Selon une étude cas-contrôle publiée dans le « JAMA Internal médicine » (1),la prise d’anticholinergiques a des effets à long terme négatifs sur le risque de démence des patients âgés. Les chercheurs anglais ont étudié 58 769 patients ayant un diagnostic confirmé de démence, en comparaison aux 225 574 contrôles.
Les auteurs ont inclus dans leur analyse tous les types de démence, à l’exclusion de celles causées par des facteurs génétiques ou exogènes : démences liées à la maladie de Huntington, de Creutzfeldt-Jakob ou à l’infection par le VIH. Ces résultats confirment plusieurs études, notamment françaises, qui mettent en garde contre les effets de la polymédication sur la réserve cognitive.
Les cas et les contrôles ont été classés en 5 groupes des moins exposés (aucune prise de médicaments anticholinergique) au plus exposés (plus de 1 095 doses journalières standardisées au cours d’une période de suivie comprise entre 1 et 11 ans).
Un risque accru jusqu’à 49 %
La prescription d’anticholinergiques est fréquente dans les 2 groupes (56,6 % des cas, 51 % des contrôles) mais les niveaux d’exposition sont très différents : 214 doses journalières standardisées en médiane chez les cas ayant eu au moins une prescription, contre 136 chez les contrôles. Une faible exposition (entre 1 et 90 doses journalières standardisée journalière cumulées) est associée à un surrisque statistiquement significatif de démence de 6 % comparé à une non-exposition. Ce surrisque atteint 49 % pour la catégorie la plus haute (plus de 1 095 doses).
« Il ne faut surtout pas laisser entendre que les anticholinergiques provoquent la maladie d’Alzheimer ! prévient le Pr Pierre Krolak-Salmon, chef du service de médecine du vieillissement - soins de rééducation et réadaptation - soins de longue durée de l’hôpital des Charpennes (HCL) à Villeurbanne. En revanche, ils réduisent la réserve cognitive, ce qui avance l’âge de la survenue des maladies neurodégénératives. » Des propos confirmés par le fait que, dans l’étude du « JAMA », l’association entre anticholinergiques et démence était plus forte chez les moins de 80 ans.
Etudes françaises confirmées
Le lien entre anticholinergiques et démence n’est pas une nouveauté. En 2017, le Pr Krolak-Salmon a dirigé des travaux publiés dans « Alzheimer Reasearch and Therapy » au cours desquels la « charge anticholinergique » des prescriptions de 473 patients souffrant de troubles neurocognitifs sévères avait été mesurée. La capacité à accomplir des tâches de la vie quotidienne était plus fortement dégradée quand la charge était la plus élevée, quelle que soit l’échelle employée pour évaluer cette dernière.
En 2006, l’équipe montpelliéraine de Karen Ritchie (unité Inserm 361 « Pathologies du système nerveux : recherche épidémiologique et clinique ») a interrogé 372 personnes âgées de plus de 60 ans ne présentant pas de démence. Selon les travaux publiés dans le « BMJ », les 10 % de patients qui prenaient des médicaments anticholinergiques depuis au moins un an montraient un taux de détérioration de leurs capacités cognitives 5 fois plus élevé que les non-consommateurs.
« Tour de contrôle »
« L’accumulation de prescriptions augmente la charge anticholinergique, même avec des médicaments n’ayant pas de pouvoir anticholinergique connu », analyse le Pr Krolak-Salmon, qui plaide pour que les médecins généralistes ou les gériatres jouent un rôle de « tour de contrôle » en hiérarchisant les ordonnances délivrées aux patients âgés.
« Le médecin généraliste doit pouvoir dire à ses confrères spécialistes que, bien qu’il respecte leurs prescriptions, l’anticoagulant a la priorité sur l’antidépresseur », cite-t-il en exemple. Principal obstacle à ce genre de pratique : il n’existe pas encore d’outil d’aide à la hiérarchisation des ordonnances, en dehors des échelles employées dans le cadre de recherches.
(1) C. Coupland et al, JAMA Internal Medecine, doi:10.1001/jamainternmed.2019.0677, 2019.
(2) V. Dauphinot et al, Alzheimer’s Research & Therapy, doi: 10.1186/s13195-017-0284-4, 2017.
(3) M Ancelin et al, BMJ, doi: https://doi.org/10.1136/bmj.38740.439664.DE, 2006.
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