portent tôt le voile ; de plus la prescription de vitamine D (en automne et à la fin de l’hiver) n’est pas souvent réalisée à cet âge, alors que la croissance osseuse est très rapide.
Végétariens, végétaliens
Les parents sont de plus en plus nombreux à adopter un mode d’alimentation excluant viandes et poissons (végétarien), voire tout produit ou sous-produit d’origine animale (végétalien ou vegan).
Le régime végétarien est possible chez l’enfant s’il est parfaitement équilibré, associant notamment dans un même repas des végétaux complémentaires (légumineuses et céréales, fruits oléagineux ou graines).
En revanche, le régime végétalien est dangereux pour l’enfant car il expose à des problèmes nutritionnels sévères : carences en vitamine B12 et D3, en fer et en iode. « Les parents doivent être informés des risques encourus et un signalement doit éventuellement être fait auprès du substitut du procureur en charge des mineurs », précise le Dr Bocquet.
Picky eating et ARFID
Certains enfants deviennent très sélectifs dans leur alimentation (trouble précoce de l’alimentation ou picky eating), mais gardent l’appétit et leur croissance est normale : c’est la période de néophobie, transitoire et non pathologique. Une situation le plus souvent banale chez les petits enfants, qui débute vers 18 mois et s’estompe à partir de six ans. Elle doit être distinguée du trouble d’alimentation sélective et/ou d’évitement de l’ingestion d’aliments (Avoidant and Restrictive Food Intake Disorder [ARFID]), qui a été intégré aux troubles du comportement alimentaire du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5). Ce trouble, qui toucherait 3 % de la population, se caractérise par un manque d’intérêt à manger ou l’éviction de certains aliments du fait de leurs caractéristiques sensorielles. Souvent rapporté chez des enfants anxieux, il peut entraîner des carences nutritionnelles, parfois sévères.
D’après un entretien avec le Dr Alain Bocquet, pédiatre à Besançon et membre du Comité de nutrition de la Société française de pédiatrie et responsable du Groupe nutrition de l’Association française de pédiatrie ambulatoire.
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