Après le record abyssal de 39 milliards d’euros en 2020, le trou de la Sécu devrait s’établir à 17,8 milliards d’euros cette année – au lieu des 20,4 milliards prévus – puis à 6,8 milliards d’euros en 2023. Des chiffres qui confirment le spectaculaire redressement des comptes, dû à la fois à la croissance et à l’inflation, mais aussi à l’annonce d’importantes mesures d’économie, notamment un encadrement plus strict des téléconsultations et un renforcement de l’arsenal anti-fraude, ainsi qu’une forte contribution des laboratoires pharmaceutiques… risquant d’impacter tous les acteurs de la chaîne du médicament.
Un tel redressement n’avait été imaginé par aucun économiste en 2020 ou 2021, alors que la Sécurité sociale enregistrait un déficit abyssal en lien direct avec la pandémie de Covid-19. Ce redressement des comptes s’appuie non seulement sur le retour à la croissance, mais aussi et surtout sur les effets de l’inflation. Car la hausse des prix et des salaires dope considérablement les cotisations et va engendrer un bond des recettes de la Sécu de 4,1 % en 2023, alors que les dépenses progresseront de 2,1 %. Résultat, le déficit record de l’exercice 2020 à 38,7 milliards d’euros devrait être ramené à 6,8 milliards d’euros en 2023. Ce qui profitera essentiellement à la branche maladie dont les pertes vont passer de 20 milliards d’euros en 2022 à 6,5 milliards d’euros l’an prochain.
L’avant-projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 présenté ce matin en conseil des ministres ne cache pas que, selon l’avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), ce résultat est sujet à caution. Il repose en effet sur une facture Covid très (trop ?) largement revue à la baisse, qui passerait de 11 milliards d’euros en 2022 à seulement 1 milliard d’euros l’année prochaine. Mais l’avant-PLFSS dévoile d’autres leviers pour grignoter le trou de la Sécu, avec des « mesures d’économies sans commune mesure ».
Au programme : un strict encadrement des arrêts de travail délivrés en téléconsultation, dont le coût avoisine les 100 millions d’euros en 2022, un renforcement de l’arsenal contre la fraude des usagers comme des professionnels de santé, et une contribution des laboratoires pharmaceutiques, non dévoilée à ce stade, mais dont la Première ministre, Élisabeth Borne, a évoqué l’évidence ce matin sur BFMTV et RMC. « On peut tous constater qu'ils ont réalisé un chiffre d'affaires important du fait de la crise sanitaire et donc aujourd'hui, je pense que c'est important qu'ils participent à l'effort. » De fait, l’avant-PLFSS comprend un chapitre sur la « régulation des dépenses des produits de santé » et prévoit une baisse de 1,7 milliard d’euros. À ce stade, les baisses de prix sur les médicaments et les dispositifs médicaux en 2023, habituelle variable d’ajustement du gouvernement, n’ont pas été détaillées. Pour 2022, l’objectif avait été fixé à 825 millions d’euros de baisses de prix.
Les perspectives au-delà de 2023 sont moins spectaculaires. Le déficit de la branche maladie devrait en effet se résorber à un rythme plus modéré pour s’établir à 2,6 milliards d’euros en 2026. Après une hausse des dépenses d'assurance-maladie (ONDAM) estimée à 3,7 % en 2023 selon le HCFP, l'exécutif table sur un ONDAM à « 2,7 % en 2024 et 2025, puis 2,6 % en 2026 et 2027 ». Ce qui signifie qu’une cure de rigueur se profile. Ces trois dernières années, le Covid et le Ségur de la santé ont fait bondir les dépenses de plus de 20 %, à près de 245 milliards d'euros. Plus que sur l'hôpital, l'effort devra porter « en particulier (sur les) soins de ville, malgré l'impact haussier du vieillissement de la population et du progrès technique » qui feront gonfler les coûts. Une contrainte que le gouvernement devra intégrer au volet santé du Conseil national de la refondation, qui sera lancé le 3 octobre, avec pour objectif principal d'améliorer l'accès aux soins et de lutter contre les déserts médicaux.
Enfin, cet avant-PLFSS ne comprend, pour le moment, aucune mesure de réforme des retraites, mais l'exécutif se prépare à introduire une hausse de l'âge légal ou de la durée de cotisation par un amendement lors des débats au Parlement au mois d'octobre, et à mener à bien cette réforme d'ici à l'été 2023.
Avec l'AFP.
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