CHIRURGIENS-DENTISTES : PRESCRIRE DANS LA LIMITE DE L’ART
Les chirurgiens dentistes peuvent prescrire tous les actes, produits et prestations nécessaires à l’exercice de l’art dentaire, y compris des médicaments listés ou classés comme stupéfiants. « En pratique, nos ordonnances se limitent à trois classes thérapeutiques : antalgiques, antibiotiques (essentiellement les macrolides, les pénicillines et parfois la Pyostacine) et anti-inflammatoires. Aussi, il nous arrive de prescrire des bains de bouche et des topiques buccaux », indique le Dr Thierry Soulié, secrétaire général de la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD). Ce droit de prescription, les chirurgiens dentistes y sont très attachés : « il nous est indispensable, même si nous ne sommes pas de gros prescripteurs en volume, ni en classes médicamenteuses, par rapport aux médecins », poursuit le secrétaire général de la CNSD.
Par ailleurs, les dentistes n’hésitent pas à prescrire des génériques, surtout lorsqu’il s’agit d’antibiotiques, la substitution dans ce domaine ne posant guère de soucis : « on ne se trouve pas dans le domaine de pathologies chroniques ni dans une habitude de prescription, il est donc plus facile de génériquer », souligne Thierry Soulié.
SAGES-FEMMES : UN DROIT DE PLUS EN PLUS ÉTENDU
Antiseptiques et anesthésiques locaux, antalgiques, vaccins, anti-infectieux locaux, antispasmodiques, laxatifs… La liste de médicaments et de dispositifs médicaux que peuvent prescrire les maïeuticiens aux femmes enceintes et aux femmes en bonne santé est longue. De plus, depuis octobre 2011, un arrêté a encore élargi cette liste, permettant aux sages-femmes de prescrire aussi, dans le cadre du suivi de la grossesse :
- des antibiotiques en prévention des infections materno-fœtales à streptocoque B
- de l’homéopathie (pour soigner les petits maux de la grossesse)
- des AINS dans le post-partum immédiat
- des antisécrétoires gastriques
- des dérivés nitrés en cas d’hypertonie utérine entraînant une souffrance fœtale.
Enfin, les sages-femmes sont habilitées à prescrire tout type de contraceptif, y compris les contraceptifs d’urgence et les DIU, lors du suivi de grossesse, mais aussi chez toutes les femmes en bonne santé.
En outre, dans la future loi de santé soumise fin juillet au Conseil d’État, les maïeuticiens devraient également être autorisés à prescrire des substituts nicotiniques au conjoint de la femme enceinte, dans le cadre des consultations du suivi de la grossesse. « Ce qui serait une réelle avancée, étant donné qu’aujourd’hui les sages-femmes n’ont pas le droit de prescrire aux hommes ni aux adolescents », indique Marie-Josée Keller, présidente du Conseil national de l’Ordre des sages-femmes.
Toutefois, Marie-Josée Keller souhaiterait que cette liste soit encore élargie : « il serait judicieux, par exemple, de pouvoir prescrire des antibiotiques en dehors des cas de grossesse, lors d’infection urinaire et/ou vaginale, étant donné que les sages-femmes ont obtenu le droit de suivre les femmes en bonne santé, indique-t-elle. Aussi, nous souhaiterions pouvoir prescrire et administrer des vaccins à l’entourage des femmes enceintes (conjoint, parents), dans le cadre du cocooning. » Mais dans l’absolu, la présidente de l’Ordre s’interroge sur la nécessité d’avoir une liste de spécialités autorisées à la prescription : « cette liste demande à être toilettée régulièrement selon les évolutions de la profession et de la science, c’est un travail long et fastidieux. » Pourquoi alors, ne pas attribuer aux sages-femmes un droit de prescription dans le cadre de leurs compétences, comme les chirurgiens-dentistes ?
INFIRMIERS : DISPOSITIFS MÉDICAUX ET RENOUVELLEMENT DE PILULE
Derniers venus parmi les prescripteurs, les infirmiers n’ont pas la possibilité de prescrire des médicaments, mais seulement des dispositifs médicaux figurant sur une liste définie (arrêté du 20 mars 2012) : pansements, compresses, sondes vésicales, appareils pour perfusion à domicile, matelas anti-escarre, accessoires pour lecteur de glycémie… Ils peuvent également renouveler des prescriptions de contraceptifs oraux pour une durée maximale de 6 mois non renouvelable. De plus, la future loi de santé publique envisage d’accorder aux infirmiers le droit de prescription de substituts nicotiniques.
Dans la pratique, les infirmiers sont les plus gros prescripteurs de pansements, accessoires et petit matériel parmi les professionnels de santé autres que les médecins (ils réalisent en valeur 92,1 % des prescriptions de dispositifs médicaux, selon les chiffres de la CNAM, avec 135 millions d’euros remboursés en 2013). Pour Béatrice Galvan, présidente de l’Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux (ONSIL), les infirmiers ne prescrivent pourtant pas à la hauteur de leurs possibilités. D’une part, parce que les patients sortent de l’hôpital avec des ordonnances qui leur permettent d’avoir tout le matériel adéquat. D’autre part, parce que ce droit de prescription a le don de fâcher certains infirmiers, notamment en ce qui concerne le renouvellement de pilule. « Ces prescriptions sont des actes gratuits, non reconnus, et interviennent sans cadre défini, s’indigne Béatrice Galvan. Pour prescrire correctement, il faudrait obtenir le droit de tenir des consultations infirmières, et pouvoir disposer du dossier médical partagé du patient. »
PÉDICURES-PODOLOGUES : TOPIQUES ET PANSEMENTS SEULEMENT
Les pédicures-podologues peuvent prescrire des pansements (compresses stériles, sparadrap…) et des topiques à usage externe (pommades, crèmes, lotions, vernis) non listés (décret du 29 juillet 2009). Les topiques concernés sont à visée antifongique, antiseptique, hémostatique, anesthésique, kératolytique et verrucide, ou encore à visée adoucissante, asséchante, calmante, cicatrisante ou révulsive, ou enfin il s’agit de topiques anti-inflammatoires locaux pour l’hallux valgus et les ongles incarnés. Les podologues peuvent aussi renouveler la prescription de pansements pour diabétiques (hydrocolloïdes, pansement avec charbon actif…).
Pour Serge Coimbra, président de la Fédération nationale des pédicures-podologues, même si les podologues utilisent peu ce droit de prescription, ce dernier est trop limité : « notamment, dans le cadre des mycoses unguéales, nous ne pouvons pas prescrire des traitements antifongiques per os en complément d’un traitement local », regrette-t-il. Toutefois, le président concède qu’avant de revoir ce droit de prescription, il faudrait faire évoluer le décret de compétence des pédicures podologues, et la formation initiale.
MASSEURS-KINÉSITHÉRAPEUTES : BEAUCOUP PRESCRIVENT UN PEU
Les masseurs-kinésithérapeutes ont depuis 2006 le droit de prescrire certains dispositifs médicaux. Notamment des aides à la déambulation, ceintures de soutien lombaire de série, débitmètre de pointe, etc. Dans la pratique, « beaucoup de kinésithérapeutes prescrivent un peu… mais peu prescrivent beaucoup ! avance Daniel Paguessorhaye, président de la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs (FFMKR). De plus, ils prescrivent différemment selon leur mode d’exercice, précise-t-il. Ainsi, un kinésithérapeute qui s’est spécialisé dans la cancérologie prescrira beaucoup de bandages pour des lymphœdèmes. Celui qui se spécialise en urologie prescrira des sondes de rééducation périnéale, alors que celui s’occupe plus spécifiquement de lombalgies prescrira surtout des ceintures lombaires ».
En revanche, les kinésithérapeutes n’ont pas le droit de prescrire des médicaments, même topiques. « Cette demande faisait partie de nos prérogatives, mais nous avons reçu un niet catégorique dès lors que ces crèmes ou pommades renfermaient le moindre principe actif », regrette Daniel Paguessorhaye. Toutefois, le président espère qu’avec les nouvelles missions qui seront confiées aux kinésithérapeutes dans le cadre des nouvelles dispositions du parcours de soins ou dans le cadre du PAERPA (Personnes Âgées En Risque de Perte d’Autonomie), cette liste sera amenée à évoluer pour que ces professionnels de santé puissent s’occuper pleinement des patients dans leur environnement.
VÉTÉRINAIRES : DES PRESCRIPTIONS DÉSORMAIS JUSTIFIÉES POUR LES ANTIBIOTIQUES CRITIQUES
Le vétérinaire a le droit de prescrire des médicaments, après avoir fait un examen clinique de l’animal et établi un diagnostic. Toutefois, dans élevages, il lui est possible de prescrire des médicaments sans avoir vu l’animal, dans le cadre d’un suivi sanitaire permanent, incluant un protocole de soins et des visites de suivi.
Le Code de la santé publique rappelle que le vétérinaire doit prescrire en priorité un médicament ayant une AMM pour l’espèce et pour l’indication considérée. Toutefois, il peut avoir recours à un médicament autorisé pour usage humain lorsqu’il n’y a pas d’équivalent en médecine vétérinaire. « Heureusement que nous disposons de cette dérogation, car sinon il nous serait impossible de soigner certaines maladies, notamment les maladies rares », indique Pierre Buisson, président du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral. Dans ce cas, le pharmacien doit signaler sur l’emballage du médicament que l’usage est vétérinaire.
La nouveauté, en ce qui concerne le droit de prescription de la profession, est l’adoption de la nouvelle loi d’avenir pour l’agriculture, le 11 septembre 2014, qui prévoit la restriction de la prescription des antibiotiques critiques aux animaux. « Désormais, il faudra toujours justifier une prescription d’un antibiotique dit critique, à savoir les quinolones, les céphalosporines de 3e et 4e générations, explique Pierre Buisson. Il faudra a minima faire un examen clinique pour chaque animal, avec si besoin des analyses complémentaires de type bactériologique afin de justifier la prescription de ces antibiotiques critiques. Des éléments qu’il faudra adjoindre au dossier de l’animal en vue d’une éventuelle inspection, rapporte-t-il. Nous sommes dans l’attente des décrets qui lanceront l’application de cette loi. »
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